Investisseurs

Pour masquer une activité spéculative et destructrice d'emplois (publié octobre 2017)

Présentées comme novatrices, les ordonnances Macron de l’été 2017, ne constituent, en fait, qu’une aggravation des politiques menées depuis 30 ans.

Sous des habillages différents, il s’agit toujours de la même rengaine  : « Pour résoudre le chômage, il faudrait encourager les investisseurs à rester (ou à venir) en France, en leur assurant le maximum de rentabilité dans un minimum de temps, et pour cela, réformer la fiscalité  et réduire le « coût du travail ». »

Mais cet argumentaire est une imposture, car les soi disant investisseurs sont, en fait, des spéculateurs qui ne cessent de ponctionner les entreprises dans le seul but de s’enrichir, comme en témoigne la croissance sans précédent de la fortune des 500 français les plus riches au cours des 20 dernières années.

Si les moyens utilisés par ces « investisseurs », rachat d’entreprise et activité boursière, sont clairement identifiés,  les véritables mécanismes, eux, sont plutôt opaques.

Le rachat d’une entreprise par un nouvel actionnaire ne représente que rarement un réel investissement.
En effet, dans ce type d’opération, c’est l’actionnaire vendeur qui perçoit  le montant de la transaction et non l’entreprise.
Quant à l’actionnaire acheteur, ses  seuls objectifs sont de récupérer rapidement le montant de sa dépense par des prélèvements massifs sur les ressources de l’entreprise et de réaliser, à son tour, un gain important au moment de la revente.
Dans ce jeu de Monopoly, les entreprises sont les victimes de l’avidité des spéculateurs, au détriment de leur développement, parfois même de leur survie, comme ce fut le cas bien actuel de Whirlpool.

L’activité boursière constitue un deuxième levier d’enrichissement des investisseurs/spéculateurs, avec des effets pervers sur les entreprises, contraintes souvent à réduire leurs effectifs pour faire croître le cours de l’action et ainsi assurer une plus value aux actionnaires.

De nombreuses voix s’élèvent pour  alerter sur l’arrivée d’une probable crise financière, liée à « l’aveuglement des investisseurs », mais elles ne parviennent pas à se faire entendre, la censure médiatique fonctionnant à plein régime.

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Des affirmations sans cesses répétées

Se succédant dans les médias, nos gouvernants et leurs doctes  économistes   affirment la nécessité d’encourager   les « investisseurs » à rester ou à venir en France. Ce serait, selon eux, la seule solution pour résoudre le chômage de masse.

Et pour  attirer ces « bienfaiteurs », il faut leur garantir le maximum de rentabilité , en diminuant leurs impôts et «le coût du travail».
Cette politique est présentée comme novatrice, en rupture avec  celle des gouvernements précédents.

Fondées sur une double imposture

Une imposture  historique

Avec le retour en force du libéralisme,  ces mesures économiques  sont appliquées  depuis 30 ans, en France et dans l’ensemble des pays européens.
Il suffit de rappeler le fameux théorème du  chancelier ouest-allemand Helmut Schmidt qui déclarait  le 3 novembre 1974

: « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain »

Et l’Allemagne des années 2000, sous Gehrard Schroeder, a appliqué strictement cette consigne avec des résultats bien peu enviables : si la  baisse  du chômage semble réelle,  elle est principalement due à la faiblesse de la démographie allemande et à la dégradation des conditions de travail, précarité et bas salaires, faisant exploser  la pauvreté dans le pays.

En France, depuis les années 80,  de nombreuses mesures ont eu pour effet d’alléger la fiscalité des entreprises.
On peut citer la diminution du taux d’imposition sur les bénéfices, de 50% en 1970 à 33% en 2015 et 25% à l’horizon 2020, la substitution de la CVAE à la taxe professionnelle, le mécanisme du sur amortissement etc …..

Des subventions ont été massivement déversées chaque année, d’un montant actuel de  150 milliards d’euros par an, le plus souvent sans contrôle ni contrepartie (voir nos articles CICE, CIR).

Et pour les particuliers, les réformes fiscales successives  ont eu pour effet de diminuer  les impôts des plus fortunés (diminution du nombre de tranches, baisse du taux maximal …) et d’augmenter ceux des consommateurs par le biais de la  TVA.

Une imposture économique

Sur les 20 dernières années, la richesse créée, mesurée par le Produit Intérieur Brut, a été multipliée par 1,7, passant de 1 259 milliards en 1996 à 2 222 milliards en 2016.

Et sur la même période, la fortune cumulée des 500 Français les plus riches a été multipliée par 7, passant de 80 à 571 milliards euros. Quant au top des 10 plus riches, leur patrimoine a été multiplié par 12. Et pour le premier d’entre eux, Bernard Arnault, sa fortune a été multipliée par 17. (Challenges juin 2017).
Même un enfant de cours élémentaire pourrait déduire de ces  données, que l’enrichissement de ces individus s’est effectué en accaparant une part plus importante de la richesse créée , au détriment d’une grande majorité de la population.

Et ce n’est qu’une partie visible de l’iceberg, de nombreuses entreprises françaises sont possédées par des actionnaires installés à l’étranger et qui détournent, à leur profit, une partie de la richesse créée en France.
Et pendant ce temps là, le chômage n’a cessé de croître , au rythme des destructions d’emplois.

Les investisseurs et les destructions d’emplois

Les deux principaux moyens utilisés pour s’enrichir en détruisant des emplois sont  les rachats et reventes d’entreprise d’une part et la spéculation en Bourse d’autre part.

Rachat et revente d’entreprise

Depuis une trentaine d’années, les entreprises sont soumises à la loi implacable des grands groupes et des fonds de pension,  qui n’ont qu’un seul but, gagner de l’argent en ponctionnant les entreprises.

Le mécanisme de base

Quand  une entreprise est rachetée par un nouvel actionnaire, elle ne perçoit pas le moindre  centime d’euro , car  le paiement du rachat va directement dans la poche de l’ actionnaire précédent qui souvent, en profite pour réaliser une plus value juteuse  (voir notre explication détaillée dans Coût du Capital)

Trois exemples concrets

La Générale de Santé
Créé en 1987 , pour  gérer des hôpitaux privés,  ce groupe a connu plusieurs changements d’actionnaires.
Le capital réellement investi dans la Générale de Santé est de 103 millions €.

Lors de la dernière transaction en 2013,  Ramsay Santé (groupe australien)  et Crédit Agricole, ont payé 945 millions € pour le rachat de la Générale de Santé.
La différence, 842 millions € est la plus value réalisée par les actionnaires précédents.

Le changement d’actionnaires n’a généré aucun investissement nouveau dans la Générale de Santé, bien au contraire, les prélèvements massifs et immédiats de dividendes par Ramsay Santé et Crédit Agricole ont été financés par une hausse de l’endettement et une réduction des effectifs (voir notre article Générale de Santé)

Whirlpool, un cas emblématique et d’actualité .
Cette entreprise a été créée en 1910, pour fabriquer des machines agricoles jusqu’en 1958, puis des laves linge sous l’enseigne  Philipps.

En 1990, le groupe Philipps est racheté par Whirlpool, d’origine britannique.
Dans la décennie suivante, l’actionnaire investira sur ce site, et l’usine atteindra 1000 salariés en 2002.

Mais dans les années 2000, le Groupe modifiera profondément sa stratégie, robotisation et réduction des effectifs. En 2015, ils ne sont plus que 290 salariés, et la fermeture est annoncée en 2017 pour une délocalisation en Pologne.
Ce site était plus que centenaire et en 20 ans de temps, ce groupe britannique l’a mis à mort.

Quant aux conditions actuelles de reprise, elles ont une allure de « déjà vu » : l’entreprise est cédée pour l’euro symbolique à un petit patron local, à la tête d’une nébuleuse d’entreprises. Il devrait bénéficier d’un montant de 15 millions € de subvention,  pour mettre en route  une production de « casiers intelligents ».
Espérons que de solides garanties ont été prises, pour éviter un nouveau détournement de fonds publics ! 

Gaming Partner International
Cette entreprise a été créée en 1920 pour fabriquer des jetons de casino, puis rachetée en 2000 par le groupe Gaming Partner International Corporation, basé à Las Vegas, aux Etats Unis.
Le  prix de la transaction n’est pas connu, mais il est avéré qu’aucun investissement n’a été réalisé durant les 12 années suivantes.
En 2013, une décision de l’actionnaire risque bien d’être fatale à l’entreprise. Dépossédée de sa clientèle, sa production est , alors, intégralement vendue,  à prix bradés à une filiale située à Macao. Depuis cette opération d’optimisation/évasion fiscale,  les déficits se sont accumulés et les effectifs réduits de moitié. (voir notre article)

Dans ces 3 cas, l’intervention des investisseurs est destructrice d’emploi, et malheureusement, les exemples de ce type foisonnent dans notre économie.

Un contre exemple : ACOME
Cette entreprise a été créée en 1932, pour fabriquer des câbles électriques. Aujourd’hui, l’entreprise est le n°1 de la fibre optique, l’effectif dépasse les 1000 salariés et les bénéfices sont constamment réinvestis.
Protégé par son statut de SCOP, aucun « investisseur » n’a pu la racheter pour la dépecer et la vendre. (voir notre article et voir notre vidéo sur You Tube)

La spéculation en Bourse

Le mécanisme de base

Les opérations en Bourse consistent à échanger des titres financiers et non à financer des investissements dans les entreprises : c’est un marché d’occasion, dans lequel s’achètent et se revendent des titres dans le seul but d’en tirer une plus value.

Les conséquences néfastes sur l’entreprise

L’entreprise ne reçoit pas un centime d’euros, et n’en tire aucun bénéfice, bien au contraire.
Pour faire grimper la valeur de l’action, de multiples moyens sont utilisés, dont « les licenciements boursiers ». La  baisse des effectifs est souvent considérée comme génératrice de bénéfices supplémentaires à court terme, ce qui attire les spéculateurs et fait grimper la valeur de l’action.

Les effets pervers  sur  l’ensemble de l’économie

Les techniques boursières sont devenues aujourd’hui incontrôlables, et alimentent une bulle financière qui éclate à intervalles réguliers.

Jean Michel NAULOT, 40 ans de  carrière dans la banque, ancien membre de l’AMF (autorité des marchés financiers) tire la sonnette d’alarme dans son ouvrage « Éviter l’effondrement ».
Dans le chapitre intitulé « un volcan financier nous menace » , son diagnostic est clair :

« Comment s’expliquent ces bulles financières ? Par une création de monnaie importante, par des acteurs sur des marchés financiers qui prennent des positions spéculatives excessives ou utilisent des techniques mal maitrisées, par l’aveuglement des investisseurs, par l’absence de régulation, par l’appât du gain »

Et pourquoi  cette personnalité,  membre éminent de l’élite économique et financière, n’est –il jamais invité à débattre dans les médias ? Devinez !

Messieurs MACRON, PHILIPPE, LEMAIRE, vous êtes de mauvaise foi ou incompétents quand vous affirmez, dans des récents interviews,  l’urgence absolue d’attirer les investisseurs pour résoudre le problème du chômage,  il faut au contraire les décourager pour sauvegarder des emplois.

 

 

 

Sources

Revue Challenges du 27 juin 2017 : classement des grandes fortunes
Les Echos du 3 octobre 2017
Euronews du 26 juillet 2017 : travailleurs pauvres en Allemagne
« L’Emission politique » de Fance du 27 septembre 2017,  Invité : Edouard Philippe
Radio Classique 12 septembre 2017 invité Bruno Lemaire
Intervention de E Macron à l’usine de Whirlpool le 26 avril 2017

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Commentaires

Marie dit :

Ce matin sur France Inter (https://www.franceinter.fr/emissions/questions-politiques/questions-politiques-22-octobre-2017)avec Amélie de Montchalin (EM) qui, évidemment, soutenait la suppression de l’ISF, pour, disait-elle, que cet argent aille dans l’investissement des entreprises. Personne, parmi les « journalistes » n’a objecté que le CICE devait, avec le « pacte de responsabilité », » permettre 1 million d’emplois nouveaux !…
« Faites-moi confiance! »…me rappelle un film (Le viager)
Pacte de responsabilité, pacte de confiance…pour un gouvernement nouveau, « moderne », les vieilles recettes capitalistes.