IKEA

Sous une apparence philanthropique, des pratiques bien capitalistes (publié sept.2015)

Un groupe qui appartient à une fondation à but non lucratif, voila un projet à priori louable et désintéressé. L’objectif affiché serait d’améliorer le quotidien du plus grand nombre de personnes en offrant une vaste gamme de meubles à des prix accessibles.

IKEAMais derrière le discours de façade, la réalité paraît bien différente : la complexité de  l’organisation  pose la question du véritable but poursuivi. IKEA est structuré en trois groupes avec une myriade de filiales, des fondations et quelques implantations dans des paradis fiscaux.
En juillet 2013, dans le cadre d’une mission sur l’optimisation fiscale, des députés ont contacté la Direction d’ IKEA France qui a refusé catégoriquement d’être auditionnée à ce sujet, ce qui pourrait bien être interprété comme un aveu.

Quant aux  salariés, ils ne semblent pas bénéficier de l’ « altruisme » d’une fondation, les grèves pour revendications salariales  et les poursuites judiciaires contre le Groupe pour espionnage illicite de salariés contribuent à jeter le doute sur le caractère philanthropique.

Enfin, il suffit de mesurer l’incroyable retour sur investissement pour se convaincre du  véritable caractère d’IKEA. Un seul exemple suffit :au cours des 11 dernières années, la filiale « Meubles IKEA France », a versé, en moyenne,  un dividende annuel de 68 millions € auquel s’est ajoutée une  redevance moyenne annuelle (utilisation de la marque) de 58 millions € !!! et tout cela pour un capital investi de 8,8 millions €

L’appartenance à une fondation est présentée comme la meilleure garantie de la sécurité du Groupe, car les actions sont  incessibles  et les bénéfices sont réinvestis. L’optimisation fiscale n’est pas mentionnée, mais elle pourrait bien être un des objectifs.

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Quelle est la véritable nature d’IKEA ?

Ikea, à la poursuite de l’intérêt général ?

Ikea se présente comme une œuvre d’intérêt général car détenue par des fondations à but non lucratif (site internet IKEA)

« La fondation Stichting INGKA est propriétaire de la société INGKA Holding B.V. Elle a pour objet de détenir des actions, de réinvestir dans le groupe IKEA et de financer des œuvres de bienfaisance par le biais de la Fondation IKEA »

Outre l’aspect philanthropique, ce système permettrait aussi de garantir la sécurité du Groupe. Des actions incessibles  et des bénéfices  réinvestis assurent autonomie et indépendance financière.

Mais l’organisation se présente sous forme d’un labyrinthe inextricable  de  holdings, de fondations et de filiales domiciliées parfois dans les paradis fiscaux : intérêt général ou optimisation fiscale?

Ikea, à la poursuite de l’optimisation fiscale?

Le géant suédois IKEA et ses trois structures     ( article Pressenza)

 Groupe Ikea, marchand de meubles : une  société mère INGKA holding BV au Pays Bas, une deuxième société  mère dans chaque pays et des filiales magasins. Le groupe Ikea possède aussi quelques usines de production sous la houlette d’une Holding SWEDSPAN HOLDING B.V, implantée en Slovaquie

Groupe Inter Ikea propriétaire et franchiseur mondial du concept Ikea, en principe indépendant du premier. La société mère « Inter Ikea Centre Développement » située au Danemark appartient elle aussi  à une fondation, du nom d’Interogo, basée au Liechtenstein, paradis fiscal au cœur de l’Europe

Groupe Ikano, activité de gestion financière,  bancaire, assurance et immobilière. Il est la  propriété des trois fils du fondateur. Basé au Luxembourg, le groupe possède des filiales  dans le monde entier, en particulier en Suisse et dans le paradis fiscal de Curaçao, aux Antilles néerlandaises  .

Un fondateur, grande fortune mondiale vivant … en Suisse

Le fondateur d’Ikea, Ingvar Kamprad,  vit en Suisse,  et même s’il n’est plus officiellement propriétaire d’Ikea , il reste « conseiller principal » du conseil de surveillance de l’une des holdings du groupe. Inutile de rappeler que la Suisse est très prisée par les grandes fortunes !!

Une réponse troublante à une demande d’audition

En juillet 2013, dans le cadre d’une mission sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international, des députés ont contacté des groupes pour les interroger sur ce sujet et selon le rapport établi par la commission

« Sollicitées en ce sens, Apple et Ikea ont opposé une fin de non recevoir: sans autre forme de procès pour la première, la seconde indiquant dans un courrier au Président de la mission qu’elle ne dispose « malheureusement pas de compétence dans ce domaine très technique », ce qui apparaît soit improbable soit inquiétant pour une entreprise de cette taille. Cette attitude est bien évidemment inacceptable, et la mission la regrette vivement »

Ce refus d’être auditionné dans le cadre d’une mission officielle sur les pratiques d’optimisation fiscale, pourrait bien constituer un aveu.

Selon une étude Attac Allemagne, en 2012, le groupe Ikea, aurait payé 695 millions d’euros d’impôts sur les bénéfices, représentant  un taux d’imposition de 17,8% . Pour le groupe Inter Ikea, les impôts seraient de 58 millions d’euros, représentant un taux d’imposition de 11,6% au maximum. « Aucun chiffre n’est disponible sur les impôts payés par le groupe Ikano », précise Attac.

IKEA en France

Parcours  fléché dans le labyrinthe français

Deux structures sont rattachées au Groupe IKEA par la  Holding INGKA basée au Pays Bas

La première est « Ikea France Holding » avec ses filiales : magasin « Ikea meubles »,  stockage « Distribution Services Ikéa France »,  banque « Norrsken  Finance »  (partagée avec la BNP) ,   location de terrain, « Ikéa Développement SAS » et 15 sociétés civiles immobilières

La deuxième est IKEA Industries France, implantée à Lure (Haute Saône)) et fabriquant des panneaux de bois, propriété de  Swedspan Holding B.V basée en Slovaquie

Une autre structure est rattachée au Groupe Inter IKEA par l’intermédiaire de «  Holding Inter Ikea centre développement » située au  Danemark

La Holding  Inter Ikea Centre France SAS et ses  4 filiales Inter Ikea gèrent la marque Ikéa pour la France

Ikea meubles, principale entreprise en France

En 2014, ce sont 30 magasins répartis sur  le territoire avec un effectif de 8945 salariés

L’analyse sur les 11 dernières années fait ressortir une  croissance et une rentabilité hors normes

Des ventes  en forte progression : le chiffre d’affaires a été multiplié par 2,5, passant de 1 milliard € en 2003 à 2,5 milliards € en 2014

La redevance versée à Inter Ikea pour l’utilisation de la marque est de 3% du chiffre d’affaires et passe de 30,2 millions € en 2003 à 73 millions € en 2014

Si les résultats n’évoluent pas selon la même régularité, la donnée la plus significative est la moyenne, sur les 11 dernières années, elle a été 77 millions € , dont 68 millions € ont été distribués en dividendes à la maison mère.

Et pour quel capital investi ? Un montant de 8,8 millions € !!!

Pour 8,8 millions € investi, le groupe Ikea a perçu au cours des 11 dernières années un dividende moyen annuel de 79 millions € auquel s’ajoute un montant moyen de redevance de 58 millions €.

Un tel retour sur investissement paraît inimaginable, il est pourtant bien réel

Et si on voulait aller jusqu’au bout, on mentionnerait la mise à disposition à la maison mère de la trésorerie (argent sur le compte en banque) d’un montant de 286 millions € en 2014.

Et les salariés bénéficient ils de cette manne ?

Des recrutements :Sur les 11 dernières années, les effectifs d’IKEA sont passés de 4424 salariés en 2003 à 8945 salariés en 2014, soit 4500 salariés supplémentaires (temps complet ou partiel)

Des données salariales : Le salaire brut  moyen mensuel, temps complet et temps partiel, est passé de 1740€ en 2003 à 2331€ en 2014, ce qui représente une croissance de 2,5% par an.

Des faits sociaux

Un conflit social en 2010, avec grève, débrayage, occupation des locaux, a révélé le fort mécontentement des salariés à propos des rémunérations et du temps de travail

Une affaire d’espionnage dénoncée par  le Canard Enchainé en février 2012, a provoqué l’ouverture d’une enquête. Celle-ci a conclu que des cadres avaient passé un accord avec deux officines de sécurité pour obtenir des  renseignements sur des salariés avant embauche, des syndicalistes, voire des clients en cas de différend commercial.

Et selon le Figaro de mars 2012, cette affaire n’était pas nouvelle,

« Dernier événement en date, cet été, des salariés d’un magasin installé en Virginie, aux États-Unis, avaient dénoncé un «management digne des plantations». Et après la parution en 2010 d’un livre choc sur le groupe, qui dénonçait les méthodes de management mais également une mise sous surveillance des employés, la nouvelle affaire française risque encore de faire des vagues. »

Alors Ikea tente de faire oublier cet épisode désastreux pour son image, avec en 2014 la mise en place du programme baptisé Tack (merci en suédois) ? Chaque salarié percevra une somme de 1804 €, la moitié placée sur un plan de retraite complémentaire et l’autre moitié versée sous forme de prime. Le coût pour Ikea meuble sera de 17 millions € (site internet IKEA)

Le résultat 2013 était de 60 millions €, en dessous de la moyenne des 11 dernières années et Ikea en accorde 17 millions € pour ses salariés .Il en reste encore 43 millions € pour un capital investi de 8,8 millions €.

Mais à l’actif d’Ikéa, n’oublions pas de mentionner le sauvetage en 2010 de l’entreprise Isoroy, fabricant de panneaux de bois pour le mobilier,  implantée à Lure en Haute Saône. Le Groupe Ikea y a injecté 25 millions € et  prévoit d’ici à 2017 un investissement de 200 millions € sur le site d’Ikea Industries France (anciennement Isoroy) pour un effectif de 400 salariés.

Les comptes d’Ikea Industries France font apparaître des déficits importants : prix de transfert pratiqués lors des ventes aux autres filiales, relations financières avec la maison mère en Slovaquie ou simplement  lourdes charges d’activité ? Impossible de répondre en l’état des informations disponibles.

Le géant IKEA, ressemble plus à une pieuvre aux mille tentacules qu’à une œuvre de bienfaisance, et semble ainsi bien éloigné de l’image véhiculée par les fondateurs

Sources

  • Comptes financiers d’IKEA en France
  • Article du 4 mars 2014 de Pressenza International Press agency (www.pressenza.com/fr)
  • Rapport de l’Assemblée nationale sur l’optimisation fiscale du 10 juillet 2013
  • Articles de presse : Figaro 29/2/2012, Express Expansion du 20/3/2012
  • Site internet Ikea
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