HERMES 2015

La dure réalité de l’aggravation des inégalités (publié juillet 2016)

Depuis 10 ans, la croissance de la demande des produits de luxe Hermés est d’une telle ampleur que les capacités de production, pourtant en augmentation régulière,  ne suffisent plus à la satisfaire. En conséquence, les délais d’attente s’allongent, les prix flambent et un juteux marché d’occasion se développe.

Cet essor de l’industrie de luxe traduit une forte poussée des hauts revenus, alors que dans le même temps, les mesures d’austérité dégradent les conditions de vie d’une grande majorité des populations.

Ces profondes inégalités font aussi partie intégrante du système Hermès. La notoriété de ses produits provient de la très grande qualification du  travail manuel , générateur d’une forte valeur ajoutée, mais dont il faut, à tout prix masquer l’origine.

Si, dans le discours officiel  le travail des « artisans » est en permanence valorisé,  en interne, c’est l’inverse, la communication et les moyens de pression utilisés visent en permanence à le dévaloriser.( voir notre vidéo : le bluff du ruissellement chez Hermés)
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En particulier, la mise en déficit systématique des filiales de production a pour seul but de convaincre les ouvriers «artisans» de l’insuffisance de leur productivité, et ainsi de freiner toute velléité de revendication salariale.

La conséquence est sans appel :  la rémunération globale d’un ouvrier de maroquinerie ne représente en 2015  qu’une part infime du prix de vente d’un sac, entre 2 et 6% selon les modèles.

A l’inverse les bénéfices dégagés sont énormes, atteignant en 2015  prés de 1 milliard €, représentant  20% des ventes et un taux de rentabilité de 950%  du capital (social) investi dans le Groupe.

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En 2015, Hermès exploite  quarante-deux sites de production, dont trente et un en France, gère en exclusivité 307 magasins répartis sur les 5 continents et emploie 12 244 salariés dans le monde, dont 7 461 salariés  en France

Les principales caractéristiques de la production sont le luxe et la cherté : maroquinerie (47% des ventes), vêtements et accessoires (23% des ventes), soie et textile (11%des ventes), bijouterie, art de vivre, horlogerie, parfums.

Une croissance exceptionnelle des ventes

Sur un an

« Le chiffre d’affaires est de 4 841 M€, en croissance de 18 % et de 8 % à taux de change constants…..

La progression soutenue du chiffre d’affaires réalisé en 2015 dans les magasins du groupe (+ 9 %) s’appuie sur une croissance de toutes les zones géographiques, malgré un environnement contrasté…….

La France (+ 6 %) montre une résistance remarquable, malgré l’impact négatif des événements de fin d’année. » (rapport annuel de référence 2015)

Comme sur 10 ans

Entre 2006 et 2015, le chiffre d’affaires a explosé, passant de 1,5 milliard € à 4,8 milliards €.
L’activité historique, la maroquinerie a été le fer de lance de cette croissance et constitue aujourd’hui prés de la moitié des ventes.

Liée à une forte demande

Cette augmentation de la demande mondiale s’inscrit dans un contexte de politique d’austérité dégradant le pouvoir d’achat du plus grand nombre , traduisant ainsi la montée des inégalités.

La notoriété  des produits Hermés provient de  leur nature artisanale et de leur origine française. En conséquence, l’augmentation de la production ne peut s’effectuer que par l’ouverture de nouveaux ateliers et l’embauche de nouveaux salariés.

Mais, par choix ou par contrainte,  la croissance de la production ne  suit pas  celle de la demande,  et  la rareté ainsi générée se traduit par de  fortes hausses de prix et développe la spéculation.

Et à une envolée des prix

L’exemple du sac Birkin, produit phare de la maroquinerie est particulièrement révélateur

« Sa qualité exceptionnelle (20h de travail effectuées par un seul et même artisan) en fait un sac d’une grande rareté qu’il faut souvent commander plusieurs années à l’avance.
En évolution constante depuis plusieurs années, le Birkin a vu son prix multiplié par 3,8 en 8 ans, tous modèles confondus. ….
En 2006, il fallait débourser en moyenne 4 260 € pour un Birkin en cuir, et presque le triple en 2014, soit 9 913 €…..
La valeur du Birkin en crocodile connait elle aussi une progression forte sur les 3 dernières années : s’il valait 27 536 € en 2007, il en fallait 40 691 € en 2014. » (www.collectorsquare.com RAPPORT D’ANALYSE BIRKIN / Juin 2015)

Développant un marché spéculatif de l’occasion

« Peu présent aux enchères, le Birkin est un modèle  très recherché par les collectionneurs. Disponible sur commande chez Hermès, ses prix sur le marché de l’occasion dépassent régulièrement le prix du neuf, à condition d’être dans un excellent état. » (www.collectorsquare.com RAPPORT D’ANALYSE BIRKIN / Juin 2015)

Générant des profits hors normes

Le résultat net du Groupe, toujours très largement positif a connu des progressions spectaculaires au cours des 10 dernières années, atteignant en 2015 des sommets de rentabilité exceptionnelle.

Entre 2006 et 2015, le résultat net du Groupe est passé de 273 millions €  à 977 millions € .

Le résultat 2015 représente 10 fois le capital investi par les actionnaires (Famille Hermés) , soit une rentabilité de 1000 %, le livret A fait pale figure à coté !!
Ce résultat représente 20% du chiffre d’affaires,  une performance hors normes.

Dont l’origine est bien masquée aux salariés de production

Pour deux raisons

Si les résultats sont publics et difficiles  à cacher, il convient d’en masquer l’origine, notamment aux yeux des salariés de production.

Première raison : Importance des effectifs de production

Non seulement, l’emploi industriel est le plus important, 70% de l’effectif en France, mais il est appelé à croitre avec l’ouverture de nouveaux ateliers.

Deuxième raison : la solidarité patronale

Comme indiqué dans le rapport de référence, le niveau des rémunérations des ouvriers ne doit pas mettre en difficulté le patronat local, et tant pis pour le respect  du principe de la concurrence libre et non faussée.

« Les niveaux de rémunération sont principalement le reflet des compétences et des marchés liés aux bassins d’emploi.» (rapport annuel 2015)

Une augmentation des salaires des ouvriers aurait une incidence non négligeable sur les profits  du Groupe comme sur ceux des entreprises implantées dans les mêmes bassins d’emploi.

Par un moyen très simple : transfert de marge

Comme expliqué dans notre article Hermés 2014, les entreprises de production vendent à prix bradés leur production à la filiale de commercialisation Hermés Sellier.

En 2015, l’analyse des comptes cumulés des 9 entreprises de fabrication de maroquinerie est particulièrement révélatrice : le chiffre d’affaires de 115 millions € génère un  résultat (avant impôt et participation)  déficitaire  de 3 millions €.

Ainsi, les dirigeants  peuvent affirmer que non seulement  les ouvriers ne créent pas de richesse, mais qu’ils appauvrissent le groupe Hermés, qui, dans sa grande bonté, maintient des emplois non rentables !

 

Les différentiels de résultats entre filiales permettent de conforter le raisonnement et de semer la division  :   la Maroquinerie des Ardennes, dégage un excédent, celle de Belley est à l’équilibre,  les 7 autres sont lourdement déficitaires.

Mais pour Hermés Sellier, « cliente » des entreprises de fabrication et qui assure la commercialisation de leurs produits, l’excédent dégagé  (avant impôt et participation) est  de 597 millions €.

Par le biais des prix de vente internes, la marge des filiales de production est  transférée à celle  de commercialisation, sans  but d’optimisation fiscale mais avec  celui de  pression sur les salaires ouvriers

Malgré des  mouvements sociaux et grâce à de nouvelles pressions

Des  vents de fronde traversent parfois les ateliers. Par exemple, en 2012, Hermès a dû étendre l’accord de participation à l’ensemble des  entreprises, déficitaires ou non (voir article 2014) et accorder des augmentations de salaires à la Maroquinerie des Ardennes.

Depuis 2013,  pour lutter contre l’absentéisme, plus élevé chez les effectifs de production, du fait des conditions physiques de travail, il a été institué « des entretiens de retour », dont le but avoué est de limiter les absences, en culpabilisant le salarié.

« Ce type de mesure vise à favoriser le dialogue et à mieux comprendre les causes de l’absence, tout en respectant le secret médical. Les managers sont également formés à la gestion des retours selon la nature de l’absence, élément clé pour en limiter la fréquence ».(rapport annuel 2015)

Pour maintenir la hiérarchie des salaires

Pour l’effectif de 2 131 salariés des ateliers de maroquinerie, le salaire moyen  sur 12 mois est de 2 400 € brut   et la participation annuelle  de 4 518 € : dans un sac Birkin , le coût des 20h d’ouvrier est de 600 € soit 6% du prix de vente total pour le modèle cuir et  de 1,4% pour le modèle crocodile. Rappelons que la participation n’est versée aux salariés de production que depuis 2013. (voir article 2014)

Pour l’effectif  de 2 749 salariés d’Hermés  Sellier, filiale de commercialisation, le salaire moyen  sur 12 mois est de 4 419 € brut et la participation annuelle de 7 217 €. Cette  moyenne masque de grands écarts, puisque Hermés Sellier possède aussi des ateliers de production et donc des salaires  ouvriers qui tirent la moyenne vers le bas.

Pour l’effectif de 369 salariés de la Holding Hermés international, le salaire moyen est de 10 388 € brut  sur 12 mois, et la participation est de 10 840 €.
Cette moyenne masque des écarts importants , le salaire du PDG étant en 2015  de 189000 € par mois, soit l’équivalent en un seul mois, de 6 ans de salaire d’un ouvrier de production. Son salaire 2016 devrait être en augmentation de 13%. C’est vrai, il y a pire dans l’automobile !

Et distribuer des dividendes très élevés

Dans notre article 2014, nous avions relevé le versement de dividendes exceptionnels en 2012 et 2014.

En cumul, sur  les 10 dernières années, les dividendes distribués sont de 3,1 milliards €, représentant 30 fois le capital  investi.
Mais les salariés ne peuvent en bénéficier

« À la connaissance de la société, la proportion du capital que représentent les actions détenues par des salariés du groupe (hors dirigeants et mandataires sociaux) au 31 décembre 2015 n’est pas significative ».(rapport annuel 2015)

Coût du capital et coût du travail , il faudrait ne pas avoir de tabous, Messieurs les Politiques dont les seules  mesures visent à baisser le coût du travail sans jamais traiter celui du capital .

Aucune information n’est fournie sur les subventions reçues. D’après nos calculs, le CICE perçu devrait être de l’ordre de 10 millions € .Tout commentaire est superflu!!

Sources

Liasses fiscales des 9 entreprises de maroquinerie, d’Hermès Sellier et d’Hermès International
Documents annuels de référence 2006 à 2015
Site internet Collector Square  RAPPORT D’ANALYSE BIRKIN / Juin 2015

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