Groupe CGI et CGI France 2016
Derrière le Rêve, Réalité et Imposture (publié mai 2017)
Fondé en 1976 par deux Québécois, le Groupe CGI est, aujourd’hui, implanté sur les cinq continents et emploie 68 000 salariés. Il se positionne au 5ème rang mondial sur le marché des nouvelles technologies, le Conseil en Gestion et en Informatique.
Depuis 40 ans, le dirigeant historique du Groupe, Serge Godin, ne cesse de clamer son éthique d’entreprise et son projet original : Bonheur et Rêve au travail, Culture de propriétaires-actionnaires, 80% des salariés possédant des actions du groupe.
Mais l’analyse des comptes du Groupe dévoile le véritable but de ce discours social, celui de motiver les salariés, tout en freinant les évolutions de rémunération.
En effet, la place du travail est fondamentale dans cette activité de prestations de service de haute technologie qui exige qualification, autonomie et investissement personnel.
Et les données chiffrées, bien que succinctes, traduisent clairement la pression subie par les salariés, pour les contraindre à augmenter sans cesse leur productivité.
Les belles paroles du dirigeant sont un véritable leurre visant à masquer les vrais bénéficiaires de sa politique, les principaux actionnaires et lui, en tout premier. Devenu milliardaire en 2013, Serge Godin s’est distingué par un comportement fiscal peu scrupuleux, laissant ainsi planer le doute sur la gestion de l’ensemble du Groupe.
La filiale française, CGI France dégage sur les deux derniers exercices des niveaux élevés de rentabilité, «grâce» à la suppression de certains avantages sociaux et aux aides publiques reçues. Sans le redressement fiscal sur le Crédit Impôt Recherche et d’éventuels transferts de marge vers l’Inde et le Maroc, les résultats auraient été encore bien supérieurs..
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La petite entreprise à l’appétit d’ogre
En créant, en 1976, la société CGI (conseil en gestion et informatique), Serge Godin et André Imbeau, tous deux québécois, avaient l’ambition de se positionner sur le marché encore balbutiant des nouvelles technologies mais aux perspectives prometteuses.
Pendant les 10 premières années, la stratégie des deux fondateurs sera de privilégier une croissance interne, en s’adaptant au développement de l’informatique dans les entreprises. En 1986, CGI compte 450 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 22 millions dollars canadiens ($Can) (1,4747$Can = 1 € au 30/09/2016).
A partir de 1986, un tournant décisif sera pris : la priorité sera donnée aux acquisitions d’entreprises à l’international, financées par un appel public à l’épargne (introduction dans les Bourses de Montréal, Toronto et NewYork)
Vingt ans plus tard, en 2006, le Groupe compte 25 000 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 3 milliards $Can.
Durant la décennie suivante, les dirigeants passent encore à la vitesse supérieure avec deux opérations majeures : les rachats de Stanley aux USA et de Logica en Europe, s’assurant ainsi une implantation durable sur ces deux continents.
En 2016, le Groupe CGI se situe au 5ème rang mondial avec une présence dans 40 pays, compte 68 000 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 10,7 milliards $Can.
Cette activité de conseils en gestion et en informatique s’adresse à une clientèle de gouvernements, de services financiers, santé, télécommunications et services publics et secteur manufacturier, distribution et détail.
Et pour l’avenir, Serge Godin ambitionne de doubler la taille du Groupe tous les cinq à sept ans.
Du projet d’un rêve pour tous
Selon Serge Godin, fondateur et dirigeant actuel du Groupe
« Alors que la plupart des entreprises ont une vision et une mission, CGI va plus loin en s’inspirant d’un rêve. Ce rêve met l’accent sur les notions de plaisir et de propriété qui sont essentielles à notre succès… » (document annuel 2016)
« La culture d’actionnariat de CGI est l’un de nos principaux facteurs de différenciation. Un taux impressionnant de 80 % de nos membres sont actionnaires de l’entreprise, ce qui reflète un solide engagement personnel envers le succès de CGI et de ses clients. » (document annuel 2016)
« Des employés heureux, ça rapporte » lâche aussi Serge Godin dans le Quotidien du Québec du 18 novembre 2010.
A la réalité du bonheur pour quelques uns
Un pouvoir apparemment concentré dans quelques mains
Les documents publics ne donnent aucune précision sur la structure de l’actionnariat.
D’après les informations délivrées sur les sites de la chambre de commerce de Montréal et de zone Bourse, les principaux actionnaires seraient :
La Caisse des Dépôts et Placement du Québec, premier fonds de pension canadien (18,5% parts),
Serge Godin le fondateur : (9,28% des parts et 47,14% des droits de vote),
Fidelity, fonds de placement canadien (7,01% des parts),
Suivent huit autres fonds de placement cumulant 20% des parts.
Un double constat
Le fondateur garde un poids prépondérant dans les orientations stratégiques.
L’ensemble des 50 000 salariés actionnaires ne représente probablement qu’une part très minime dans l’actionnariat et leur grand nombre ne leur permet pas peser sur les décisions.
Un pactole pour les principaux actionnaires
Selon le document annuel 2016
« Depuis le premier appel public à l’épargne en 1986, l’action a eu un rendement moyen annuel de 19 %»
« En 10 ans 2006/2016, le cours de l’action est passé de 7,32 dollars à 62.49 dollars»
Ces informations, bien que succinctes, révèlent la nature des véritables bénéficiaires des richesses créées à CGI.
Un enrichissement du fondateur
Après 37 ans de dur labeur, Serge Godin est devenu milliardaire en 2013 (Selon le magazine Forbes).
Et la portion congrue pour les salariés
Dans cette entreprise de services de haute technologie, le travail est très qualifié, et constitue donc un rouage essentiel dans la qualité des prestations vendues.
Et pourtant sur les 4 derniers exercices, la rémunération du travail (+ 3%) progresse deux fois moins vite que le chiffre d’affaires (+ 6%) , alors que le résultat d’activité enregistre une hausse spectaculaire (+46%).
En d’autres termes, pour une hausse du chiffre d’affaires de 599 millions $Can , le bénéfice d’activité augmente de 489 millions $Can .
Ce surplus hors norme de rentabilité a été obtenu par des économies de 192 millions $Can réalisées sur le coût des services et par une pression sur l’évolution des rémunérations limitée à 233 millions $Can .
Et pour l’exercice en cours, 2016/2017, le mouvement se poursuit : sur le dernier trimestre 2016 (comparé au dernier trimestre 2015), la hausse du chiffre d’affaires est de 3.7% et celle du bénéfice de 16 % .
Pour freiner la progression des rémunérations, deux moyens semblent avoir été utilisés :
– Une certaine délocalisation d’activité vers l’Inde, comme le laisse supposer cette phrase« l’utilisation accrue de nos centres mondiaux de prestation de services en Asie-Pacifique » (document annuel 2016)
– Des suppressions d’avantages sociaux, comme indiqué sur le site internet du syndicat CFE CGC de CGI France.
Un comportement peu scrupuleux du dirigeant
En 2000, lors d’une transaction sur des actions, Serge Godin réalise un gain de 88 millions $CAN.
Pour échapper à l’impôt sur ce revenu, ce dirigeant va utiliser la méthode dite du « stellage ». sur les recommandations, dit-il, du cabinet Deloitte.
Mais considérant l’opération comme illicite, l’administration fiscale canadienne lui notifie, en 2011, un redressement de 9,1 millions $CAN..
Après un arrangement, Serge Godin, paie les sommes réclamées mais poursuit en justice le cabinet Deloitte pour mauvais conseils et mène campagne pour une réforme fiscale plus favorable aux riches.
Bien ingrat, il oublie que CGI a bénéficié de fonds publics, sous forme de crédits d’impôt, de plus d’un demi-milliard de dollars canadiens (504,4 millions exactement), en cumul sur les 4 derniers exercices.
Des données comparables pour CGI France
Pour l’historique se reporter à notre article 2015.
A partir de l’exercice 2014/2015, la filiale CGI France a connu deux évolutions majeures : la fusion avec CGI Business Consulting, et une augmentation de 125 millions € du capital social par un apport en numéraire.
Une rentabilité soutenue
Sur les 12 derniers mois, le chiffre d’affaires de prés de 1 milliard € est en hausse de 7% sur un an.
Les bénéfices nets comptables engrangés lors des deux derniers exercices représentent une rentabilité de 40% (2015) et 34% (2016) du capital social, le retour sur investissement ne s’est pas donc fait pas attendre.
Les effectifs ont augmenté de 1,5%, le salaire moyen de 3,4% et l’ensemble des frais de personnel de 4,8%.
Moins marqué que pour l’ensemble du Groupe, on note, cependant, des écarts de même nature, entre la hausse du chiffre d’affaires et celle des frais de personnel.
Malgré de possibles transferts de marges
Au vu des dettes en fin de période, il est probable que le volume des transactions entre CGI France et les autres filiales, Inde et Maroc, soit important, mais aucune précision n’est donnée. (voir notre article 2015)
Or, les échanges intragroupes peuvent masquer des transferts de marge, grâce à une politique « judicieuse » de prix internes.
La question se pose avec d’autant plus d’acuité, que le comportement du dirigeant canadien est loin d’être exemplaire et que la filiale française a subi récemment des redressements.
Et des redressements fiscaux et sociaux
Sur le Credit Impôt Recherche (CIR)
« De nombreuses sociétés du numérique se sont vues contrôler sur l’utilisation du CIR (Crédit Impôt Recherche) sur les années 2010 et 2011, avec pour certaines d’entre elles un rattrapage fiscal. Et, parmi les heureux gagnants nous trouvons : ….. CGI bien sûr, qui avec environ 4,7 Millions d’euros se situe dans le peloton de tête. » (Site CGT de CGI, « le hérisson »)
Mais l’information officielle reste lapidaire :
« Le 12 juin 2014, CGI France a reçu un avis de vérification de comptabilité relatif au crédit d’impôt recherche au titre des années 2010 et 2011. ce contrôle s’est clôturé au 1er trimestre 2016 » (Annexe sur les états financiers 2015)
Sur les cotisations sociales
« Le contrôle URSSAF sur les années 2014 et 2015 a abouti à un redressement pour la somme de 440 939 € que CGI a versé le 20 décembre 2016 » (Site CFE CGC de CGI), confirmé dans les documents publics.
Mais grâce aussi aux aides publiques
Sur les deux dernières années, CGI France a perçu un montant annuel de 18 millions € des fonds publics (CICE et CIR) qui alimentent les résultats du Groupe canadien et la fortune de son fondateur.
Par ailleurs, les dirigeants français ne font aucun effort pour justifier l’utilisation du CICE.
« le Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE) est principalement affecté à la réalisation d’efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de recrutement et de prospection de nouveaux marchés » (Annexe sur les états financiers 2016)
L’ogre ne connaît pas de limites, et, sans le moindre scrupule, ponctionne collectivités publiques et salariés.
Sources
Documents annuels du Groupe de 2013 à 2016
Comptes CGI France et documents de gestion de 2014 à 2016
Site internet de CGI
Sites internet des syndicats CFE CGC et CGT de CGI France
Journal de Montréal du 18 janvier 2017
Quotidien du Québec du 18 novembre 2010.
Chambre de commerce de Montréal
Zone Bourse
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