Hermès 2014
Derrière le luxe et l’image, de profondes inégalités (publié sept.2015)
L’industrie du luxe ne s’est jamais aussi bien portée, les ventes du groupe Hermès ont connu un essor foudroyant en période de crise et les actionnaires en sont les premiers bénéficiaires.
Les dividendes ordinaires sont en constante augmentation pour atteindre un montant de 343 millions € en 2014, en rémunération d’un capital investi de 103 millions €.
La crise n’est pas la même pour tous, c’est bien connu.
Ce qui est moins connu, c’est le système Hermès qui rend systématiquement déficitaires les entreprises de production, la vente de leurs produits s’effectuant à « prix cassés » à la filiale de commercialisation.
La marge est ainsi transférée des filiales de production vers celle de commercialisation, qui, elle, dégage d’importants bénéfices, et distribue une participation aux salariés
Les déficits des entreprises de production servent d’argument pour limiter les revendications salariales et priver les salariés de participation
En 2011, lorsque le pot aux roses fut découvert, déclenchant la colère des salariés de production, la direction d’Hermès réagira rapidement et proposa de verser une participation à tous les salariés de France. Cette mesure coûtera 19 millions € par an. L’image d’excellence sociale d’Hermès est à ce prix là.
Mais les actionnaires ne furent pas en reste : en 2012 puis en 2014, ils décidèrent de s’octroyer un dividende exceptionnel de 500 millions € !!! Soit 1 milliard de dividendes exceptionnels sur 2 ans, s’ajoutant aux dividendes ordinaires.
L’image sociale repose cependant sur des éléments positifs : des créations d’emplois en CDI et le respect des obligations fiscales
Lire l'article completHermès 2014, c’est un groupe de 11 718 personnes dans le monde avec 311 magasins exclusifs, un chiffre d’affaires de 4,1 milliards €, (+ 9,6% par rapport à 2013) et un résultat net de 858 millions € (+8,6% par rapport à 2013)
UNE PYRAMIDE DE LUXE TRES INEGALITAIRE à 4 étages
Au premier étage, ce sont les entreprises de fabrication, maroquinerie, vêtements, carrés de soie, montres …, bref toute la panoplie des produits Hermès,
Au deuxième étage, c’est Hermès Sellier, l’entreprise qui assure les ventes dans les magasins répartis dans le monde entier
Au 3ème étage, on y trouve les dirigeants dans la société Hermès international.
Au 4ème étage, dans une tour d’ivoire : les actionnaires
Et les relations entre les 3 premiers étages sont très simples : la fabrication du 1er étage est vendue au 2ème étage et le 3ème étage prélève tous les bénéfices réalisés par le 2ème étage,
Et quant au 4ème étage, il attend la rémunération de son capital avec des dividendes
Commençons par le premier étage, en prenant comme exemple la maroquinerie, métier d’origine d’Hermès qui représente 45% des ventes en 2014
Réparties sur tout le territoire en France, 9 entreprises de fabrication de maroquinerie appartiennent à 100% au groupe Hermès, avec un effectif total de 1 962 salariés. Si dans le discours, sous la dénomination « artisans » les ouvriers d’Hermès semblent jouir d’une grande autonomie, il n’en est rien dans la réalité. Les entreprises de production sont totalement dépendantes des décisions du groupe, ce sont des façonniers: quantité et prix sont intégralement définis par le client Hermès Sellier
Le niveau du prix de vente est tel que les entreprises de production ne font que très rarement du bénéfice (résultat courant avant impôts) et en cumul, les 9 entreprises de maroquinerie présentent un résultat déficitaire de 2 millions € en 2014.
Mais est-ce une stratégie d’émulation ou de division? Les disparités entre ces entreprises sont importantes. En effet 3 d’entre elles dégagent des excédents, 2 sont quasiment à l’équilibre et 4 sont très largement déficitaires . On peut imaginer la pression exercée sur les salariés dans les entreprises en déficit.
Les niveaux de salaire sont sensiblement les mêmes, une moyenne d’environ 2 400 € mensuel brut (données 2014), avec quelques variantes en fonction de la localisation, les salaires parisiens étant un peu plus élevés.
Par contre, au 2ème étage de la pyramide, dans l’entreprise Hermès Sellier, le résultat est toujours très largement bénéficiaire. La moyenne des salaires des 2 342 salariés d’Hermès Sellier, est très nettement supérieure à celle des salariés en production, avec un montant de 4 400 € mensuel brut. (données 2014)
Au 3ème étage de la pyramide « résident » les 347 salariés de la Holding Hermès International dont l’activité consiste à définir la stratégie, contrôler l’activité des filiales, gérer le patrimoine … Ses ressources proviennent exclusivement de prélèvements sur les richesses créées dans les étages inférieurs : dividendes et redevances sur licences de marques. Et là, c’est encore mieux qu’au 2ème étage : le salaire moyen mensuel brut est de 9 000 €, une moyenne qui masque de profonds écarts entre le gérant mandataire social (une rémunération d’environ 200 000 € brut par mois) et les autres salariés.
Mais à la pointe de la pointe de la pyramide, le 4ème étage, vivent les actionnaires, ceux qui ont apporté le capital d’Hermès d’un montant de 103 millions € et qui perçoivent des dividendes.
En 2009, le dividende de 112 millions € représentait déjà un taux de rémunération de plus de 100% du capital investi.
Mais en 2014, c’est beaucoup mieux, avec 343 millions € de rémunération de l’actionnaire, et ce n’est qu’un dividende ordinaire, en 2012 et 2014, se rajouteront des dividendes exceptionnels de 500 millions €.
Il faut bien choisir sa place dans la pyramide !! Mais les salariés ne peuvent être actionnaires (document de référence 2014)
« À la connaissance de la société, la proportion du capital que représentent les actions détenues par des salariés du groupe (hors dirigeants et mandataires sociaux) au 31 décembre 2014 n’est pas significative. Aucune action de la société n’est détenue par le personnel de la société et des sociétés qui lui sont liées dans le cadre du plan d’épargne d’entreprise et du fonds commun de placement d’entreprise de la société »
UN VENT DE FRONDE en 2010/2011
Ces profondes inégalités sont continuellement masquées, le discours sur l’excellence, l’éthique sociale, environnementale, fait illusion mais parfois un vent de fronde se lève. Ce fut le cas dans des entreprises de fabrication de maroquinerie, quand fut découverte, à l’occasion d’une expertise comptable, la profonde injustice subie par les salariés de production. En effet, outre les bas salaires et les conséquences physiques d’un travail manuel, ils étaient pénalisés par les déficits de leurs entreprises, car aucune participation ne leur était versée.
Alors que chez Hermès Sellier, la participation moyenne annuelle perçue était de 6 000 € par salarié et dans la Holding au 3ème étage, ce montant était de 9 000€
Petits salaires, participation nulle et fatigue musculaire pour les salariés de production, l’information se diffusa rapidement, et la colère s’amplifia. Alors avant que les remous n’atteignent la notoriété d’Hermès, les dirigeants réagirent et anticipèrent.
L’arrêt net des remous sociaux
En fin d’année 2011, les dirigeants proposèrent aux représentants du personnel une négociation en vue d’étendre la participation aux bénéfices à tous les salariés de France et ainsi de signer un accord de participation au niveau du Groupe.
L’accord fut signé en 2012 et mis en application dés 2013. En 2014 ,le montant de la participation a représnté prés de 2 mois de salaire, soit 5 400 € au premier étage (entreprises de production), 8 300 € pour le 2ème étage (Hermès Sellier) et de 12 000 € pour le 3ème étage (Hermès international)
Le coût de cette mesure fut de 19 millions €, aussi bien pour 2013 que pour 2014 et devrait se reproduire les années suivantes.
Et un « petit coup de pouce » pour les actionnaires
Dans le rapport annuel 2013, on peut lire « Afin de distribuer en partie l’importante trésorerie disponible (plus d’un milliard d’euros), un dividende « exceptionnel » de 5 € a été versé en 2012 en plus du dividende « ordinaire » »
Le montant du dividende ordinaire était de 242 millions €, le montant du dividende exceptionnel sera de 500 millions € en 2012.
Le montant exceptionnel versé d’un seul coup aux actionnaires représente 25 fois le coût annuel du supplément de la participation versée aux salariés !!! Une sacrée longueur d’avance pour les actionnaires
Mais ce n’est pas tout, la même opération se répétera en 2014 et ceci pour les mêmes raisons que 2012 : une trésorerie trop abondante (plus de 1,4 milliard €) et donc un nouveau dividende exceptionnel de 500 millions € qui s’ajoute au dividende ordinaire de 343 millions €.
Mais la politique sociale d’Hermès présente aussi des points positifs
96% des salariés sont sous contrat permanent en France (CDI) et à l’étranger
Les taux d’accidents du travail ont diminué de 30% en 2014 dans les ateliers de maroquinerie
Et la politique fiscale est « citoyenne », avec un taux moyen d’imposition du bénéfice de 33,2%
Enfin notons qu’un dirigeant ayant quitté le Groupe en février 2014 s’est vu octroyer une somme de 966 300 € par an pendant 4 ans, en contrepartie d’un engagement sur 10 ans de non concurrence dans le secteur de l’industrie du luxe en Europe et en Asie.
Cet ancien dirigeant va donc percevoir en moyenne un montant de 386 520 € par an pendant 10 ans. La non concurrence, c’est un métier qui rapporte !
Sources
- Comptes financiers des 9 entreprises de maroquinerie, d’Hermès Sellier et d’Hermès International
- Documents référece 2012, 2013 et 2014
Laisser un commentaire