Gaming Partners International (2014)

Des emplois à la roulette... de Las Vegas (actualisé oct 2015)

Un sort qui se joue au casino : perd ou gagne, tout se décidera à Las Vegas pour cette petite entreprise de production de jetons et de plaques de casino, située à Beaune.

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Créée en 1920, sous le nom de B&G, cette entreprise restera longtemps indépendante et son savoir faire lui a valu une notoriété  dans le monde entier.

En 2000, l’entreprise fut intégrée dans un groupe américain Groupe Gaming Partners International Corporation, avec pour seule conséquence dans un premier temps, un changement de dénomination.

Mais en 2012 une décision prise par l’actionnaire risque bien de sceller à tout jamais les  perspectives d’avenir de Gaming Partners International (GPI),

Contrainte de céder sa clientèle à une filiale de Macao (Chine), GPI a perdu  la maitrise de ses ventes et ainsi  été réduite à une simple fonction de production pour le groupe. Seuls son savoir faire et sa technicité peuvent la sauver mais jusqu’à quand ?

En vendant  la quasi-totalité de sa production aux filiales du  groupe, USA et Chine, GPI se voit imposer un prix de vente ne lui laissant plus la moindre marge commerciale. Les conséquences sont immédiates : effondrement du chiffre d’affaires et des résultats.

Et les salariés en sont les premières victimes avec une forte dégradation de leurs conditions de travail et de rémunération :  diminution de moitié de l’effectif, participation réduite à néant, pression sur les salaires avec l’annualisation du temps de travail ! Ce qui n’empêchera pas GPI de percevoir la subvention d’Etat, le CICE !!!

Et l’avenir paraît bien sombre pour cette entreprise quasi centenaire.

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Une histoire ancienne

Sous la dénomination, B&G, Bourgogne et Grasset (du nom de ses deux fondateurs), cette société fut créée dans les années 1920  pour répondre à un besoin de sécurité.

“Un jour de 1925 Mr Claudius Grasset lut dans le journal Le Figaro que le casino de Monte Carlo qui utilisait des plaques gravées en ivoire et nacre massive avait été victime d’un très important cas de contrefaçon et avait perdu 600 000 Francs » (site GPI)

Mr Bourgogne et Mr Grasset virent l’opportunité d’utiliser leur technique d’impression sur plastique pour

« solutionner le problème de contrefaçon. Ils eurent l’idée de créer une nouvelle génération de jetons qui allait garantir une totale sécurité aux casinos. Leur ingénieux process fut perfectionné en créant de nouvelles plaques de casino en feuilles de plastique laminées, pratiquement inimitables”(site GPI)

Après la seconde guerre mondiale, la société se développa et acquit une solide réputation

“Le dernier Shah d’Iran et le dernier roi Farouk en Egypte avaient tous deux leurs collections personnelles de jetons B&G fabriqués à l’usine de Beaune” (site GPI)

Par la suite  B&G diversifia ses produits, au delà des jetons et plaques avec la fabrication de roulettes à Beaune, puis de tables de jeux et autres accessoires,

En 2000, B&G fit l’acquisition de la société Bud Jones et fusionna avec la société Paul-Son Gaming, dans le but  d’offrir un service unique en matière d’approvisionnement pour les casinos.

Le regroupement de ces 3 entreprises, B&G (Beaune en France), Bud Jones (Las Vegas,USA) et Paul Son Gaming (USA et Mexique) fut à l’origine de la constitution du Groupe Gaming Partners International Corporation et B&G à Beaune prit la dénomination de Gaming Partners International (GPI)

L’ organisation de GPI Corporation, une structure pyramidale à 3 niveaux

Au premier niveau, 3 sites de production, Beaune en France, San Luis au Mexique et Las Vegas aux USA  et des sites de commercialisation répartis en Amérique du Nord, Amérique du Sud, Asie, Europe, Australie et Afrique du Sud “pour servir les casinos dans toutes les régions”

Au deuxième niveau, la société mère située à Las Vegas “Gaming Partners International Corp”

Au troisième niveau la Holding  “Holding Wilson” située à Paris qui est un fonds de placement

La place de GPI Beaune dans cette structure

Jusqu’en 2012, GPI à Beaune assurait à la fois sa production et ses ventes, à travers le monde entier.

Ainsi en 2011, sur un chiffre d’affaires total de 24 millions €, 22 millions étaient réalisés en Asie (principalement à Macao et Singapour), 2 millions en Europe, 1 million aux USA et 0,4 million dans les autres pays.

Sur les huit dernières années (2004 à 2011),en moyenne annuelle, le chiffre d’affaires a été de 21 millions €, le résultat net de 2,2 millions € et le dividende distribué de 2,1 millions € (en rémunération d’un capital investi dans l’entreprise de 8 millions €)

Toujours sur la même période, les effectifs moyens ont été de 230 salariés, avec des variations importantes d‘une année sur l’autre, une pointe de 381 salariés en 2006 et un creux de 186 salariés en 2010. Ces évolutions semblent traduire un recours important à des recrutements en CDD.

Deux principales caractéristiques sur la période 2004/2011 pour GPI Beaune

Un bon niveau de rentabilité : les résultats dégagés représentaient 25% du capital investi

La rapacité des actionnaires : les dividendes ont absorbé la totalité du bénéfice

Mais sur la même période, GPI a dû payer, en moyenne annuelle, à l’Etat des impôts sur le bénéfice de 1,1 million € et une  participation de  366 milliers €, pour les salariés.

Comment éviter, ce qui pour l’actionnaire représentait un « gâchis », ces versements à l’Etat et aux salariés ? En transférant la marge à l’étranger ! Pour éviter des litiges, il fallait cependant le faire dans des règles « acceptables »

Décisions fatales de l’année 2012

Au cours de l’année 2012, le fonds de commerce (clientèle) de GPI Dijon fut vendu à la filiale de Macao, comme en atteste  cette parution dans une publication officielle

21 – COTE-D’OR
GREFFE DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE DIJON

89 – . GAMING PARTNERS INTERNATIONAL ASIA LIMITED, SOCIÉTE DE DROIT CHINOIS. Forme : Société de droit étranger. Adresse : Alameda Dr Carlos d’Assumpcao no 180 Tong Nam Ah Central Comercio, 4 Andar H Macau (SAR) CHINE Chine.
Origine du fonds : Fonds acquis par achat au prix stipulé de 3176219 Euros. Etablissement : Etablissement complémentaire. Activité : Cession partielle de la clientèle sur le territoire de l’Asie et l’Australasie, (éléments incorporels uniquement). Adresse : .
Précédent propriétaire : GAMING PARTNERS INTERNATIONAL. 515 720 647 RCS Dijon.
Date de commencement de l’activité : 01/07/2012. Publication légale : Terres de Bourgogne du 05/11/2012. Oppositions : GAMING PARTNERS INTERNATIONAL, ZI Beaune Savigny Lieudit La Champagne, 21420 Savigny les Beaune. Commentaires : Achat d’un fonds par une personne morale (insertion provisoire).

Pour un montant de 3,2 millions €  représentant seulement 1,5 mois de son chiffre d’affaires annuel, la société  GPI était totalement dépouillée de sa clientèle, acquise après des décennies d’efforts commerciaux et mise dans une situation  de totale dépendance vis-à-vis de l’étranger, Chine et Etats Unis.

Pour l’année 2012,  cette vente de fonds de commerce  a généré un impôt sur le bénéfice de 1,3 million € et une participation aux salariés de 0,6 million €. Mais les actionnaires ne furent pas en reste, ils prirent un montant de dividendes  de 4 millions € prélevant ainsi non seulement la totalité du bénéfice 2012 (2,9 millions €) mais aussi une partie des réserves passées (1,1 million €)

A partir de 2013, les transferts de marge vont fonctionner à plein régime , mettant fin aux impôts sur le bénéfice et aussi, bien évidemment, à la participation pour les salariés

Années 2013 et 2014 : un brutal transfert de marge

Les ventes de la production de GPI Beaune vont s’effectuer en quasi-totalité aux filiales étrangères, Macao ou Las Vegas à des prix bradés.

L’aveu en est fait dans les comptes publiés, en particulier dans l’annexe sous le titre  « Transactions effectuées avec des parties liées qui ne sont pas conclues aux conditions normales de marché », ce qui signifie en clair que les prix pratiqués avec les autres filiales étaient en dessous du prix du marché.

Si ce libellé apparaissait déjà en 2010 et 2011 , les montants indiqués étaient faibles par rapport aux chiffres d’affaires, en 2010,  3% du chiffre d’affaires total, en 2011,  8% du chiffre d’affaires  et en 2013, c’est 78% du chiffre d’affaires.

En 2013, les trois quart du chiffre d’affaires de GPI Beaune » n’étaient donc plus conclus aux conditions normales du marché ».

Or il est illicite de pratiquer des prix de transferts inférieurs aux conditions normales du marché et cet aveu en 2013 pourrait bien coûter un redressement fiscal. Conscient de l’erreur commise, dans le rapport 2014 du commissaire aux comptes, il sera, alors, affirmé que les transactions sont effectuées au prix du marché.

Conséquences : une chute du chiffre d’affaires et des résultats

Les chiffres d’affaires pour 2013 et 2014 s’effondrent et ne représentent plus que la moitié de ceux des années antérieures.

Et le niveau des résultats suit cette même évolution :  déficitaire en 2013, légèrement bénéficiaire en 2014, avec des conséquences  fiscales et socialesl : l’impôt sur le bénéfice devient négatif par le jeu des crédits recherche et du CICE et la participation des salariés est nulle.

Une baisse drastique des effectifs et une augmentation du CICE

Le  niveau des effectifs est à son point le plus bas depuis 10 ans, passant de 230 salariés en 2011 à 128 salariés en 2014. Et pourtant GPI percevra le CICE pour un montant de 111 000 €  en 2013 et de 176 000 € en 2014. Le commentaire sur l’utilisation du CICE se passe … de commentaires

« Ces sommes lui ont permis de défendre ses parts de marché, financer ses investissements et ses efforts en matière de recherche et de développement. Toutes ces actions ont contribué et participé à la sauvegarde de l’emploi »

Une petite nuance : un environnement dégradé

Cependant, pour être objectif, la dégradation des comptes constatée sur GPI  trouve une partie de son origine dans la dégradation de l’environnement général : les comptes consolidés du groupe font aussi apparaitre une baisse des ventes et du résultat, mais celui-ci reste cependant largement positif.

Un silence assourdissant

On peut regretter, en conclusion, que cette mutation dangereuse de l’entreprise se soit effectuée dans le silence le plus total : aucune information ne semble avoir circulé dans la presse, mais plus grave encore, aucune explication ni aucune réserve n’apparaissent dans le rapport du commissaire aux comptes. L’absence de syndicat, un personnel essentiellement féminin, le chantage à l’emploi avec le site du Mexique ont certainement contribué à cette grande confidentialité.

Sources

  • Site GPI
  • Comptes financiers 2003 à 2014
  • Rapports financiers 2011, 2013 et 2014
  • Rapports commissaire aux comptes 2011, 2013 et 2014
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