ST MICROELECTRONICS (ST)

Aides publiques massives, Menaces pour l’emploi et Dividendes conséquents (publié nov 2015)

L’activité de microélectronique  de STMicroelectronics est un enjeu stratégique pour l’économie et l’industrie française. Si l’intervention des pouvoirs publics en tant qu’actionnaire reste très limitée,  elle est, par contre, massive au niveau des aides accordées.
Le financement public s’effectue sous différentes formes : contribution à la recherche développement, participation aux investissements, et enfin  soutien à l’emploi.
Or la pertinence de l’utilisation de ces fonds se heurte aux constats suivants : régression des parts de marché de ST face à la concurrence, diminution des effectifs,  et  investissements considérés comme peu judicieux  voire contestables.
Et quand au mois de mai 2015, le dirigeant du Groupe annonce un projet de plan de restructuration, les réactions en France et en Italie sont immédiates, avec des mouvements de grève et des interventions de l’Etat. Devant les pressions sociales et politiques, le plan sera finalement reporté à 2016. Les sites français  étaient particulièrement concernés par les suppressions d’emploi, voire même des fermetures d’usines.
Or l’étude des documents financiers des filiales françaises fait ressortir de possibles et significatifs transferts  de marge et d’aides publiques vers la maison mère aux Pays Bas, contribuant ainsi à des distributions de dividendes particulièrement élevées.
Alors que des mesures drastiques sont prises, visant à réaliser des économies substantielles sur la rémunération du travail, par le biais de plans de départ volontaire, ces versements aux actionnaires apparaissent comme une provocation et posent une nouvelle fois la question de l’utilisation des aides publiques.

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Quelques données d’ensemble sur le groupe ST

1987 : Une naissance franco-italienne

ST est né de la fusion en 1987 de la société italienne SGS (Società Generale Semiconduttori),  et de la société française Thomson Semiconducteurs.

Au cours des 20 années suivantes,  la vie de ST se développera au rythme d’achats et revente d’activités, d’alliances et de fusions …selon la stratégie commune à tous les groupes

2014 : Un groupe mondialisé

En 2014, le groupe ST est toujours présent  en France et en Italie mais s’est implanté dans l’ensemble de l’Europe et sur tous les continents.
Au 31/12/2014, les effectifs sont de 43 620 salariés, dont 9 960 en France et 9 530 en Italie, et 19 900 en Asie.

L’activité de ST est centrée sur la microélectronique avec différentes familles de produits : Digital Product Group et les circuits numériques avancés, les microcontrôleurs, les produits pour l’automobile., les solutions de traitement embarquées (EPS)….
Le chiffre d’affaires 2014 est de 7 404 millions $ et le résultat, un bénéfice  de 128 millions $

Société mère  et actionnaires

La société mère dénommée STMicroelectronics NV est basée à Amsterdam, avec une direction administrative en Suisse.

Trois catégories d’actionnaires
Les états français et italiens, actionnaires à 100% de STMicroelectronics holding NV, basée aux Pays Bas, elle-même actionnaire à 27,5% de STMicroelectronics NV
Les actionnaires privés pour 68,4% à travers les bourses de New York, Paris et Milan
La société elle-même avec une auto détention de 4,1% de ses actions.

Les principales évolutions  des 5 dernières années

Des baisses partout  …

Diminution du chiffre d’affaires : de 10 milliards $ en 2010 à 7 milliards $ en 2014
Recul des parts sur le marché des semi conducteurs: de la 3ème place en 2004 à la 11ème place en 2014
Réduction des effectifs : de 48 460 salariés en 2012 à 43 620 en 2014, soit une baisse de 10% en 2 ans.
Des évolutions erratiques de résultat : à partir de 2007, c’est une alternance de bénéfices et de déficits, par exemple en 2009 et 2012, le résultat est négatif  et en 2010, 2011 et 2014, il est positif.

Seule la politique de dividendes échappe à l’austérité

« ST distribue depuis des années un dividende quel que soit le résultat de la société, bénéfice ou déficit. Les dividendes sont trimestriels. Les dividendes pour le 4e trimestre 2014 et pour le premier trimestre 2015 sont déjà annoncés. Le calcul est simple : 0,10 + 0,10 x 910.500.000 titres = 180 millions $.
…………………………………………………………………………………………………………………………………………
** 342 millions $ de dividendes ont été distribués en 2013. Et ST a racheté pour 150 millions $ d’actions, soit un demi-milliard qui ne servent pas à l’investissement, à la recherche ou à une politique industrielle offensive.
Pour la période 2008-2013, ST a distribué 1,8 milliard $ à ses actionnaires (malgré 3 années déficitaires sur 5 années) et perçu 1,5 milliard € des pouvoirs publics (donc du contribuable).
CQFD : Les subventions publiques alimentent quasi-directement les dividendes des actionnaires! »
(Usine nouvelle 3 juillet 2014 Elus EELV Région Dossier : pourquoi subventionner STMicroelectronics est une erreur)

Ainsi que le salaire du  dirigeant, Carlo Bozotti

Une rémunération totale de 2,5 millions $ en 2012, de 3,4 millions $ en 2013 et de 3 millions $ en 2014

2015 : de graves menaces sur l’emploi

En mai 2015, le PDG Carlo Bozotti annonce la préparation d’un plan de restructuration, suppression d’emploi ou fermeture d’usines, destiné (selon lui et ses experts), à enrayer les pertes chroniques dans l’activité Digital Products Group. Or cette activité représente 2500 personnes dans le monde, dont 1500 en France, principalement à Grenoble et à Crolles.

Dans un contexte pourtant à nouveau favorable

En 2014, le Groupe renoue avec les bénéfices, un montant de 128 millions de dollars.
Des dividendes sont versés en cours d’année pour un montant de 354 millions de dollars.
En 2015, sur les 9 premiers mois de l’année,  le chiffre d’affaires  est en baisse de 6,2 % par rapport à la même période 2014, mais les bénéfices bondissent de 20 % pour atteindre 102 millions de dollars en 9 mois.

Suite aux pressions sociales et politiques, à la veille d’échéances électorales, le plan sera reporté en 2016.

ST en France et les éventuels transferts de résultat à la société mère

Organisation ST : une structure à 2 niveaux en France

Premier niveau : 5 entreprises de production Grenoble, Crolles, Tours, Rousset et Le Mans
Deuxième niveau : une maison mère française STMicroelectronics basée à Montrouge, site de production et de commercialisation
Et au dessus, on retrouve la maison mère du groupe STMicroelectronics NV située au Pays Bas avec une direction administrative en Suisse.

Les relations entre les filiales et maisons mères (française et hollandaise)

Filiales de production, l’exemple de Crolles : un site très ancien, particulièrement visé par les suppressions d’emploi au travers de plans successifs  de départs volontaires, un surendettement important, un contrôle fiscal concernant le calcul du crédit impôt recherche.

Des pertes abyssales et permanentes à Crolles

De 2003 à 2014, l’analyse des comptes révèle que le site de Crolles ne connaît qu’une seule fois (en 2010) un bénéfice.
La raison de ces pertes structurelles  pourraient bien provenir de l’absence d’autonomie commerciale et financière de Crolles tant au niveau des ventes que des charges (données 2014).
– La production de Crolles est en quasi-totalité (92%) vendue à d’autres entreprises du Groupe, en particulier à ST Montrouge pour 24% et à ST Pays Bas pour 55%.
– Les charges sont facturées à 13% par des filiales du Groupe : achat de produits semis finis (Montrouge et Pays Bas), redevances, loyers de crédit bail payés à la filiale financière située aux Pays Bas
Et le déficit 2014 est de 155 millions € : entre les prix de transfert et les éventuelles (sur)facturations, le résultat de Crolles n’a plus aucune signification.

Des aides publiques massives

Pour la seule année 2014 et le seul site de Crolles , c’est un montant total de 117 millions €
CICE : 2,1 millions €, Crédit impôt recherche : 25,9 millions €, subvention recherche et développement : 89 millions € et part annuelle de la subvention d’investissement : 0,4 million €.
A noter un contrôle fiscal sur le crédit impôt recherche et   un redressement en cours

Le site de Crolles n’est pas seul à connaître des déficits, c’est le lot commun, avec quelques variantes, de tous les autres sites français. Le déficit de l’ensemble des entreprises françaises ST en 2014 est de 212 millions €.

Société mère française à Montrouge: production, transfert et  dividendes

Les échanges avec les entreprises étrangères et d’éventuels prix de transfert

75% de la production est vendue en interne au Groupe, essentiellement à la maison mère au Pays Bas
47% des charges sont facturées en interne par le Groupe, pour des achats de matières, par la filiale du Maroc et la maison mère aux Pays Bas
Mais l’éventuelle pratique des prix de transferts n’empêche pas  ST Montrouge de dégager des bénéfices  immédiatement versés en dividendes

Une masse  de dividendes versés à la maison mère ST Pays Bas

En 2014, un montant de 4 millions € de dividende distribué sur le bénéfice.
En 2013, un montant de 66 millions € ( 6 millions € sur résultat et 60 millions € sur prime d’émission).
En cumul sur les 11 dernières années, le montant des versements aux actionnaires s’élève à 1 milliard € pour un capital versé de 1 milliard € !!

Des aides publiques en 2014 d’un montant comparable aux dividendes

CICE 2,2 millions €, subventions pour R&D à long terme : 38 millions € CIR : 18 millions €, soit un total de 58,2 millions €,
Mis en rapport avec les dividendes 2013 (66 millions €) payés en 2014, le montant des aides peut être considéré comme transféré intégralement à la maison mère.
A noter, comme pour Crolles, un contrôle fiscal sur le CIR et redressement en  cours.

Et pour finir en dividendes aux actionnaires du Groupe

Au niveau du Groupe, les dividendes distribués aux actionnaires, au cours des années 2008/2013 sont, selon l’étude des conseillers régionaux  EELV, de 1,8 milliard de dollars et les aides publiques de 1,5 milliard de dollars.

Si l’Etat français perçoit une partie des dividendes versés par le Groupe avec ses 13,5% de parts, ce sont surtout les actionnaires privés qui bénéficient de la manne.
Et qu’adviendra-t-il de la subvention  de 400 millions €  prévue à l’horizon 2017, versée par l’État français? Dividendes, ou investissement et emploi? Les paris sont ouverts.

Sources

Sources
Comptes financiers et annexes ST Montrouge et Crolles
Bilan et comptes de résultats des entreprises françaises : 2003-2014
Rapport annuel 2014 du Groupe
Comptes consolidés du Groupe 2013, 2014
Articles Usine digitale 2015 ( juin, septembre et octobre)
Article Usine nouvelle 3 juillet 2014

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