VALLOUREC 2015

Un géant industriel aux pieds d’actionnaires : secousse économique, délocalisations et licenciements massifs (publié mai 2016) et le rebond en août 2016

Vallourec, groupe industriel centenaire, est soumis, depuis deux ans, à une forte dégradation de son environnement économique.
En effet, ses débouchés sont dépendants des achats d’équipements dans le secteur de l’énergie. Or la baisse du prix du pétrole,  la prise de conscience d’une dangerosité du nucléaire avec l’accident de Fukushima  ont freiné considérablement les investissements dans  ce secteur.(voir notre article 2014)

Le bilan semble lourd  pour Vallourec: effondrement  du chiffre d’affaires et résultat déficitaire en 2015.
Vallourec-2016Les réactions ont été immédiates : réduction drastique des capacités de production en France  avec des fermetures d’usines entrainant des licenciements massifs. Les suppressions d’emplois concernent plus d’un millier de salariés dans une région déjà sinistrée, le Nord de la France.

Mais derrière l’arbre se cache la forêt, car si ces difficultés économiques sont réelles, elles  ne sont que le prétexte à la mise en œuvre de stratégies élaborées de longue date.

En effet et tout d’abord, les résultats, après quelques retraitements, ne sont pas  si catastrophiques et ne concernent que les années 2014 et 2015.

Ensuite, le caractère cyclique de l’activité laisse entrevoir une reprise dans les cinq années à venir.

Enfin et surtout, les « restructurations » en France s’accompagnent d’un développement de la production en Chine, avec l’acquisition de l’entreprise « Tianda Oil Pipe » . Les difficultés économiques ont, en fait, servi de prétexte pour délocaliser la production.

Les montants du CICE et du CIR ne sont pas indiqués, mais le recours au financement public est massif (Région, Banque Publique d’investissement)

Et cette stratégie mortifère et coûteuse pour la France, n’a pour objectif que de rassurer l’actionnaire et faire remonter le cours de l’action en bourse.

ET C’EST GAGNE en AOUT 2016, selon le journal « Investir » du 20 août 2016

« La flambée en Bourse de Vallourec est bel et bien corrélée à l’appréciation des cours du pétrole. la note très positive de Morgan Stanley publiée le 10 août a aussi joué en faveur du titre. La célèbre banque américaine met en avant une prochaine reprise de l’activité aux Etats Unis où la société est très présente, avec une progression de plus de 200% du nombre de plateformes d’ici à fin 2018. L’analyse évoque aussi une réduction de la dette, qui était  jusqu’ici l’un des points noirs du dossier »

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Création et développement de Vallourec

1889 : Création de l’entreprise

L’invention  par les frères Mannesmann,  du procédé de fabrication de tubes en acier sans soudure sera à l’origine de la création en 1889 des usines Vallourec. Elles seront implantées dans deux zones de tradition industrielle, région du Nord de la France autour de Valenciennes et de Maubeuge et région Bourguignonne autour de Montbard.
Le Groupe  traversera le vingtième siècle en se développant et s’adaptant aux évolutions du marché de l’énergie.

Les années 2000 : Une mondialisation en marche

Durant cette période, le groupe Vallourec ne cessera de jouer au Monopoly mondial avec une succession de cessions et d’acquisitions de filiales.(détail dans notre article 2014)
Les principales cessions seront effectuées en France, l’objectif affiché étant « le recentrage sur le cœur de métier », avec l’abandon des activités liées au secteur de l’automobile, rendant Vallourec plus dépendant des investissements pétroliers.
Dans le même temps, des filiales étaient créées  en Chine, au Brésil et d’autres acquises aux Etats Unis, en Amérique du sud  et en Asie.

2005-2014 : Une délocalisation rampante

Au niveau du groupe, les effectifs sont en nette progression, passant de 17 285 salariés en 2005, à 23  064 salariés en 2014, soit prés de 8000 salariés supplémentaires.

Mais, sur la même période, le nombre de salariés en France et en Europe (Royaume Uni et Allemagne) est en diminution de  prés de 800 salariés.

Berceau historique du Groupe,  la France n’emploie plus que 22% des effectifs en 2014.

 2015 : Les prémisses d’une casse industrielle en France et en Europe

Une manipulation du résultat 2014, présenté comme  « déficitaire »

Les comptes 2014 sont publiés et le mauvais résultat servira de prétexte à l’annonce d’un plan de restructuration destiné à rassurer les actionnaires.
La présentation d’un résultat  déficitaire en 2014 (-924 millions €), est liée à des « jeux d’écriture », dénommés « dépréciation d’actif », concernant un site au Brésil.(voir notre article 2014)
Mais pour l’actionnaire, le résultat présenté est un bénéfice de  239  millions €, permettant ainsi une distribution de dividendes.

19 avril 2015 : Annonce précipitée de suppression d’emplois

L’année 2015 s’annonce, certes difficile, avec une baisse d’activité, mais les premières mesures interviendront dés la fin du 1er trimestre 2015 avec  le lancement du plan Valens  prévoyant 2000 suppressions d’emplois en Europe, dont 1 millier pour la France.

A la fin de l’année 2015, alors que les principales mesures du  plan Valens ne sont pas encore appliquées, la diminution des emplois est de 3000 salariés, (- 11%) pour l’ensemble du Groupe.

2016 : La délocalisation véritable

1er février 2016 : Annonce de nouvelles suppressions d’emplois

La raison officielle : les mauvais résultats 2015

Les difficultés sont réelles, le chiffre d’affaires a baissé de 33% et le résultat d’exploitation (avant tout artifice comptable) est déficitaire.
Et pour mieux prouver l’ampleur du désastre, 2 décisions symboliques seront prises :
–  Aucun versement de dividendes.
Il faut cependant préciser que depuis plus de 10 ans, les actionnaires avaient reçu, en moyenne, 40% du résultat, alors que la règle de Vallourec est de ne distribuer que 33% du résultat : une bonne petite avance !!
– Une  baisse de 60% de la rémunération du PDG.
Précisons aussi qu’il percevra quand même 802 milliers € en 2015 (soit l’équivalent de 46 années de SMIC), au lieu de 2 millions € en 2014.

Qui ne servent  que de prétextes

De l’aveu même des dirigeants, l’activité est cyclique

« Compte tenu de la forte cyclicité de ses marchés, Vallourec doit pouvoir s’adapter rapidement aux variations d’activité.
Sa politique repose sur l’existence d’un personnel permanent (CDI) qui permet de répondre au niveau d’activité pérenne ……..
Les variations d’activité en pic ou en creux sont résolues avec les solutions locales de flexibilité (prêts entre usines, aménagement du temps de travail en Europe, intérimaires, contrats à durée déterminée). Au niveau du Groupe, l’effectif temporaire s’établit en 2015 à 6,8 % de l’effectif total, » (document de référence 2015)

Une reprise est prévue dans les 5 années à venir

« Dans le plan stratégique à cinq ans, le Groupe a retenu pour 2016 et 2017 des hypothèses cohérentes avec les données constatées fi n 2015 et une hypothèse de reprise progressive de l’activité Pétrole et gaz en 2017 pour retrouver en 2020 une activité normalisée en volumes dans ce marché. Le Groupe considère ainsi en 2020 des niveaux d’investissements pétroliers revenus à des niveaux équivalents à ceux de 2014, appréciés comme un niveau d’activité normal. » (document de référence 2015).

En outre, la rapidité de la décision révèle une stratégie de long terme

Pour masquer le véritable enjeu : enrayer la chute libre des cours de bourse

La seule préoccupation des dirigeants est de rassurer l’actionnaire.

« Vallourec dispose depuis 2014 d’un Club des Actionnaires. Grâce à ce Club, Vallourec souhaite promouvoir un dialogue soutenu avec ses actionnaires et également renforcer les liens de confiance et de proximité que le Groupe a noués avec eux » (document de référence 2015).

et cela passe par des réductions drastiques du « coût de la main d’œuvre »

Le contenu du plan de suppression d’emploi 2016

Des fermetures d’usine

« Ce projet de rationalisation conduira à la fermeture de deux laminoirs (Saint-Saulve et Deville en France), une ligne de filetage (Mülheim en Allemagne) ainsi qu’une ligne de traitement thermique (Bellshill en Écosse) » (document de référence 2015)

Avec des objectifs clairement affichés

– « une réduction supplémentaire des effectifs de l’ordre de 1 000 équivalents temps plein par rapport au plan Valens », soit un total de 2150 suppressions d’emploi
– « une réduction, d’ici 2017, de 50 % des capacités de production de tubes par rapport au niveau de 2014 » (document de référence 2015)

Pour un  coût  estimé

« Ces nouvelles mesures auront un impact estimé à 137 millions d’euros qui seront comptabilisés au premier trimestre 2016. » (document de référence 2015)

A ces différentes mesures, s’ajoute la cession de l’aciérie de Saint Saulve : or le seul acquéreur potentiel serait le groupe Ascometal, tout juste sauvé de la faillite il y a 2 ans. Les tractations durent depuis plus d’un an, plongeant les salariés et les élus locaux dans une profonde inquiétude.(La voix du Nord du 11 mars 2016).

29 janvier 2016 : Annonce d’une  Implantation  en Chine

Acquisition d’une société chinoise

Vallourec était actionnaire à 20% de la société chinoise  « Tianda Oil Pipe » (TOP), et à partir de 2 opérations successives menées en 2016,  Vallourec devrait devenir  l’actionnaire unique de cette société chinoise.
La premier jalon est posé le 29 janvier 2016 avec la signature d’un accord validant le processus.

Pour opérer un transfert de production

Selon les données du document de référence 2015, il apparaît clairement que les capacités de production de laminage  sont transférées de l’Europe (la France en particulier) vers la Chine.

Car, contrairement aux déclarations faites sur les nécessités  de réduire les capacités de production, celles du laminage resteront quasiment stables. En effet, mesurée en kt, la capacité devrait passer de 2900 kt en 2015 à 2800kt à partir de 2017

Par contre la répartition mondiale sera profondément modifiée : la moitié des capacités de production de laminage est transférée de l’Europe vers la Chine.

L’Europe détenait 46 % des capacités  du Groupe, elle n’en aura  plus que 25%  et la Chine qui n’en détenait pas, en possédera dorénavant 20% .

Aucun changement n’interviendra pour l’Amérique du Nord et le Brésil.

Avec recours aux aides publiques françaises

Pour toutes ces opérations, Vallourec a besoin de financement, l’Etat y contribuera par l’intermédiaire de la BPI (Banque publique d’investissement).

En outre, pour faciliter la cession de l’aciérie de Saint Saulve à Ascométal et maintenir les emplois, Vallourec n’hésite pas à faire appel aux aides financières de la Région ( Voix du Nord du 11 mars 2016).
Enfin aucune indication n’est donnée sur les montants perçus de CIR et CICE. Il est vrai que percevoir une subvention d’environ 10 millions € (estimation faite du CICE en 2014) destinée à combattre le chômage, pourrait paraître indécent quand on en supprime plus d’un millier dans le simple but de délocaliser !

Le but de toutes ces opérations est clairement affiché :  « la création de valeur au profit de ses actionnaires ».
Mais qu’en pensent les 12 000 salariés actionnaires (répartis dans 12 pays différents) qui représentent en 2015, 7,6 % de l’actionnariat de Vallourec ? Ont-ils validé allègrement le plan de suppression de leur emploi ?

Sources

Documents de références 2006 à 2015
Article sur Saint Saulves : la voix du Nord du 11 mars 2016

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