SOMFY 2015

Une famille très fortunée, un État lésé, et pour les salariés … (publié juin 2016)

Créé en 1960, SOMFY, est, aujourd’hui, leader mondial de l’automatisation des ouvertures et fermetures de la maison et du bâtiment et des systèmes d’alarme.
Présent sur les 5 continents, coté en Bourse , ce groupe est cependant resté familial avec pour actionnaire majoritaire, la famille Despature.

Somfy affiche, depuis longtemps, une solide santé financière, confortée en 2015 par de nouvelles hausses de chiffre d’affaires et de résultat.

Les principaux bénéficiaires en sont les actionnaires.
– Montant annuel moyen des dividendes ordinaires versés  :  40 millions €  auquel s’ajoute en 2014, un dividende exceptionnel de 392 millions €.
– Destruction volontaire de 436 800 actions en 2015 (voir nos explications), soit un montant de 88 millions € parti en fumée.
– Plus value boursière représentant 22 fois la mise de départ.

 A l’inverse, l’Etat et la collectivité sont pénalisés
– Pratique des prix de transfert visant à réduire l’impôt sur le bénéfice
– Forte réduction du taux effectif d’imposition : 10% du résultat en 2015 (22% en 2014)
– Aides versées à fonds perdu : le CICE d’un montant annuel de 2 millions € et le CIR de 4 millions €  noyés dans le dividende exceptionnel et la destruction d’actions.
– Exil Suisse et Belge de membres de la famille Despature, principal actionnaire.

Quant au personnel salarié et intérimaire, les informations données sont si peu précises, qu’il est difficile d’en dégager une analyse cohérente. Le principal constat possible est la baisse des effectifs en France, au profit de la Pologne et de l’Europe du Sud.

Et  les ex salariés  de Spirel, ex filiale savoyarde, en lutte pour faire reconnaître le préjudice subi sont traités avec un profond dédain (voir notre vidéo sur You Tube).

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Rappel de l’évolution historique (voir Somfy 2014)

Créée en 1960 dans la vallée de l’Arve à Cluses, Somfy (Société d’outillage et mécanique du Faucigny)  sera d’abord spécialisée dans la mécanique et le décolletage de précision, s’orientera à partir de 1968, vers la fabrication de moteurs pour volets roulants, puis  dans les années 2000 se diversifiera dans la domotique pour la maison,  les façades bioclimatiques pour les bâtiments, les systèmes de gestion pour les parkings et les accès urbains.

En 1984,  propriétaire du groupe Damart, la famille Despature prendra le contrôle de Somfy et reste encore l’actionnaire majoritaire.
A partir des années 90, le développement mondial sera assuré par la création de filiales, l’acquisition d’entreprises et des prises de participation.
A partir des années 2006, la course au dumping social se traduira par des délocalisations dans les pays à bas coût de main d’œuvre.

2015 : un très bon cru !

« En 2015, Somfy a réalisé une très bonne performance. Le chiffre d’affaires progresse de 8,1 % et l’activité est en croissance dans toutes les zones géographiques….. Tous pays confondus, le Groupe réalise en Europe une performance aussi solide que dans le reste du monde « (rapport financier 2015)

Pour l’ensemble du Groupe

Activité et Rentabilité en hausse

Entre  2005 à 2015, le chiffre d’affaires a quasiment doublé passant de 591 millions € à 1 061 millions €, le résultat opérationnel s’est maintenu à un niveau supérieur à 100 millions €. En 2015, il est de 165 millions €, soit une hausse de 32% par rapport à 2014.

Et l’endettement fortement réduit

La part des dettes dans l’ensemble des moyens de financement du patrimoine est passée de 53% à 41%,

« liée au niveau élevé de la capacité d’autofinancement, à une évolution maîtrisée du besoin en fonds de roulement, mais aussi aux encaissements issus des sorties du capital de CIAT et Faac. » (rapport annuel financier 2015)

Comme pour la France avec Somfy SAS

De 2005 à 2015, le chiffre d’affaires est passé de 297 millions € à 407 millions €,  les résultats annuels ont toujours été très largement positifs, et d’un montant de 32 millions € en 2015.
SOMFY SAS a versé chaque année  à sa maison mère une somme de 30 millions € au titre des dividendes  (moyenne sur 10 ans), pour un capital investi de 20 millions €.

Et un gros pactole pour les actionnaires

Des dividendes bien rémunérateurs

Le montant annuel des dividendes versés aux actionnaires varie entre 35 et 40 millions€ , celui de 2015 est de 42 millions €.
Et en 2014, s’ajoute, rappelons le, un dividende exceptionnel de 392 millions € pour «fêter» la naissance d’Edify au Luxembourg (voir  Somfy 2014).

Depuis  10 ans, les dividendes versés annuellement aux actionnaires représentent 3 à 4 fois le capital reçu dans le groupe. Quant au dividende exceptionnel de 2014, il représente 43 fois le montant de ce capital.

Une spéculation boursière très lucrative

D’un montant initial de 1,23€, l’action Somfy  est cotée en bourse autour des  200 €, ce qui représente pour les actionnaires successifs une plus value réalisée ou  potentielle  de 1,6 milliard € .

Une destruction d’actions : perte pour l’entreprise, gains pour l’actionnaire

En 2015, Somfy a  «  annulé 436 800 actions au prix de 202,50 € ».

S.Gainsbourg avait fait scandale en brulant un billet de 500 F à la télévision, Somfy brule 88 millions € sans faire de bruit pour un effet doublement bénéfique pour l’actionnaire. (voir notre article)

Le nombre d’actions étant en diminution, le dividende par action sera,, de facto, en augmentation ce qui aura pour effet de faire grimper le cours de l’action et par voie de conséquence les plus values.potentielles.

Ces destructions d’actions ont fait écrire à JM VITTORI, dans le journal « les Echos » du 3 mars 2015 :

« C’est ici que le capitalisme se mord la queue. Le projet, l’investissement et le partage des risques ont été la raison d’être de la société par actions…. Aujourd’hui, le projet disparaît peu à peu des grandes entreprises cotées. Leurs actionnaires ne sont plus là pour apporter de l’argent, mais pour en extraire.»

Mais une cure d’austérité pour l’Etat et la collectivité

Pratique de prix de transfert à but d’évasion fiscale

Un contrôle fiscal portant sur les années 2009 et 2010 a mis à jour une politique de prix de transfert et s’est conclu par un redressement fiscal négocié : Pour quel montant ? L’info n’est pas donnée.
Un autre contrôle fiscal portant sur l’année 2013 a encore donné lieu à un redressement fiscal de 1,9 million €.

Taux d’imposition du bénéfice en forte régression

En 2015, pour un résultat avant impôt de 177,2 millions €, l’impôt sur le bénéfice est de 18,4 millions €, soit un taux de 10,4% (pour l’ensemble du groupe).
En 2014, pour un résultat avant impôt de 119,6 millions €, l’impôt sur le bénéfice était de 27,3 millions €, soit un taux de 22,8 %.

On peut supposer que cette forte réduction du taux d’imposition a dû s’effectuer en toute légalité compte tenu des contrôles subis les années précédentes. Mais cela n’enlève rien au constat.

Versement de CICE à fonds perdu et bien perdu pour l’emploi,

Somfy a perçu un montant de CICE de 2 millions € en 2014 et en 2015, soit une somme totale de 4 millions € pour une diminution de 500 emplois salariés en France entre 2013 et 2015.
L’utilisation du CIR d’un montant de 3,5 millions € en 2014 et de 4,5 millions € en 2015 ne peut être analysée en l’état des informations données.
Mais toutes ces aides se sont noyées dans le dividende exceptionnel de 2014  et la destruction d’actions en 2015.

Exil fiscal des actionnaires

La famille Despature possède 75% du capital et reçoit donc 75% de la manne des dividendes, mais pas question de payer les impôts en France
Selon plusieurs sources (dont Médiapart)  «  Des membres de la famille Despature (dont Paul-Georges Despature), propriétaire des marques Damart et Somfy, résident en Suisse et en Belgique ».

Sur le personnel : des interrogations

L’analyse sur les effectifs et les rémunérations  est particulièrement difficile à effectuer, du fait de l’insuffisance des données, de leur manque de précision, voire même de la confusion des définitions.

Évolution des effectifs sur 3 ans

 Effectifs du Groupe au 31 décembre (hors intérimaire)  et répartition par pays

Alors que le chiffre d’affaires entre 2013 et 2015 a augmenté de 15%, les effectifs ont diminué de 575 salariés (-9%), et c’est la France qui en est la principale victime, avec une baisse de 500 salariés.

Effectifs  du Groupe au 31 décembre  inclus dans le périmètre RSE (Responsabilité sociale et environnementale)

Précisons que les effectifs RSE ne représentent que 69% des effectifs du Groupe et qu’en outre, du fait de changement de périmètre, la comparaison ne peut s’effectuer qu’ entre 2014 et 2015 mais elle est éloquente :
L’augmentation de 158 salariés se répartit ainsi : 1 pour la France, 96 pour la Pologne, 46 en Europe du Sud, Moyen Orient et Afrique et 15 pour d’autres pays d’Europe et d’Amériques.

Effectif moyen du Groupe au 31 décembre (inclus intérimaires) :

Notons tout d’abord que la définition est confuse : S’agit-il  de l’effectif moyen annuel ou de l’effectif au 31 décembre ?
Sur 3 ans, l’effectif, intérimaires compris, reste stable, mais aucune précision n’est donnée sur la répartition par pays.

Evolution de la rémunération du Personnel

Quant à la rémunération du travail, elle est fournie de manière globale, sans aucun détail sur les différentes composantes : Intérimaires inclus ? Participation incluse ? Pour l’ensemble du groupe, le total des frais de personnel augmente de 16% en 3 ans, une évolution difficile à comprendre, compte tenu de la  diminution des effectifs et des délocalisations.

Et le mépris pour les ex salariés, de Spirel, ex filiale

Dans l’article 2014, nous avons longuement relaté l’histoire de Spirel, nous ne donnerons ici que la suite du combat des 100 ouvrières livrées à un patron peu scrupuleux, puis licenciées au rabais. Beaucoup d’entre elles sont encore au chômage, la vallée de la Maurienne étant sinistrée au niveau de l’emploi.

Les salariées de Spirel ont entamé des procédures judiciaires contre Somfy pour obtenir réparation du préjudice subi.
Mais la Direction de Somfy n’aura que mépris pour leur action, comme en témoignent ces passages extraits du document financier 2015.

« Le litige opposant Somfy SA aux salariés de la société Spirel suit son cours devant le Tribunal de Grande Instance d’Albertville. Les salariés souhaitent voir prononcer l’annulation de la cession des titres de la société Spirel intervenue en 2010 et condamner Somfy SA à leur verser des dommages et intérêts au titre de la prétendue ruine intentionnelle de Spirel et du préjudice moral d’anxiété, de déception et de vexation dont ils prétendent avoir été victimes pour un montant total de l’ordre de 9,7 M……
Par ailleurs, les salariés ont également assigné Spirel, Chappel Industries France et Somfy SA, courant juillet, devant le Conseil des Prud’hommes d’Albertville pour contester le motif de leur licenciement et réclamer des dommages et intérêts d’un montant sensiblement identique…..
le Groupe continue de qualifier ces risques de passifs éventuels et n’a donc pas provisionné ces litiges au 31 décembre 2015 » (extrait rapport financier 2015)

Et pourtant la Direction de Somfy ne cesse d’affirmer l’importance de son image sociale, avec pour principal argument, son investissement de  400 000€ dans sa fondation destinée à combattre le mal logement.

Sources

Site internet Somfy
Rapports annuels financiers Somfy 2003 à 2015
Comptes financiers Somfy SA et Somfy SAS 2003 à 2015
Les Echos du 3 mars 2015

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