Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) 2014

publié nov. 2015

Les éléments clés: un dispositif inefficace, coûteux et dangereux

Inefficace, car ce crédit d’impôt bénéficie indistinctement à toutes les entreprises
– Riches ou pauvres,
– Recrutant ou licenciant,
– Exposées ou non à la concurrence internationale
Inefficace car aucun contrôle ne portera sur l’utilisation faite de ce crédit
Coûteux, car le montant budgété de 20 milliards € représente une somme de 750€ par ménage.
Dangereux, car les modalités de suivi et de mesure de l’impact sont totalement biaisées, idéologiques et visent à faire porter la responsabilité de l’échec aux salariés tout en occultant celle des actionnaires.
Rappelons que les aides attribuées au moment du passage aux 35 h, l’étaient sous certaines conditions de création d’emploi ou à minima de préservation de l’emploi.

Présentation détaillée

Principes généraux

1- Définition
Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est un avantage fiscal qui concerne les entreprises employant des salariés par le biais d’une baisse de leurs cotisations sociales.

2- Calendrier
Voté en 2012, sous le gouvernement Ayrault, le CICE est appliqué à partir de l’année  2013  et devrait en 2017 se traduire par une baisse définitive des cotisations sociales

3 -Objectifs
« Redonner aux entreprises des marges de manœuvres pour investir, prospecter de nouveaux marchés, innover, favoriser la recherche et l’innovation, recruter, restaurer leur fonds de roulement ou accompagner la transition écologique et énergétique grâce à une baisse du coût du travail » (site du gouvernement).

4 – Entreprises bénéficiaires
Le CICE bénéficie à l’ensemble des entreprises employant des salariés, imposées à l’impôt sur les sociétés (IS) ou à l’impôt sur le revenu (IR)

5 – Mode  de calcul
– Base : montant total  des rémunérations versées aux salariés au cours d’une année civile qui n’excèdent pas 2,5 fois le SMIC calculé sur la base d’un temps complet
– Taux : 4% en 2013 et 6% en 2014

6 – Modalités du versement
Le CICE s’impute en priorité sur l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’année. Si l’entreprise est en déficit, le CICE pourra  être imputé sur les 3 années suivantes et au-delà de ce délai, il est restitué.

7 – Contreparties exigées
– Une obligation de communication : l’entreprise doit retracer dans ses comptes annuels l’utilisation du crédit d’impôt et en informer le comité d’entreprise.
– Une double interdiction : le CICE ne peut servir ni à financer une hausse des dividendes versés aux actionnaires, ni à augmenter les rémunérations des dirigeants de l’entreprise

8 – Contrôle exercé
Les contrôles fiscaux ne porteront que sur les éléments du calcul, mais en aucun cas sur l’utilisation des fonds dégagés grâce au CICE, ce qui signifie que les actionnaires peuvent augmenter leurs dividendes, ils ne seront pas sanctionnés !!

9 – Suivi et mesure de l’efficacité du dispositif
Un comité de suivi du Crédit d’impôt pour la  compétitivité et l’emploi (CICE) a été mis en place en 2012, il est chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation du CICE.
En juillet 2014, les missions du  comité de suivi ont été étendues au suivi de l’ensemble des aides publiques aux entreprises afin d’en mesurer  l’impact sur la compétitivité, l’emploi, l’investissement et la croissance.

10 – Le coût budgété
En vitesse de croisière, le montant devrait être de  20 milliards d’euros par an. Il a depuis été intégré au Pacte de responsabilité annoncé fin 2013 qui prévoit en outre des réductions de cotisations sociales et d’impôts des entreprises pour un montant total de 40 milliards d’euros, CICE compris.

Les rapports 2013, 2015 et 2015 du comité de suivi

Une mesure du  coût  réel

11,2 milliards € en 2013, 18 milliards en 2014 pour atteindre plus de 20 milliards en 2015.

Une grande prudence dans l’analyse de l’impact des effets du CICE sur l’économie

Deux raisons sont invoquées
1 – Le décalage dans le temps dans la collecte des données réelles
Il faudra attendre 2016 pour avoir des données concrètes et réelles. Les éléments actuels d’analyse du comité sont fondés sur des enquêtes de comportement réalisées auprès des responsables d’entreprises
2 – L’interdépendance des facteurs économiques
Même avec des données rigoureuses et vérifiées,  il sera en effet difficile de mesurer le rôle du CICE dans les évolutions :

« Tout l’enjeu de l’évaluation est de savoir si et comment le comportement d’une entreprise diffère dès lors qu’elle bénéficie du CICE, par rapport à une situation sans CICE ».

Mais l’analyse  présentée par ce comité de suivi est d’ores et déjà biaisée et idéologique

La démarche  du comité de suivi est faussée par l’absence assourdissante d’un des éléments clés : les évolutions observées et analysées ne concernent que l’emploi, les salaires, les prix et l’investissement.
Sur les trois rapports présentés par le comité de suivi, les mots « dividendes » ou « résultat distribué » ne sont jamais cités. Donc l’impact du CICE sur les distributions de dividendes ne sera jamais étudié.

Pour quelles raisons ?
–  Les membres de ce comité sont ils à ce point naïfs pour faire une confiance aveugle aux dirigeants d’entreprise et pour ainsi considérer  inutile l’analyse de  l’évolution des dividendes ?
– Ou bien prépare-t-on déjà l’opinion à un échec du CICE et à en faire porter la responsabilité aux salariés ? Ce seraient leurs augmentations de salaires et donc leurs égoïsmes qui feraient obstacle  à l’amélioration de la compétitivité et donc  à la diminution du chômage.

Deux observations semblent malheureusement confirmer cette deuxième hypothèse
– Dans le rapport 2015 du comité de suivi , on peut lire cette analyse surprenante :

« En 2014, le salaire moyen par tête du secteur marchand  a légèrement accéléré en termes nominaux, progressant de 1,7 % contre 1,5 % en 2013 en dépit du ralentissement de l’inflation. Cette accélération de la hausse des salaires amène à se poser la question du rôle qu’a pu tenir le CICE dans l’octroi d’augmentations de salaire par les entreprises » (p56/57 du rapport septembre 2015).

– Dans la presse, on peut relever  ces 2 articles particulièrement accusateurs :

« L’un des objectifs du crédit d’impôt était de booster l’investissement des sociétés. Or, une grande partie d’entre elles ont préféré utiliser cette manne pour augmenter le revenu de leurs employés. »(journal Libération du 2 avril 2015)
« Le rapport 2015 sur le crédit d’impôt compétitivité emploi pointe une utilisation du dispositif éloignée des objectifs : les hausses de salaires sont privilégiées à l’investissement et il profite peu aux exportations. » (Libération du 20 septembre 2015)

La machine à culpabiliser les salariés est en ordre de marche et ceci dans la plus parfaite mauvaise foi.
En effet dés 2014, l’alerte  est donnée dans tous les journaux financiers sur la forte progression des dividendes en France :

« La distribution des dividendes aux actionnaires bat des records au deuxième trimestre 2014 alors qu’au même moment, l’investissement des entreprises baisse.
« J’attends du patronat […] qu’il utilise pleinement les moyens du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pour investir et embaucher et non pour distribuer des dividendes ». Cet appel, on ne peut plus clair, provient de François Hollande himself.
Pas plus tard que mercredi dernier, dans un entretien au « Monde », le président de la République a exprimé ses attentes à l’égard des entreprises, qui ont commencé à bénéficier du CICE au deuxième trimestre 2014. Hasard du calendrier, à la même période, les entreprises françaises ont versé des dividendes records à leurs actionnaires. La France est le pays « qui a réalisé la meilleure performance et est également le plus important payeur de dividendes en Europe, en hausse de 30,3% » par rapport au deuxième trimestre 2013, souligne une étude publiée par la société de gestion Henderson Global Investors. Soit près de 31 milliards d’euros versés par les entreprises françaises » (l’Obs Economie du 23 août 2014)

En 2014, la rémunération des actionnaires a augmenté de 30%, celle des salariés de 1,7% mais ce sont ces derniers qui seraient les véritables  coupables !!!

Quelques exemples réels à partir de nos analyses

Nous ne prétendons pas faire une analyse exhaustive, car notre échantillon est bien trop limité, mais nous présentons ces quelques exemples pour alimenter la réflexion.
Précisons déjà que certaines entreprises ne déclarent pas dans leurs comptes le montant du CICE, c’est le cas des groupes Hermés, Vallourec, Eiffage.

Le CICE et les augmentations de dividendes

Premier exemple : le groupe Hermès
Dans le document de référence 2014 (p 100), la Direction du Groupe explique que du fait de « l’importante trésorerie disponible », l’assemblée générale des actionnaires a décidé la distribution d’un dividende exceptionnel de 500 millions € . Celui-ci s’ajoute au dividende ordinaire de 343 millions €.
Pour 2014, l’augmentation des dividendes a donc été de plus de 500 millions €, absorbant certainement l’intégralité du CICE.
Les dirigeants d’Hermés pourraient tenter de se justifier en mettant en avant l’évolution des effectifs en 2014,  ( 6 631 salariés  en 2013, 7 051 salariés en 2014) . Mais c’est bien la hausse de la production nécessitée par celle des ventes qui les a conduit à recruter et non pas l’allègement des cotisations sociales.

Deuxième exemple : le groupe  Radiall, dont le dirigeant, P GATTAZ, président du MEDEF avait promis la création d’un million d’emplois en contrepartie du CICE.
Montant du CICE : 876 milliers € en 2013 et 1 251 milliers  en 2014
Montant des dividendes :  2 125 milliers € en 2012, 2 772 milliers €  en 2013 et 4 620 milliers € en 2014.
Donc l’intégralité du montant du  CICE 2014 a été utilisée en progression des dividendes
Et comme indiqué en page 15 du rapport financier 2014,  l’augmentation de l’effectif est due à la croissance de l’activité et sur 146 personnes supplémentaires pour l’ensemble du groupe Radiall , seules 13 personnes ont été recrutées sous CDI et 7 sous CDD, les autres, sont des intérimaires  et des régies.

Autre exemple, celui de Carrefour qui perçoit un  montant record de CICE : 84 millions  € en 2013, 110 millions  € en 2014.
Une grande partie est versée aux actionnaires avec une hausse des dividendes de 38 millions € en 2013 et de 51 millions en 2014.
Le dirigeant s’est vu gratifier d’une bonne augmentation : sa rémunération de 2, 6 millions € en 2012, atteint 3,8 millions € en 2013 et 2014

On pourrait aussi citer La Générale de Santé, Somfy, ACCOR …pour l’utilisation du CICE en  augmentation de dividendes (se reporter à nos analyses)

Le CICE et les réductions d’effectifs

Le Groupe Vallourec  annonce en 2015,  900 suppressions d’emploi, maintient le même niveau de dividendes mais omet d’indiquer le montant du CICE perçu (environ 10 millions €, selon certaines estimations).

Le Groupe Eiffage a réduit ses effectifs en France de 3 071 salariés entre 2012 et 2014, et ceci malgré la stabilité de son chiffre d’affaires et l’augmentation de ses résultats. Les dividendes distribués se sont  maintenus au même niveau. Le montant du CICE perçu n’est pas indiqué mais selon  un communiqué des représentants des salariés, repris dans « le moniteur » du 5 décembre 2014, le montant du CICE perçu en 2013 aurait été de 51 millions €.

Pour l’entreprise Gaming Partners International, l’effectif a diminué quasiment de moitié  en 2 ans, passant de 201 salariés en 2012 à 128 salariés en 2014, le CICE a été de 111 milliers € en 2013 et de 174 milliers € en 2014. Et les dirigeants de GPI dans leur rapport de gestion ont donné cette explication :

 « Ces sommes lui ont permis de défendre ses parts de marchés, financer ses investissements et ses efforts en matière de recherche développement. Toutes ces actions ont contribué à la sauvegarde de l’emploi » Provocation ou cynisme ?

La palme du ridicule revient à PAI PArtners, fonds d’investissement français, avec 48 salariés dont la moyenne des salaires est de 33 000 € par mois, qui distribue des dividendes de 18 millions € à ses 17 associés-salariés et qui a cependant osé percevoir un montant de 7995€ de CICE certainement au titre des salaires perçus par  les 6 employés en dessous de 2,5 fois le SMIC.

Quelques bons exemples

L’entreprise la Favi donne raison au journaliste de Libération puisque le montant du CICE en 2014 de 548 000 € a servi en quasi-totalité à l’ augmentation des salaires.
Rappelons que la Favi se targue d’un management original au service des hommes

Pour Kéolis, le CICE, a été d’un montant de 34 millions € en 2013 et de 48 millions € en 2014, les effectifs ont augmenté en France de 400 salariés entre 2012 et 2013 et de 736 salariés entre 2013 et 2014 . les dividendes sont restés stables.
Rappelons que Kéolis est détenu à 70% par l’État français.

Notre conclusion est que le CICE est une vaste supercherie financière et idéologique

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