Orange, ex France Télécom, ex PTT

Un fruit bien juteux pour certains et bien empoisonné pour d’autres (publié fev. 2017)

Héritier du service public, Poste Télégramme Téléphone,  et de  France Télécom, le groupe Orange naitra dans la tourmente de la révolution numérique et du libéralisme effréné.  Transféré au privé en 2003, son développement sera rapide et mondial.

Avec 380 sociétés réparties dans 28 pays différents, le groupe se considère comme « l’un des principaux opérateurs de télécommunication dans le monde » dans un secteur en pleine croissance.

Mais, contrairement aux pratiques très souvent dénoncées sur ce site, le groupe ne semble pas (soyons prudents) effectuer des transferts de marge dans un but d’optimisation fiscale. Les allègements fiscaux, la baisse des taux d’imposition suffisent largement à réduire l’impôt sur le bénéfice.

Cependant, pour améliorer sans cesse ses résultats,  le Groupe aura recours à deux moyens qui pourraient bien, à terme, produire l’effet inverse à celui poursuivi.

Le premier consiste à peaufiner en permanence son image pour fidéliser ses clients et en attirer de nouveaux. Ses racines de service public sont un atout pour les plus anciens.

OrangeLe deuxième vise à « réduire les coûts » dans un contexte de course à la baisse des tarifs : la pression sur les frais de personnel s’exerce, alors, avec une rare violence. Dés 2006, les pratiques managériales, auront pour seul but de pousser les salariés vers la sortie, avec des conséquences dramatiques, une vague de suicides en 2008-2009. La justice s’en saisira et pointera les lourdes responsabilités des dirigeants.

Et si, en 2015, les dirigeants ont changé, les méthodes perdurent, des  réductions drastiques d’effectifs sont annoncées  et  le recours à la sous traitance est massif. La rentabilité est pourtant déjà très élevée avec en 2015, un résultat de 2,7 milliards €, représentant 21% du capital investi.

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Principales étapes de l’évolution historique

Du service public à l’entreprise publique

A la fin du XIXème siècle, les trois services Poste Télégramme, Téléphone sont réunis sous une même bannière rattachée directement au ministère du même nom. Les réformes se succéderont au fur et à mesure de l’apparition des nouvelles technologies, télévision, minitel…
A la fin du XXème siècle, en 1991, la séparation des activités, courrier et téléphone donnera naissance à deux sociétés  publiques : France Télécom et la Poste.
France Télécom aura alors le statut d’entreprise autonome de droit public

La marche vers la privatisation et la mondialisation

En 1997, le changement  de  statut de France Télécom permettra son introduction en Bourse. L’Etat jusqu’alors actionnaire unique cédera 25% du capital.

En 2000, France Télécom  s’implante en Grande Bretagne, avec l’achat de l’opérateur mobile britannique Orange.
La dernière étape sera franchie en 2003 avec le transfert de l’entreprise au secteur privé, l’Etat devenant  actionnaire minoritaire.

En février 2012, la dénomination du groupe changera : Orange se substituera à France Télécom

La loi Florange de 2014 : Un possible retour du rôle de l’Etat ?

Avec une participation de 23,5% dans le capital, l’Etat pourrait bénéficier du doublement des droits de vote accordés par cette loi.

«  La sphère publique pourrait ainsi, en pratique, compte tenu du faible taux de participation aux Assemblées générales et de l’absence d’autres blocs d’actionnaires significatifs, déterminer l’issue du vote des actionnaires sur les questions requérant une majorité simple » (document de référence 2015)

Orange en 2015 : un groupe privé mondialisé

Un mastodonte des TIC

Présent dans 28 pays, réalisant un  chiffre d’affaires  de 40 milliards €, et employant 150 000 salariés, Orange est considéré comme un des leaders mondial du secteur des Technologies d’Information et de Communication (TIC).

En France,  avec 40% des parts de marché pour le téléphone fixe et internet, 34% pour la téléphonie mobile, le Groupe s’impose comme le premier opérateur. Il en est de même pour les services de télécommunications aux entreprises multinationales, sous la marque Orange Business services.

Constitué de 380  sociétés

En France, si Orange SA constitue la maison mère et la principale société d’exploitation, elle coexiste avec huit autres filiales , spécialisées, soit  sur un territoire, tels que Orange Caraibe, soit sur des secteurs particuliers, « Entreprise » pour  NETWORK RELATED SERVICES et Globecastholding, « Secteur International et Services Partagés » pour France Télécom Mobile International.

Les filiales étrangères sont dispersées dans le monde, dont une grande partie en Afrique.

Ne pratiquant pas de transferts de marge

Soulignons une certaine transparence de l’information : les différents indicateurs sont détaillés  par pays, ce qui  permet, en principe, de détecter d’éventuels transferts de marge.
La cohérence des  données financières peut s’illustrer à partir d’un exemple :  en 2015, en pourcentage du total, la part de la France représente :
49% pour le  chiffre d’affaires, 46% pour les   effectifs  , 52% pour les frais de personnel, 57% pour le résultat brut d’activité (EBITDA), 55% pour l’impot sur les sociétés.

Mais profitant de fortes réductions d’impôt

En 2015, on constate une  baisse  de l’impôt sur les sociétés, tant au niveau  France qu’à celui de l’ensemble du Groupe mais les explications fournies restent confuses :

« En 2015, l’impôt exigible intègre également un produit d’impôt constaté suite à la réestimation d’une charge d’impôt comptabilisée antérieurement aux périodes présentées » (document de référence 2015)

Les montants des crédits d’impôt CICE et CIR ne sont pas indiqués.
Dans d’autres pays, Royaume uni, Espagne, Pologne, la baisse des taux d’imposition est à l’origine de celle de l’impôt.

Bénéficiant à  la rentabilité

Entre 2013 et 2015, le chiffre d’affaires a régressé en France comme dans l’ensemble du Groupe, pour les trois raisons suivantes : une cession de filiale, une variation défavorable  des taux de change et une baisse des tarifs.

Le résultat final connaît une évolution inverse, il s’améliore très nettement, passant de 1,9 milliard € en 2013 à 2,7 milliards € en 2015.

Quand aux dividendes, leur montant reste stable en 2014 et 2015 autour de 1,6 milliard €, en baisse par rapport aux années antérieures, 2 milliards € en 2012 et 2013 et 3,6 milliards € en 2011 .

Le capital social est de 13 milliards € et le montant des dividendes cumulés sur les 5 dernières années  est de 10,8 milliards €. Le taux moyen de rémunération du capital investi par les actionnaires est donc de 16,6% !

La politique managériale chez Orange et ses conséquences dramatiques

Le cynisme des propos

« En 2008 et 2009, le Groupe a traversé une crise importante en lien avec les risques psychosociaux et le mal-être au travail dont les effets se sont poursuivis après cette période. Malgré la mise en place de nombreuses actions depuis lors dans le cadre du projet Orange People Charter et le suivi permanent qui en est fait, ce projet pourrait ne pas déboucher durablement sur les résultats attendus, ce qui pourrait engendrer une recrudescence de cette crise et serait susceptible d’impacter l’image de marque du Groupe, son fonctionnement et ses résultats (document de référence 2015)

Ce paragraphe traduit le parfait cynisme ou l’indifférence coupable des dirigeants : les suicides de salariés en  2008 et 2009  sont qualifiés de « crise importante », qui pourrait connaître « une recrudescence » et qui aurait pour seul inconvénient, celui « d’impacter l’image de marque du Groupe …. et ses résultats »

2006/2010 : Violence sociale et drames humains

Le 20 octobre 2006, lors d’une réunion des cadres à la Maison de la Chimie à Paris, le PDG Didier Lombard a déclaré :

D’ici trois ans, 22 000 salariés devront avoir quitté l’entreprise, 14 000 autres auront changé de poste. Soit une personne sur trois. « Ce sera un peu plus dirigiste que par le passé », a admis Didier Lombard ce jour-là, mais « je ferai [ces départs] d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte ». En contrepartie, 6 000 personnes seront recrutées.(Le Monde du 7/07/2016)

Les cadres furent, alors,  formés à « décourager » leurs équipes et motivés par des primes versées pour chaque départ obtenu. Le harcèlement fut tel que soixante personnes se sont suicidées en trois ans, dont trente-cinq pour les seules années 2008 et 2009.
Une action en justice fut intentée, une instruction est en cours visant la responsabilité des anciens dirigeants.

2015 : Poursuite de la politique de réduction  des effectifs

« Dans ce contexte, l’évolution de l’emploi se traduit par une réduction globale de la force au travail interne de près de 6 000 équivalents temps plein (ETP), similaire à celle de 2014, soit –  3,9 %  (-  4,5 %  en France et –  3,0 %  à l’international, en pro forma) qui permet au Groupe de s’adapter aux évolutions de ses activités. » (document de référence 2015)

Le salarié n’est plus que « force au travail » « équivalent temps plein », la nature humaine disparaît, et ceci malgré un taux élevé de rentabilité  du capital, 20,7% en 2015.

Les suites judiciaires d’un accident mortel chez Orange en 2016 confirment ce cynisme inouï : La mort d’un technicien ne vaut pas 50 000 € !!

« En 2016, l’opérateur Orange avait été condamné pour homicide involontaire à la suite de la chute mortelle d’un de ses techniciens. Montant de l’amende : 50 000 €, soit 0,002% de ses bénéfices annuels. Inadmissible pour le Groupe qui a décidé de faire appel … » (Huma Dimanche 12/18 janvier 2017)

Et un recours massif à la sous traitance

« Le recours à la sous-traitance concerne globalement 26 130 effectifs équivalents temps plein (en moyenne mensuelle) à fin décembre 2015, 25 067 ETP en 2014 , soit une augmentation de 4,2  %. Cette main d’œuvre externe représente 22,9 %  de la force au travail totale du Groupe France (Orange SA et les filiales du Groupe exerçant leurs activités en France).(document de référence 2015)

La main d’œuvre qui représente 23% en France pourrait bien provenir des pays d’Europe de l’Est comme la Pologne et traduire un dumping social massif.

Les couacs de la relation client

« Le Groupe ambitionne donc d’être irréprochable dans sa relation avec ses clients, grâce notamment à : – la puissance de la marque Orange  ; – la simplification du parcours client en limitant les étapes et les intermédiaires ; – l’amélioration de l’expérience client. » (document de référence 2015)

Et pourtant de graves dysfonctionnements existent, citons en deux, à titre d’exemples.

Afin de ne pas éveiller les soupçons des clients sur les failles de la sécurité , aucune indication n’est donnée sur la procédure à suivre en cas d’utilisation frauduleuse de  messagerie . L’internaute se retrouve totalement démuni face aux actions de piratage et à  leurs conséquences financières, alors qu’il suffirait de lui indiquer l’adresse  mail du service à contacter : abuse@orange.fr.

Orange a longtemps collaboré avec Partner, un opérateur de téléphonie israélien qui relaie les communications vers les colonies, implantées illégalement sur le territoire palestinien. Il aura fallu une campagne d’appel au boycott ternissant l’image d’Orange pour que le Groupe cesse cette collaboration.

Les dirigeants d’Orange n’ont qu’une obsession , l’image et les résultats, et ceci pour une raison bien précise : la part variable de leur salaire en dépend.

Sources

Document de référence 2015
Journal « Le Monde » du 7/7/2016
Journal « Huma Dimanche du 12/18 janvier 2017

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