L’Artésienne

"L'homme au cœur de l'entreprise avant le rendement du capital" dans cette imprimerie des Hauts de France (publié décembre 2017)

Les entreprises du Nord de la France font souvent la une des médias, certaines comme Whirlpool ou Good Year,  tristement célèbres par la brutalité des annonces de fermeture, d’autres, comme la Favi ou Pocheco  vantées pour l’originalité de leur management, en fait,une véritable imposture au service des actionnaires.

Mais les exemples réellement positifs ne sont que  rarement évoqués, c’est le cas de l’Artésienne, une imprimerie de 60 salariés, qui vient de souffler ses 50 bougies.

En 1967, un petit groupe d’ouvriers typographes  créait au cœur du bassin minier de Liévin une société coopérative ouvrière d’impression (SCOP). Depuis l’Artésienne  s’est développée pour atteindre un effectif de 60 salariés dans les années 2000, puis s’est stabilisée et consolidée à ce niveau.

Dans ce secteur d’activité, un grand nombre d’entreprises ferment chaque année, la concurrence est rude, les prix de plus en plus serrés et la montée en puissance du numérique contraint à de lourds investissements dont la rentabilité ne se mesure que sur le long terme.

Durant la dernière décennie, l’Artésienne, elle, a su s’adapter à cette révolution technologique ainsi qu’aux nouvelles exigences de la clientèle. Des investissements importants ont été effectués, avec l’appui et la motivation des salariés comme en témoigne l’évolution de la masse salariale.

La rentabilité dégagée a été utilisée au désendettement, assurant ainsi une indépendance à l’Artésienne.

Les statuts de SCOP devraient servir de modèles à une réforme en profondeur du fonctionnement des entreprises, pour améliorer leur compétitivité et  résoudre le chômage.
A quand un reportage sur les SCOP pour mettre en perspective « coût du travail » et « coût du capital » ?

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La naissance de l’Artésienne sous de bons auspices

L’imprimerie fut créée en 1967 au cœur du bassin minier  de Liévin, par des  ouvriers typographes, sous l’égide de Marcel Caron.

« Le projet était de placer l’homme au cœur de l’entreprise, avant le rendement du capital » et  de « créer un outil de travail qui leur soit propre et leur permette de s’épanouir et de valoriser leur savoir-faire ». (article Voix du Nord)

Et il ne s’agissait pas d’un discours de façade, puisque le fondateur  avait , dés l’origine, mis l’Artésienne sous le statut SCOP, une entreprise qui appartient à ses salariés.

Ensuite, l’Artésienne a grandi, pour atteindre, au début des années 2000, un effectif de 60 salariés et un chiffre d’affaires de 8 millions € puis s’est stabilisée en se consolidant.

Les forces  de l’Artésienne face à la révolution numérique

Dans un secteur d’activité en pleine mutation

La première imprimerie date de 1439 avec l’invention par Gutenberg de la  presse à imprimer.
Si, depuis prés de 600 ans,  les évolutions technologiques se sont succédées, aujourd’hui, la dématérialisation des supports de communication constitue une  révolution sans précédent dans ce secteur.

Pour survivre, les imprimeries sont, alors,  contraintes d’investir  pour faire face à une concurrence de plus en plus rude et aux nouvelles exigences de la clientèle.

Dans ce contexte, les entreprises, soumises au diktat des actionnaires, sont parfois empêchées d’acquérir les équipements nécessaires du fait des incertitudes pesant sur leur rentabilité à court terme. Et, alors, elles n’ont plus qu’à mettre la clef sous la porte!.

L’Artésienne consolide  sa position commerciale

Le développement de l’Artésienne a été assuré  par une stratégie commerciale clairement définie : rendre l’entreprise indépendante tant vis-à-vis des clients que  des financeurs extérieurs.

Indépendance vis-à-vis des clients

Aucun client ne peut exercer de « chantage » car aucun d’entre eux n’assure plus de 3% du chiffre d’affaires.
La clientèle est nombreuse et  diverse , avec plus de 600 composantes, dont 35% publiques et 65%  privées.
Le rayon d’action  géographique est étendu, couvrant deux grands territoires : la Région Parisienne pour 55% et les Hauts de France pour 45%

Indépendance vis-à-vis des financeurs extérieurs

Entre 2005 et 2016, le poids des dettes dans l’ensemble des ressources est passé de 69% à 48%. Le statut SCOP limitant la distribution des dividendes, a permis de conserver les bénéfices et  ainsi d’améliorer l’autofinancement.

Diversifie son activité

A coté du métier traditionnel de l’impression offset consacrée aux tirages en grande série, l’Artésienne a développé trois nouvelles activités avec un double objectif : répondre aux exigences de la clientèle, en terme de flexibilité et de réactivité,  tout en assurant une production à haute valeur ajoutée.

L’impression numérique, effectuée directement à partir de données numériques, sans passer par la gravure de plaques,  permet le tirage de petites séries, et même d’exemplaires uniques pour des prototypes.

:L’impression grand format, assure des reproductions de documents sur des matières très diverses : habillage des portes, décoration des vitres, marquages publicitaires sur les véhicules, fabrication des petits objets publicitaires (porte clés …), impression de drapeaux, banderoles pour les salons ou foires.

Enfin le Web To Print  permet de créer un lien direct avec les acheteurs de documents imprimés (lien commercial, collaboratif, interactif, etc.) optimisant ainsi la communication.

A partir de choix rigoureux d’investissement

Des équipements de haute technologie

Sur les 5 dernières années, l’Artésienne a investi dans de nombreux équipements, presses numériques de dernière génération, traceurs grand format et laize …

Avec une constante préoccupation écologique

Dés le début des années 80, les décisions ont été prises en intégrant les enjeux écologiques , en particulier lors des travaux de construction, des choix d’équipements, de la sélection des matières utilisées, papier encre, … et du recyclage des déchets.

La reconnaissance de cette démarche citoyenne s’est traduite par l’attribution de nombreux labels et certifications.

Dégageant une rentabilité suffisante sur le long terme

Sur  les 13 dernières années, les résultats dégagés connaissent des variations de grande amplitude avec des alternances de bénéfice et de déficit.
Le  résultat cumulé de ces 13 années est de 2,3 millions €, ce qui représente une moyenne annuelle de 178 000 €. Rapporté au capital investi par les salariés associés, ce résultat moyen représente un taux de rentabilité de 20%.
Mais pour obtenir un tel taux, il faut s’inscrire dans du long terme, que seule  la convergence des intérêts des salariés et des actionnaires permet, aujourd’hui, d’envisager.

Le secret de la réussite : des salariés propriétaires de l’entreprise

Les principes de base

Extrait du site de l’Artésienne

« Les salariés-associés participent activement à la vie sociale de leur entreprise, soit directement, soit indirectement. Après deux ans de présence dans la Société, un salarié doit présenter sa candidature à l’actionnariat. L’Assemblée Générale se réunit alors pour valider l’entrée au capital du ou des nouveaux associés ».

En 2017, 58 salariés sur 62 salariés sont associés.

La qualité de salarié-associé entraine des droits et des obligations. Elle permet notamment de participer aux décisions collectives, et de nommer l’exécutif en place suivant des principes démocratiques.

Les membres du Conseil d’Administration sont élus pour 3 ans, par et parmi les salariés, et sont renouvelés par tiers pour assurer la continuité de la bonne marche de l’entreprise. Le Conseil d’Administration nomme son Président, lequel désigne ensuite le Directeur Général en charge de la gestion quotidienne de l’Entreprise. »

Enfin toutes les décisions sont prises en étroite collaboration avec  les salariés concernés :

« En 2015, l’entreprise a dû investir dans des nouvelles machines pour rester compétitive. Ce sont les techniciens qui ont choisi “leur” outil de travail. Ils sont allés quatre fois en Allemagne chez les fabricants pour tester le matériel. « C’est normal qu’ils aient leur mot à dire ! Les opérationnels sont les premiers concernés puisque ce sont eux qui accomplissent les tâches », souligne le directeur .»

Et leurs effets sur l’emploi et les rémunérations

Dans la plupart des entreprises, lorsque des investissements importants sont réalisés, ils s’accompagnent le plus souvent  d’économies sur la rémunération du travail, avec des baisses d’effectif.
Or, chez l’Artésienne, dans un contexte de stabilité du chiffre d’affaires, les investissements réalisés n’ont pas eu d’incidence sur le niveau des effectifs, entre 60 et 62 salariés. Bien plus, le salaire moyen a progressé au cours des 13 dernières années, de 3% en moyenne annuelle , pour atteindre un montant de 2 785 € mensuel brut en 2016.

Comme pour les autres SCOP étudiées sur notre site, la démonstration est faite que la convergence des intérêts des salariés et des associés est un atout considérable pour la santé de l’entreprise, avec des conséquences positives sur l’emploi et la richesse créée en France.
Pour résoudre le chômage, améliorer la compétitivité des entreprises, il faut encadrer le pouvoir des actionnaires et limiter leurs prélèvements.

Sources

Site de l’Artésienne
La Voix du Nord septembre 2017
France Graphique octobre 2017
L’entreprise en partage. L’Artésinne à Liévin, chronique d’une coopérative pas comme les autres
Philippe Grycza et Félix Torres
EPH-Editions Public Histoire / ScopEdit, 2007

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Commentaires

Marie dit :

« A quand un reportage sur les SCOP pour mettre en perspective « coût du travail » et « coût du capital » ? » Voilà qui me plairait!
En tous les cas, merci beaucoup pour cet article, cela remonte le moral en cette fin d’année et avec les points d’interrogation qui se profilent pour 2018.

Huclin dit :

Bravo Arlette, toujours au boulot.