La Générale de Santé 2015
Des évolutions alarmantes pour l’équilibre financier de la sécurité sociale et pour notre système de santé (publié août 2016)
Les évolutions récentes de la Générale de Santé s’inscrivent dans la démarche ultralibérale de la marchandisation de la santé.
En 2014, la Générale de Santé a été revendue « de concert » à deux actionnaires, l’un est le premier groupe australien d’hospitalisation privée, Ramsay Santé, implanté en France depuis 2010, l’autre est le groupe financier français, Prédica, fonds d’assurance vie du Crédit Agricole.
Les premières décisions ne se sont pas fait attendre : en 2015 fusion de Ramsay Santé et de Générale de Santé et acquisition du groupe Hôpital Privé Métropole de Lille, rendant ainsi le groupe « Ramsay Générale de Santé » acteur incontournable du système de santé en France.
La rémunération du capital des actionnaires est l’obsession majeure : depuis 2011, le cumul des dividendes versés est supérieur à celui des résultats dégagés.
Le montant du rachat de la Générale de Santé en 2014 a généré des plus values conséquentes pour les actionnaires précédents.
Les dirigeants sont aussi bien soignés : pour le directeur général , une rémunération de 1,3 million € en 2014, en hausse de 60% sur 2 ans et pour le directeur délégué, une indemnité de rupture de 1,9 million € pour son départ en 2015.
Quant au nouveau président de Ramsay Générale de Santé , sa rémunération en Australie dépasse les 10 millions € annuel, probablement refacturée en partie à la holding française.
Et toutes ces générosités sont financées par la Sécurité Sociale qui, par ailleurs, impose des économies de 3 milliards € à l’hôpital public.
Mais pour les salariés, c’est l’austérité avec des baisses d’effectifs (à périmètre constant), la stagnation des salaires et des remises en cause d’acquis sociaux. Le CICE d’environ 12 millions € pour les 6 premiers mois 2015, n’a eu aucun effet sur l’emploi!!
Lire l'article completÉvolution de l’actionnariat
De la Générale des Eaux au groupe australien Ramsay Santé Health Care
Les principales étapes
Pour les détails se reporter à notre article Générale de Santé 2014
Créée en en 1987 par la Générale des Eaux, la Générale de Santé (GDS), sera revendue 10 ans plus tard, au fonds d’investissement luxembourgeois CINVEN.
En 2001, l’introduction en Bourse livrera les prestations de soins à la spéculation boursière.
A partir de 2007, la Générale de santé sera contrôlée, à 83% par deux familles italiennes : la famille Agostini et le docteur Antonino Ligresti.
En 2013, Générale de Santé vendra ses établissements de soins psychiatriques à Ramsay Santé, filiale française du premier groupe australien d’hospitalisation privée, Ramsay Santé Health Care.
En 2014, Ramsay Santé et Prédica, (filiale du Crédit Agricole) rachètent « de concert » 89,31% des actions de GDS pour un montant de 945 millions €, qui serait, selon un article du Figaro, inférieur au prix payé en 2007 par les familles italiennes
Cependant le capital social investi à l’origine est de 103 millions €, une plus value importante a donc été réalisée par les actionnaires précédents, soit La Générale des Eaux, soit le fonds luxembourgeois CINVEN.
En juin 2015, les établissements de Ramsay Santé France fusionnent avec ceux de la Générale de Santé, et en décembre, le nouveau groupe acquiert neuf hôpitaux privés de Lille « HPM ».
Ainsi, en 2016, Ramsay Générale de Santé possède 124 établissements, 25 services d’urgence, emploie 22000 salariés et 6000 médecins libéraux, une taille considérée comme déterminante pour devenir un acteur influent et incontournable
Quelques données sur Ramsay Santé Health Care (50,91% des parts de GDS)
En 1964, Paul Ramsay installe un hôpital psychiatrique dans une petite maison d’hôtes « la Warrina Maison », située en Australie.
Dans les années suivantes et jusqu’en 2000, le fondateur ne cessera de créer et d’acquérir de nouveaux établissements pour transformer la petite entreprise en premier groupe d’hospitalisation privée en Australie, avec en 1997 une introduction en Bourse, l’Australien Stock Exchange.
En 2001, le groupe Ramsay Santé s’implantera au Royaume Uni avec les rachats de Alpha Healthcare , puis de Capio UK et posséde actuellement 36 établissements de soins de santé dans le pays.
En 2010, le Groupe Ramsay s’établira en France en partenariat avec Prédica, avec l’acquisition de Proclif SAS, et de ses neuf hôpitaux situés en Région Parisienne. puis ce sera au tour des cliniques Convert à Bourg en Bresse et de l’Union à Toulouse de tomber dans le giron du Groupe australien.
En fin 2013, le processus d’implantation en France prendra un tournant majeur, avec les opérations successives, d’acquisitions et de fusions réalisées sur la Générale de Santé (vor plus haut).
Quelques données sur Predica (38,4%des parts de GDS)
Filiale à 100 % du groupe Crédit Agricole Assurances lui-même filiale à 100 % de Crédit Agricole S.A., Prédica est le 2ème assureur-vie français.
Depuis 2010, Predica est le partenaire privilégié de Ramsay Santé en France.
Activité et rentabilité
Précision : depuis la reprise de GDS par Ramsay, la date de clôture de l’exercice a été modifiée, passant du 31 décembre au 30 juin, ce qui a conduit à réaliser un exercice de 6 mois en 2015, difficile à analyser. Le prochain exercice de 12 mois sera clos au 30 juin 2016.
Dans un environnement contraignant
« Les prix pratiqués dans les établissements de soins dépendent de tarifs définis par le gouvernement français dont les efforts pour réduire les dépenses publiques de santé et réduire le déficit de la sécurité Sociale peuvent avoir un effet baissier sur les prix et le volume d’activité de la Société.
En France, la plupart des activités du Groupe sont réglementées et il existe des tarifications fixes ou des méthodes obligatoires de tarification pour l’intégralité ou la quasi-intégralité des actes médicaux qui sont effectués dans ses établissements. » Doc de référence 2015.
Les stratégies mises en œuvre
Atteindre une taille optimale
« La taille de Générale de Santé et l’étendue de son réseau lui permettent d’être représentée dans les instances professionnelles et d’entretenir un dialogue approfondi avec les autorités.
Ces relations régulières avec les tutelles positionnent le Groupe comme un partenaire de référence dans la composition de l’offre de soins dans les territoires de santé. » Doc de référence 2015
Anticiper les évolutions futures et en particulier le vieillissement de la population
« Enfin, rappelons que le vieillissement de la population française résultant de l’accroissement de l’espérance de vie s’accentue. Selon l’INSEE, une proportion de 24,8% de la population devrait être âgée de soixante ans ou plus dès 2015, 31,8% en 2050. » Doc de référence 2015.
S’implanter dans les zones géographiques attractives par la densité démographique et le niveau de revenu des habitants
« Les établissements du Groupe en France sont principalement situés dans des zones urbaines de grande taille dont la densité de population s’étoffe »
Œuvrer pour faire évoluer la législation dans un sens favorable
« La loi Hôpital, patients, santé, territoires de 2009 a ouvert une nouvelle ère dans la politique de santé française …….. Générale de Santé s’est pleinement retrouvé dans la philosophie de cette loi »Doc de référence 2015.
Construire une organisation complexe
En multipliant les sociétés intermédiaires, holding, sociétés immobilières …l’origine des résultats est difficile à déterminer. (voir notre article 2014)
Pour assurer une bonne rémunération des actionnaires
De 2011 à 2014, le chiffre d’affaires du groupe est en diminution régulière, une évolution due à des cessions d’établissements de santé et non à une dégradation de l’activité, les résultats sont, à l’exception de 2011, toujours bénéficiaires.
Des dividendes disproportionnés
Par rapport aux résultats : Sur les 4 dernières années (2011/2014), le cumul des résultats est de 179 millions € et celui des dividendes distribués de 323 millions €.
Par rapport au capital investi dans Générale de Santé d’un montant de 103 millions € , ce qui signifie qu’en 4 ans, le groupe a dû payer aux actionnaires 3 fois la somme reçue.
La conséquence est une augmentation de l’endettement qui passe de 77% du total du financement à fin 2010 à 82% fin 2014
Des plus values importantes sur les reventes d’action
Les nouveaux actionnaires Ramsay et Prédica ont versé 945 millions € pour racheter les actions de Générale de Santé alors que la valeur du capital investi est de 103 millions €. La différence constitue les plus values réalisées par les actionnaires précédents (voir plus haut).
Des dirigeants bien récompensés
Le directeur général Pascal Roché, entré en juillet 2011 a vu sa rémunération augmenter de 60% entre 2012 et 2014 (1 259 012 € en 2014). Sur les 6 mois de 2015, elle est de 529 506 €.
Le directeur délégué Filippo Monteleone, entré en 2001 a vu sa rémunération augmenter de 29% entre 2012 et 2014 ( 806 206 € en 2014). Pour son départ le 6 janvier 2015, il a perçu une indemnité de rupture d’un montant de 1 931 946 €, dont 295 672 € au titre de l’indemnité conventionnelle et 1 636 274 € au titre de l’indemnité contractuelle.
Quant au nouveau président du conseil Christopher Rex, nommé le 1er octobre 2014, il ne perçoit rien au titre de son mandat en France. Mais sa rémunération dans la holding australienne est de l’ordre de 11 à 15 millions de dollars (soit 10 à 13 millions €) pour les 12 mois 2014/2015. Il est fort à parier qu’une partie sera refacturée d’une manière ou d’une autre à Ramsay Générale de Santé.
Cela pourrait présager des évolutions futures bien inquiétantes.
Des rémunérations du personnel sous constante pression
Entre 2012 et 2014, les frais de personnel ont diminué de 16%, alors que le chiffre d’affaires ne se réduisait que de 11%.
« Les coûts salariaux supportés par le Groupe ont diminué entre 2013 et 2015 : en pourcentage du chiffre d’affaires, les frais de personnel sont passés de 44,2% en 2013 à 42,3% au 30 juin 2015. » Doc de référence 2015
Ces « performances » ont été obtenues par une baisse des effectifs et une stagnation des salaires (+ 0,9% en moyenne annuelle, selon le document de référence).
En outre, depuis la nouvelle gouvernance de Ramsay Santé, des mesures, telle que l’externalisation du nettoyage à la clinique Rech de Montpellier, ont provoqué les réactions des salariés qui ont engagé une action au prudhomme.
Le CICE perçu a été de 18 millions € en 2013 et de 24 millions € en 2014, pour les six premiers mois 2015, son montant peut être estimé à 12 millions €.
Une fois de plus cette subvention publique se conjugue avec diminution des effectifs, augmentation des dividendes et des rémunérations de dirigeants.
La santé est un des premiers services publics essentiels à la vie de la population, comment peut on laisser notre système de santé livré à l’appétit d’actionnaires et de dirigeants aussi peu sensibles à l’intérêt public ? Est il acceptable que l’argent public, celui de la Sécurité Sociale et de la Collectivité, finance dividendes et hautes rémunérations sans aucun contrôle ?:
Sources
Documents de référence Générale de Santé 2011 à 2014 et 2015 (janvier/juin)
Document de fusion Ramsay Santé GDS
Document de référence Ramsay GDS 2015 (juillet/décembre)
Annual Report Ramsay Health Care Limited (2014/2015)
Article La marseillaise du 9 octobre 2015
Article le Figaro du 12 mai 2014
Laisser un commentaire