La Générale de Santé 2014

La santé, un bien public, soumise aux exigences des actionnaires (publié sept.2015)

L’activité du Groupe Générale de Santé est dépendante de la  réglementation en matière de dépenses de santé :  son chiffre d’affaires est réalisé par des facturations à  la Sécurité Sociale, aux institutions complémentaires (assurances et mutuelles) et aux patients.

Et pourtant …

G2Sante

Les dividendes versés en 2014 représentent près de 200% du capital investi dans le Groupe et les plus-values sur revente des actions  représentent 8 fois leur valeur initiale.

Le changement d’actionnaire, en 2014, a été fêté dignement : à la distribution ordinaire de dividendes, se sont ajoutées des distributions exceptionnelles, soit un montant total de 183 millions €. Le capital investi dans Générale de Santé est de 103 millions €.

Le Directeur Général a, lui aussi, été récompensé :sa rémunération (fixe et variable) a bondi de 39%, pour atteindre 1,2 million € en 2014.

Comment le Groupe Générale de Santé peut il se permettre de telles dépenses, alors que la Sécurité Sociale est déficitaire ? Voila quelques éléments de sa recette :

Et avec les nouveaux actionnaires, on peut s’attendre à pire : ils ont versé 945 millions €, aux anciens actionnaires, ce qui ne peut qu’intensifier les exigences de rentabilité.

A noter, cependant, deux points positifs : les investissements industriels réalisés en 2014 d’un montant de 98 millions € en 2014, et l’absence de versement de dividendes en 2015.

 

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Les actionnaires : de la Générale des Eaux (français) à Ramsay Healthcare (australien)

En 1987, après avoir conquis l’eau, la Générale des Eaux s’est intéressée à la santé  et crée la Générale de Santé pour investir dans la médecine et la chirurgie.

En 1997,  la Générale de santé est vendue à Cinven, un fonds d’investissement européen.

En 2001, Générale de Santé fait son introduction en bourse.

A partir de 2007,  la Générale de santé sera détenue,  à 83% par 2 holdings, Santé SA (Luxembourg) et Santé Développement Europe SAS (France) , contrôlées toutes deux par des actionnaires italiens.

En 2014, Générale de Santé sera revendue à Ramsay Healthcare,  premier groupe australien de cliniques privées, pour 47% des parts et à Prévoyance Dialogue du Crédit Agricole (Predica) pour 36% des parts, le montant total de la transaction s’élèvera à 945 millions d’euros.

Quelques données  de Générale Santé en 2014- 2015

Premier Groupe français d’hospitalisation privée : 76 établissements de soins (hors sociétés satellites), 15347 salariés (en équivalent temps plein)  et 4 500 praticiens libéraux.

Un chiffre d’affaires de 1,7 milliard € en 2014, un résultat net de 25 millions €.

Caractéristiques particulières du secteur privé de la santé

Les prestations médicales sont financées par la sécurité sociale, les assurances complémentaires, et les patients.

La quasi totalité des médecins exercent en profession libérale et perçoivent ainsi directement les honoraires, ils reversent à l’hôpital un montant correspondant aux frais liés à leur activité, sans aucune marge. « Le contrat d’exercice entre le praticien et l’établissement n’est pas source direct de profit » (document de référence 2014).

Des prévisions optimistes pour l’activité du Groupe ,

Selon le document « Journée Investisseurs Ramsay Health Care/Général de Santé » du 12 mars 2015 :

Un marché important et sécurisé : un secteur privé clé pour le système de santé français, «trop grand pour disparaître ».

Un marché en croissance : la population des plus de 60 ans constitue plus de 50% de la clientèle et sera en augmentation dans les 15 prochaines années.

Une bonne rentabilité du fait d’un ciblage des «  bonnes activités »  avec une implantation dans les  zones géographiques les plus attrayantes, un haut degré de spécialisation et une taille optimale  (13% du marché privé en France et 32% de part de marché dans les territoires couverts).

Une législation favorable (document de référence 2014) :

« La loi Hôpital, patients, santé, territoires de 2009 a ouvert une nouvelle ère dans la politique de santé française …….. Générale de Santé s’est pleinement retrouvé dans la philosophie de cette loi »

« La création de pôles territoriaux…….permet une gestion de l’offre de soins en véritables réseaux, c’est la meilleure réponse structurelle aux demandes du secteur »

Un discours qui tranche avec le catastrophisme  des hommes  politiques sur le  déficit de la sécurité sociale

Une organisation complexe

La gouvernance est assurée par 4 holdings de tête : Ramsay Health Care, puis sa filiale française Ramsay Santé, puis Générale Santé et enfin Groupe Générale Santé qui possède directement des établissements de santé.

Mais d’autres structures sont imbriquées entre holding et établissements.

Des « sous holdings »  : Alphamed, Dynamis,  qui constituent, chacune, une maison mère intermédiaire pour certaines cliniques et hôpitaux privés.

Une branche immobilière avec une holding dénommée « Immobilière de Santé » qui possède un grand nombre de SCI, propriétaires des  constructions dans lesquelles s’exerce l’activité hospitalière et qui facture des locations

Des sociétés à vocation purement contractuelles,  Performance Achat au Service de la Santé (PASS) et  SI Care, ont une activité de soutien aux entreprises. Districare est une société qui achète et vend des marchandises (médicaments ?).

Quelques exemples des conséquences de cet enchevêtrement de filiales

La société Dynamis est holding de 13 cliniques, situées  en Ile de France et dans le Sud de la France et à l’exception d’une seule, toutes sont, en 2013, très largement excédentaires, un bénéfice cumulé de 10 millions € auquel se rajoute la marge de 4 millions € dégagée par  la holding sur des refacturations de frais.

La Holding Immobilière de santé possède exclusivement des filiales immobilières, sous statut SCI. Le résultat dégagé avant éléments exceptionnels (revente d’immeuble) est de 12 millions € , en grande partie lié aux facturations directes ou indirectes faites aux établissements de soins.

La société Alphamed est holding de 2 cliniques, 6 hôpitaux privés en région parisienne, de sociétés immobilières et de SCI. Elle a perçu de ses filiales des dividendes d’un montant de 17 millions €  et son résultat final est de 25 millions €, avec des plus-values réalisées sur revente de filiales.

Pour les hôpitaux directement rattachés à la Compagnie générale de santé, les résultats apparaissent plus clairement, mais restent complexes à analyser  . Prenons l’exemple de l’hôpital de Marseille : en 2014, le  résultat net est un bénéfice de 1,4 million €, avec 3 composantes : un excédent d’activité de 0,5 million €, un résultat exceptionnel de 0,4 million € et un crédit d’impôt de 0,5 million €.

Du fait de cette opacité ou complexité, aucune analyse valable ne peut être effectuée par établissements, seuls les comptes consolidés de l’ensemble du Groupe ont un sens

 Comptes consolidés du Groupe Générale de Santé 2011/2014

De 2011 à 2014, le chiffre d’affaires du groupe est en diminution régulière, passant de 1,9 milliard € à 1,7 milliard €, une évolution due à des cessions d’établissements de santé et non à une dégradation de l’activité.

L’évolution de la rentabilité se mesure avec le  résultat opérationnel courant, hors coûts de restructuration, de revente d’établissements …, celui-ci passe de 125 millions €  en 2011 à 96 millions € en 2014, diminution liée à celle du chiffre d’affaires.

Enfin le résultat net disponible pour le Groupe connait des évolutions erratiques dues à des coûts de restructurations en 2011 ou à des plus ou moins-values réalisées sur la cession d’établissements (la psychiatrie en 2013 à Ramsay ). Ce résultat est déficitaire de 25 millions € en 2011 et bénéficiaire de 58 millions € en 2012, de 122 millions € en 2013 et de 25 millions € en 2014.

Et sur ces résultats les dividendes versés aux actionnaires sont … incroyablement élevés

En 2011, l’actionnaire n’a pas été pénalisé par les coûts de restructuration, puisqu’il a perçu un montant de 56 millions € , malgré un résultat déficitaire.

En 2012, le dividende est  42 millions €.

En 2013, le montant est de 42 millions € qui sera versé en 2014 aux actionnaires avant la vente de leurs actions.

Au cours de l’année 2014, pour les nouveaux actionnaires, il a été décidé  une distribution exceptionnelle de dividende de 60 millions €,  un acompte sur dividendes  de 79 millions €, soit un montant total de 139 millions € versé en novembre 2014.

Sur le résultat 2014, aucun dividende ne sera versé en 2015!

Un coût exorbitant du capital supporté par la collectivité à travers la Sécurité Sociale

Le capital investi  dans Générale de Santé est de 103 millions €

Les nouveaux actionnaires Ramsay et Prédica ont versé prés de 1 milliard € pour racheter Générale de Santé mais la différence entre le capital investi à l’origine, 103 millions € et le prix payé par les nouveaux actionnaires n’a pas été versée dans le Groupe mais aux actionnaires précédents : la plus-value constitue une deuxième forme de rémunération du capital qui s’ajoute à celle des dividendes.

Le recours aux aides publiques

Le crédit impôt compétitivité emploi

CICE 2013 : 18 millions €

CICE 2014 : 24 millions €

Autre subvention de la collectivité : avec l’intégration fiscale, le groupe Générale de Santé fait une économie d’impôt de 45 millions € en 2013, comme les années précédentes.

Des subventions publiques sont versées pour financer les investissements, mais leur montant n’est pas dévoilé.

Seul le montant des investissements industriels réalisés en 2014 est connu : 98 millions €

Un personnel récompensé, mais hiérarchie oblige

Le Directeur a perçu en 2014 un salaire annuel de 1,2 million € en augmentation de 39% par rapport à 2013 (0,9 million €), et  de de 50% par rapport à 2012 (0,8 million €)

Pour les 15 347 salariés (en équivalent temps plein, « les tendances générales qui ont marqué l’évolution des rémunérations sont un niveau d’augmentation salariale de 0,9% globalement sur l’année, avec des incidences catégorielles sur les métiers soumis à concurrence (infirmiers, aides-soignants, sages-femmes) « (document de référence 2014)

Le montant total  de l’intéressement a été de 3,4 millions € (contre 4,3 millions € en 2013 , et celui de la participation a été de 5,5 millions € (contre 7,1 millions € en 2013).

Deux questions en guise de conclusion

La Santé, un Bien Public essentiel  peut-elle être soumise à la recherche d’une rémunération optimale du capital ?

Quant aux salaires des dirigeants ne devrait–ils pas être soumis au même plafond que dans les  entreprises publiques ?

 

Sources

  • Documents de référence 2013 et 2014
  • Documents financiers 2011 à 2013 et 2014 des établissements cités
  • Document  « Journée Investisseurs Ramsay Health Care/Général de Santé » du 12 mars 2015
  • Communiqué actionnaires sur la vente
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