Comités d’entreprise

Attributions économiques et Enjeu des expertises (publié janv.2017)

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, l’employeur doit constituer un comité d’entreprise (CE) , composé de délégués élus par les salariés et présidé par lui-même ou un de ses représentants.

Si le rôle du CE, gestionnaire d’activités sociales est bien connu, ses prérogatives économiques  le sont beaucoup moins.
Les représentants du personnel sont obligatoirement informés et consultés  sur la situation et les mutations économiques de l’entreprise. Certes, ils ne disposent pas du droit de veto, mais peuvent freiner des évolutions funestes pour l’entreprise et l’emploi. C’est le seul contrepouvoir existant face au diktat des actionnaires.

Mais l’exercice des attributions économiques est complexe, du fait de son caractère conflictuel et  des compétences requises.
Aussi, les élus du CE peuvent suivre des formations et  recourir à l’assistance de professionnels.

Le choix de l’expert comptable est fondamental, car l’analyse financière et économique  n’est jamais neutre puisqu’elle repose sur le partage de la richesse entre les salariés, l’entreprise et les actionnaires.
En désignant des experts liés aux Directions d’entreprise (KPMG, PWC, Mazard ..), les élus du CE prennent le risque d’une analyse biaisée et complaisante.

Mais, le lien avec les Directions est parfois masqué,  certains groupes patronaux d’expertise n’hésitent pas à créer une filiale dédiée exclusivement à l’assistance aux comités d’entreprise.
Ce montage permet de présenter comme « indépendants » des experts, qui, en fait, ne le sont pas. On peut citer  EllipCE, filiale du groupe BDO, Exoce, filiale du  groupe Eurex,  Soxia, filiale du groupe Exponens ….
L’absence de relation avec des groupes patronaux est indispensable  à une analyse utile et pertinente pour les salariés.

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Mission économique : Principales caractéristiques

Un rôle souvent méconnu et délaissé

La gestion des activités sociales par le CE est historique, sport, culture, loisirs, enfance .. ., largement connue et peu contestée.
A l’inverse, le rôle économique est plus obscur, parfois délaissé par les représentants du personnel, pour le plus grand bonheur des employeurs.

Source de difficultés et de tensions

L’exercice des prérogatives économiques nécessite des efforts importants de formation pour  les élus de CE.
De plus, les directions d’entreprise n’encouragent guère l’intervention des salariés dans le domaine économique.

Et pour cause, la confidentialité et la discrétion permettent de masquer les enjeux du partage des richesses, de faire taire les revendications et d’appliquer des stratégies néfastes pour l’emploi sans provoquer de mouvements sociaux.

Et pourtant  essentiel

Si les élus du CE ne disposent pas du droit de veto et donc d’aucun pouvoir décisionnel, ils peuvent, cependant, alerter les salariés, les médias, les institutions et ainsi contribuer à freiner des stratégies ruineuses et mortifères pour l’entreprise.
Pour preuve, on peut citer deux exemples où des procès verbaux de réunions de CE ont permis de dénoncer des utilisations d’argent public non conformes aux objectifs.( (à 27 mn15 et à 47mn 35)

Mission économique : les moyens à disposition

La formation

Les élus (titulaires) du CE peuvent bénéficier d’une formation d’une durée maximum de 5 jours, renouvelables après 4 ans d’exercice du mandat, consécutifs ou non.
La formation doit être dispensée par des organismes habilités par l’Etat.
Il faut cependant être très attentif au choix du prestataire, car l’habilitation n’est pas une garantie de qualité et d’impartialité. Signalons que les organisations syndicales de salariés possèdent cette habilitation.

Le  recours à expert

Le recours aux experts a toujours constitué un point de friction avec les organisations patronales, et les modifications juridiques se sont succédées, la dernière en date est la loi Rebsamen de 2015.
Mais le principe de base  est resté identique : l’expert comptable  est choisi et mandaté par les élus du Ce et ses honoraires sont pris en charge par l’entreprise, l’employeur ne pouvant s’y opposer.

Mission économique et assistance du CE

Les différentes missions d’assistance

La loi a listé les différentes situations à l’occasion desquelles les élus du CE peuvent se faire assister d’un expert comptable, choisi par eux et rémunéré par l’entreprise.

Un  recours annuel  lors des consultations obligatoires

Chaque année , les élus du CE doivent donner un avis  sur la  situation économique et financière de l’entreprise, la politique sociale, l’emploi et les conditions de travail de l’entreprise et  les orientations stratégiques de l’entreprise.

Des recours ponctuels

Lors de la mise en œuvre  du droit d’alerte

Un droit d’alerte peut être déclenché lorsque les élus du CE constatent des faits  préoccupants pour l’avenir de l’entreprise. Les dirigeants devront, alors, communiquer une information détaillée  sur la réalité des difficultés  et indiquer les  mesures de redressement envisagées.

Lors d’une procédure de licenciement collectif

Pour l’analyse des documents économiques et des mesures d’accompagnement des licenciements
Lors de projet de licenciement de plus de 10 salariés, la direction doit remettre un document comprenant deux parties, l’une avec les motifs stratégiques, économiques et financiers, l’autre avec  le détail des mesures d’accompagnement des licenciements, dit « Plan de sauvegarde de l’emploi » ou PSE.

Pour la négociation d’un accord collectif
La loi autorise l’employeur à proposer  un accord collectif  permettant d’accélérer et de faciliter  la procédure de licenciement, en fixant un calendrier et des modalités. La validité de l’accord est conditionnée à la signature des syndicats représentatifs.

Pour la recherche d’un repreneur
Lors d’une mise en redressement judiciaire ou d’un projet  de fermeture de site, la direction doit engager des démarches pour la recherche de repreneur, le CE peut y participer.

Un recours spécifique dans les grandes entreprises

Dans les entreprises de plus de 1000 salariés, une commission économique est constituée au sein du CE  et peut recourir à une assistance pour réaliser des études à la demande des élus du CE.

Les critères de choix de l’expert comptable

Principes et  éthique

L’expertise pour les  CE est un marché particulièrement convoité par les experts.
Derrière un aspect lucratif incontestable, se profile un  enjeu beaucoup plus important,  celui de la « paix sociale ».

En effet, afin d’obtenir des rapports « complaisants », qui valident les choix des Directions, la pensée unique fonctionne à plein régime :  l’analyse économique d’une entreprise serait une science exacte,   la comptabilité  neutre et transparente, la validation des commissaires aux comptes constituerait une garantie absolue et les intérêts des salariés et de l’entreprise convergeraient avec ceux des actionnaires.
Ainsi un cabinet d’expertise pourrait assister  indifféremment  les directions d’entreprises et les élus du CE.

Or, c’est faux,  la comptabilité n’est ni neutre ni transparente, (voir nos articles groupes, entreprises ), les modalités de désignation des commissaires aux comptes les rendent dépendants des employeurs et ne constituent pas une garantie absolue (voir notre article sur les experts comptables  et sur GPI).
Les intérêts des salariés et de l’entreprise, maintien de l’emploi et rémunération du travail,   divergent de ceux des actionnaires,  maximum de profit en un temps record.

Conflits moraux d’intérêt

Un cabinet comptable sera moralement en conflit d’intérêt  s’il assiste à la fois  les directions d’entreprise et les élus du CE.
Pourtant tous les cabinets d’expertise comptable sont  habilités  à mener les missions d’assistance des CE, y compris le propre commissaire aux comptes de l’entreprise.

Il paraît cependant évident qu’ un expert assistant habituellement les actionnaires, d’une part,  est formaté à une vision patronale de l’entreprise et d’autre part  ne prendra pas le risque de mettre en difficulté une Direction d’entreprise, par solidarité patronale et par intérêt commercial. En conséquence, il ne dénoncera pas les dérives cachées sous les comptes et les dangers des stratégies patronales adoptées.

Les cabinets d’expertise patronaux

Intervention directe

Ils sont nombreux et il suffit de visiter leur site pour connaître leur activité d’expertise : on peut citer les plus connus comme  KPMG, PWC, Mazard, ….
Ils interviennent peu auprès des CE, et les représentants du personnel restent, dans l’ensemble , très méfiants vis-à-vis de ces cabinets.
Mais dans l’annuaire des fournisseurs de CE, figure le Groupe ACE Conseil qui, sur son site , ne se prévaut que d’expertises pour les Directions d’entreprise.

Intervention indirecte

Pour intervenir dans les CE, tout en masquant leur appartenance patronale, certains groupes d’expertise créent une filiale exclusivement dédiée à l’assistance aux élus du CE, dont l’orientation est plus difficile à détecter et qui se prétendra, alors, indépendante.

A titre d’exemple, on peut citer  Ellipce  du groupe BDO, Exoce du groupe Eurex,  René Grison du groupe Audeci, Soxia du groupe Exponens ….

Les cabinets spécialisés assistance aux CE et indépendants

Même si ces cabinets ne sont pas tous de même qualité « militante » ou professionnelle, aucun d’entre eux n’est soumis à une pression directe des Directions d’entreprise.

Citons à titre d’exemples : Axia Consultant,  Alter,  Groupe Legrand , Meric,  Progexa, Sextant, Syncea, Syndex…

Un groupe domine ce marché et fait l’objet de nombreuses controverses.

Secafi et le groupe Alpha, leader du marché

A sa création en 1983, Secafi avait  pour seule activité, l’assistance aux comités d’entreprise. Mais sa forte croissance et surtout sa diversification,  posent, aujourd’hui,  certaines questions éthiques.
Aux cotés de Secafi, deux autres filiales se sont, au fil du temps, adjointes pour former le groupe Alpha.
Sodie accompagne les reclassements des privés d’emploi.
Semaphore intervient auprès des dirigeants d’entreprise dans des situations de transformation impactant le travail et l’emploi ou lors de revitalisation de bassin d’emploi

Dans son livre « Le business des faillites »  Cyprien Botanga, journaliste à l’Humanité dimanche, illustre les difficultés posées par cette triple mission, à partir de l’exemple de la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay sous Bois.
Secafi a été mandatée par les élus du  CE pour les assister dans le cadre des licenciements collectifs, Sodie et Sémaphore ont été toutes deux désignées par PSA, la première pour le reclassement des licenciés, la deuxième pour l’étude d’impact et la revitalisation du bassin d’emploi.

Le résultat est sans appel : le délégué CGT de l’usine d’Aulnay dénonce un rapport justifiant la politique patronale « quand nous demandons une contre expertise dans le cadre d’un PSE, ce n’est pas pour que l’on nous serve la même analyse que celle du patron ! »

En  conclusion

La mission économique du CE est essentielle, et peut freiner certains reculs sociaux.
Le recours à expert est indispensable, mais le choix du cabinet doit être mûrement réfléchi, les élus du CE peuvent prendre conseil auprès de leurs organisations syndicales ou auprès d’autres  CE plus expérimentés.
Les élus du CE doivent aussi être très exigeants quant à la qualité de l’analyse rendue et aux réponses apportées à leurs préoccupations.

Sources

Sites internet des cabinets d’expertise
Le business des faillites de Cyprien Botanga
Articles parus sur ce site
Annuaire des fournisseurs de CE

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