La COMPAGNIE DES ALPES 2016 (CDA)

Entre délégation de service public, course à la rentabilité et développement international risqué (publié mars 2017)

La CDA a été créée en 1989  par des capitaux publics,  pour assurer  l’exploitation de remontées mécaniques, sous délégation de service public.
Cependant, dés son origine   la CDA  privilégiera la recherche  du profit à celle du service public  et le statut de la CDA évoluera  vers une privatisation, effective en 2004.

Très rapidement, le Groupe sélectionnera les domaines skiables  les plus attractifs, altitude élevée, et vaste étendue, pour délaisser  les petites stations peu lucratives.

La diversification dans  les parcs de loisirs  interviendra en 2002,  avec de nombreuses acquisitions jusqu’en 2010 , suivies d’importantes  cessions, pour ne conserver, en final, que les plus rentables.

Le choix du développement à l’international   opéré en 2011, s’intensifiera en 2016, avec l’ouverture du musée Chaplin’s en Suisse et la poursuite des contrats d’assistance et de conseils . La création d’une filiale en Chine marquera un tournant  dans la stratégie de la CDA.

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Malgré de nombreux aléas, la saison 2015/2016 se caractérise par une hausse du  chiffre d’affaires, des résultats dépassant les objectifs fixés, « grâce », en partie, à  une  pression exercée sur la rémunération du travail.

La gestion des domaines skiables est, de loin, la plus profitable mais l’activité parcs de loisirs dégage aussi des marges conséquentes.
A l’inverse, le développement à l’international ne cesse de creuser les déficits. Le choix de l’intensification  paraît contestable, car s’effectuant au détriment de l’aménagement de la montagne et des collectivités publiques.

Les perspectives d’ouverture  du capital à des  fonds étrangers inquiètent  les élus locaux des Alpes, qui craignent un détournement des bénéfices engrangés dans les domaines skiables.

La question se pose aussi de la pertinence des aides publiques reçues par la CDA.

 

 

 

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Rappel historique

En 1985, la loi Montagne confiait l’exploitation des domaines skiables aux collectivités locales. Du fait de  l’importance des financements nécessaires, certaines communes ne pouvaient  en assurer la gestion directe.

Aussi, en 1989, la Caisse des Dépôts, organisme financier public, décida d’investir dans les remontées  mécaniques et créa  une filiale, la Compagnie des Alpes : l’ objectif  était d’apporter des moyens logistiques et financiers  répondant aux besoins des communes concernées par le développement du tourisme de montagne.

Mais la Compagnie des Alpes subira l’influence du libéralisme, avec une introduction en Bourse en 1994, et une privatisation en 2004, la Caisse des Dépôts conservant, cependant, 39% des parts.

La recherche du profit sera très rapidement le seul moteur de la croissance, avec une sélection des meilleurs domaines skiables, une diversification, en 2002, dans une activité de parcs de loisirs , puis un développement à l’international à partir de 2011.(Pour les détails, se reporter à notre article CDA 2015)

Les secteurs d’activité en septembre 2016

Métier historique, les remontées mécaniques : 11 domaines skiables parmi les plus attractifs, altitude élevée et vastes étendues, tous situés en France. (liste sur article CDA 2015)

Diversification à partir de 2002 dans les parcs de loisirs : des acquisitions massives jusqu’en 2011, puis des cessions tout aussi massives, pour en conserver 9 en tout dont 4 en France et 5 dans d’autres pays européens.

Développement à l’international à partir de 2011
– Des loisirs « indoor » 4 musées Grévin à l’étranger et un  musée Chaplins en Suisse, ouvert en 2016
– Des contrats d’assistance, remontées mécaniques et parcs de loisirs, en Russie et en Asie.

Une saison 2015/2016 exceptionnelle

Malgré un contexte difficile

Des aléas climatiques : faible enneigement de l’hiver et pluviométrie record du mois de mai juin .
Un calendrier 2016 défavorable : absence de ponts au mois de mai.
Une dégradation de  l’attractivité de la France, suite aux attentats de 2015.
Un seul élément positif : la modification du planning des vacances scolaires obtenu « grâce » au lobbying exercé auprès des Pouvoirs Publics.

Le développement  de l’immobilier de montagne, avec la filiale Foncière Rénovation Montagne,  et le succès de la nouvelle stratégie de management des parcs de loisirs contribueront aussi à contrer ces facteurs négatifs.

Croissance du chiffre d’affaires

Pour l’ensemble du Groupe, le  chiffre d’affaires  de 720 millions €, marque une progression de 3,5% par rapport à l’exercice précédent.

Avec des évolutions disparates selon les secteurs.

Domaines skiables

Un chiffre d’affaires de  409,6 millions €, une hausse de 3,9%  liée essentiellement à celle des tarifs.

Parcs de loisirs

Un chiffre d’affaires de 301,4 millions €, une hausse de 2,1% (4,2 % à périmètre comparable), liée essentiellement à celle de la fréquentation.

Développement à l’international

Un chiffre d’affaires de  9 millions € , en hausse de 44% :

« La montée en puissance du développement des Musées Grévin à l’international s’est poursuivie avec l’ouverture en avril 2016 de Chaplin’s World By Grevin ». (document de référence 2016)

Forte rentabilité d’exploitation

Pour l’ensemble du Groupe, le résultat brut d’exploitation (EBO)  de 184 millions €, marque une progression de 9% par rapport à l’exercice précédent.

Avec des évolutions disparates selon les secteurs

Domaines skiables, les champions

Un excédent brut  de 147 millions €, en hausse de 6,7% :

« Dans les domaines skiables, les facturations ont grimpé de 3,9% et le taux d’excédent brut opérationnel (EBO) s’est établi à 35,8%, dépassant avec un an d’avance le cap des 35% anticipé par la Direction. » (Investir 17 décembre 2016)

Parcs de loisirs, de très bonnes performances

Un excédent brut de 68 millions €, en hausse de 12,8%.

Développement à l’international, la lanterne rouge

Une nette aggravation du déficit d’exploitation : – 8,8 millions € (- 4,4 millions € en 2014/2015),
– dont 7,9 millions pour les 4 musées Grévin à l’international,
– dont  0,8 million pour l’activité d’assistance et de conseil.

Les explications dans le document de référence sont laconiques

«La montée en puissance du développement des Musées Grévin à l’international s’est poursuivie avec l’ouverture en avril 2016 de Chaplin’s World By Grevin. Elle ne permet pas encore d’atteindre le point mort, compte tenu d’un démarrage plus lent que prévu et de frais de publicité conséquents» (document de référence 2016)

Qui se répercute dans le résultat net

En progression de 11%, avec un montant de 33,4 millions € .

Mais pas dans les dividendes

Le montant distribué de 9,7 millions € reste stable par rapport à l’année précédente  et représente 30% du résultat dégagé.

Et pression sur le personnel

De l’aveu même de la Direction
A propos des domaines skiables

« L’EBO progresse davantage que le chiffre d’affaires en raison d’une hausse des charges de personnel contenue à +2,9 %, de la réduction des charges d’énergie de 1,1 M€ et d’une plus-value sur cessions d’immobilisations non récurrente de 1,1 M€. » (doc de référence 2016)

A propos des parcs de loisirs

« L’EBO est porté par la croissance du  chiffre d’affaires et par une bonne maîtrise des charges fixes, malgré des frais de sécurité supplémentaires sur 2016, encourus dans l’objectif d’assurer la sécurité des visiteurs. » (doc de référence 2016)

EBO = excédent brut opérationnel, d’exploitation

Baisse des effectifs  en France

Effectif  Groupe : – 37 salariés, dont  – 43 en France et + 6 à l’étranger
Effectif France : – 97 salariés permanents, + 54 non permanents (saisonniers, CDD …)
Précisons que dans le même temps le chiffre d’affaires France est en hausse de 3,1%
Tout autre commentaire est superflu!

Pression sur  la rémunération en France

En France, l’augmentation de 2,9% de la rémunération moyenne par salarié , provient pour plus de la moitié des éléments non récurrents, participation et intéressement, le salaire de base  n’ayant progressé que de 1,3%, avec un montant mensuel moyen de  2850 € (Quels écarts à la moyenne ?)

Un bel exemple d’écart est fourni avec la Holding : pour les 109 salariés, la hausse de la rémunération moyenne de 5% résulte d’une baisse de 8% des avantages sociaux et d’une augmentation  de 11% du salaire moyen,  d’un montant de  10 605 € mensuel,

Tendance de court terme ou stratégie de long terme ?

Accélération  du développement à l’international

Rappelons que l’activité à l’international, musées Grévin et contrats d’assistances, n’a généré jusqu’à présent que des déficits en constante aggravation.

Création d’une filiale en Chine

Une naissance en aout 2016  de  CDA Beijing Ltd

« Avec 20 millions de journées skieurs prévues d’ici dix ans(, contre deux fois moins aujourd’hui, le marché du ski chinois est plus que prometteur.Tout comme l’est celui des parcs de loisirs, totalisant 850«sites et 180 millions de visiteurs en moyenne par an, contre 150 millions en Europe, et 20 millions en France(2). » (document de référence 2016)

Une exception aux pratiques

En général, pour conserver une partie des bénéfices réalisés sur leur territoire, les autorités chinoises imposent aux investisseurs étrangers un partenariat (joint venture) avec un acteur local.
Or CDA Beijing est détenue à 100% par la CDA.  Pourquoi cette singularité ? Quelles contreparties ?

Ouverture du capital à des groupes étrangers ?

Depuis le mois de juillet 2016, des négociations sont en cours, pour céder une part du capital (de 10 à 15%) au fonds chinois FOSUN.

Pour financer de nouvelles acquisitions, il est aussi envisagé de faire appel à une société financière britannique PERMIRA.
Ces actionnaires étrangers  pourraient  peser sur l’activité et la rentabilité du Groupe et influencer  les distributions de dividendes restées, jusqu’alors « raisonnables ».

Or rappelons que  la gestion des domaines skiables en France  représente  80% du résultat d’exploitation de l’ensemble du Groupe, et qu’elle est réalisée sous  délégation de service public.

Les élus locaux des départements alpins sont  inquiets et craignent,  que le Groupe investisse moins dans la région et utilise ailleurs les profits engrangés sur le massif montagnard.

Les aides publiques de la CDA

Le CICE, montant estimé (par nous)  à environ 6 millions €,  s’accompagne d’une réduction d’effectif.

Quant à l’investissement, il bénéficie, depuis 2015, d’une autre mesure fiscale : le suramortissement.
Le principe est le suivant : tout matériel de production acquis (remontées mécaniques, dameuses ..) sera amorti à hauteur de 140% de sa valeur initiale et ceci de manière définitive.

Une double conséquence : réduction d’ impot sur le bénéfice et baisse de la participation versée aux salariés.

Dans certaines filiales, des avenants ont été négociés afin que les salariés ne soient pas pénalisés par ce nouveau cadeau fiscal.

Pour le CICE, comme pour le suramortissement, aucune information n’est fournie sur les montants.

Les aides de la Région dans le cadre du plan Montagne

Si la CDA n’est pas directement bénéficiaire d’aides de la Région, elle l’est par l’intermédiaire de ses filiales minoritaires.
La Compagnie du Mont Blanc a perçu 188 milliers €, le domaine skiable des Houches/ Saint Gervais, 600 milliers €, enfin les remontées mécaniques d’Avoriaz  un montant de 549 milliers €.

Ces subventions font l’objet de polémiques sur d’éventuels conflits d’intérêt.

Le versement de ces aides  à  un Groupe, qui réduit le personnel et s’oriente vers des investissements à l’étranger, posent le  problème du contrôle de l’utilisation de l’argent public.

Sources

Documents de référence 2013à 2015
Comptes financiers des sociétés françaises
Les échos du 26 janvier 2017
La Tribune, acteurs de l’économie du 27 janvier 2017
Investir du 17 décembre 2016

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