La retraite à points

La prison comme au Japon ou le travail à vie comme en Allemagne ? (publié sept 2019)

voir la vidéo
La réforme de la retraite est présentée comme universelle, éthique et simple, or elle risque bien d’avoir de graves conséquences, sur le niveau de vie des retraités en France et de nous amener tout droit à des situations similaires à celles du Japon de l’Allemagne.

La vie des retraités au Japon

Lors d’une émission à RTL le 14/01/2019, Amandine Bégot présentait le reportage suivant :

Au Japon, des retraités choisissent la prison faute de moyens
Ce phénomène apparu il y a une dizaine d’années progresse au Japon. En cause : de nombreux retraités ont des pensions trop insuffisantes pour subvenir complètement à leurs besoins. Ils choisissent alors la prison.
La prison comme maison de retraite. Au Japon, de plus en plus de retraités n’hésitent plus à jouer les délinquants pour finir en prison. Le correspondant du journal Le Monde a rencontré un vieil homme, 78 ans, qui rend visite à son ami du m ême âge. « Ce n’est pas un vrai criminel », dit-il, « il a été arrêté pour vol à l’étalage dans une supérette mais il voulait se faire arrêter. En prison, il a chaud, il est nourri et quand il est malade, on s’occupe de lui ». L’homme conclut qu’un jour, il faudra peut-être qu’il fasse comme lui.

La vie des retraités en Allemagne

Dans le Journal LA CROIX du 30 août 2017, Gwénaëlle Deboutte signait un article dénonçant les conditions de vie des retraités les plus modestes :

En Allemagne, les retraités sont les grands oubliés des années Merkel
En dépit de la santé florissante de l’économie allemande, plus de 900 000 retraités dans le pays sont actuellement obligés de travailler pour compléter leur faible pension…………………………………………………………………………………..
En Allemagne, 11 % des retraités allemands âgés de 65 à 74 ans, soit 942 000 personnes, sont aujourd’hui obligés de travailler.Trois fois par semaine, Karl-Heinz doit se lever aux aurores. Parfois avec difficulté. À 69 ans, ce Berlinois se rend encore au travail dans une petite entreprise où il gère la comptabilité et les tâches administratives. Ses dix heures hebdomadaires lui rapportent 450 € par mois. « Cet emploi me plaît, mais les temps de transport sont longs, raconte-t-il d’une voix posée. Après une vie de travail, je pensais pouvoir me reposer, mais je n’ai pas le choix. »
Durant sa carrière de 43 ans, il a enchaîné les contrats dans l’informatique et connu une période de chômage. Résultat, Karl-Heinz perçoit une retraite de 860 €. Une fois payés son loyer de 480 €, l’électricité et sa mutuelle, il lui reste moins de 150 € pour vivre.

Les véritables objectifs

Cette réforme poursuit des objectifs purement financiers :   maintenir les dépenses au niveau actuel et assurer en permanence l’équilibre  du budget retraite, en ajustant les dépenses aux recettes (et non l’inverse)

Or le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans est prévue en augmentation, allongement de la vie et évolution démographique, et donc mathématiquement les retraites individuelles baisseront.

Les moyens utilisés : la retraite par point, la prise en compte de toutes les années d’activité et non plus des 25 meilleures années l’allongement de la durée de cotisation et la variabilité de la valeur du point.

Or ces critères pour le nouveau calcul des retraites auront pour principale conséquence, une dégradation du revenu pour les catégories les plus vulnérables.

Même le journal très patronal , Les Echos,sous la plume d’un économiste très libéral (qui  préconise depuis longtemps une baisse de la dépense publique)  dans son édition du 30 octobre 2018, fait paraître l’article suivant

La retraite par points : un désastre annoncé

La vérité au sein d’un régime paramétré rénové est infiniment préférable à la variabilité d’un régime à points qui prépare un appauvrissement spectaculaire des classes populaires à terme.

Et pour masquer cette réalité, les élus LREM doivent suivre des formations pour faire de l’enfumage auprès de la population.
Dans une émission sur Europe 1, le 5 septembre 2019, la stratégie de LREM a été ainsi dévoilée :

Comment les députés LREM sont formés pour « vendre » la réforme des retraites
À coups de brainstorming, de formations intensives et de mises à l’épreuve sur le terrain, les députés se préparent depuis un an, avec notamment la constitution d’une « task force » pour venir en aide aux députés de base, pas toujours à l’aise quand ils sont interpellés sur le sujet dans leur circonscription ou dans les médias, comme ce fut le cas pour la députée LREM Corinne Vignon sur LCP, fin juillet.

Les principales caractéristiques du système

Des inégalités aggravées

Un système identique pour tous ne prend pas en compte les profondes inégalités professionnelles en terme de pénibilité du travail, d’espérance de vie, de précarité et de niveau de revenu.

Certains emplois sont plus pénibles et dangereux, ne permettant pas de travailler jusqu’à 60 ans et souvent soumis à la précarité, à des périodes de chômage indemnisés ou non, et moins bien rémunérés.
Ces difficultés seront aggravées par l’absence  de  mesure contraignant les employeurs à maintenir les seniors dans l’emploi.
D’autres postes de travail, au contraire, peuvent être occupés jusqu’à 65 ans et plus, sont assortis de nombreuses garanties et bien mieux rémunérés.

Et accentuées par le possible recours à la capitalisation

Pour améliorer leur retraite, certains pourront avoir recours à des placements financiers dénommés retraite par capitalisation.
Mais cela  suppose de disposer de revenus suffisants  tout au long  de sa vie professionnelle  ou d’appartenir à une catégorie socioprofessionnelle favorisée dans une grande entreprise pour bénéficier de ce complément de retraite

Le développement de la capitalisation pourrait bien faire partie des objectifs majeurs de cette réforme, c’est depuis longtemps le souhait des riches donateurs du président, une nouvelle source d’enrichissement.

Une incertitude de l’avenir

La variabilité de la valeur du point introduit un élément  d’incertitude sur le montant de son revenu à  la retraite.
A l’origine,  le point vaut 10 € mais il pourra varier en fonction du contexte économique et de l’évolution démographique, cette variation servira à ajuster les dépenses aux recettes
L’équilibre financier du budget retraite sera toujours assuré par  une baisse des dépenses et non par une augmentation des recettes.

Le taux de cotisation restant identique,  les recettes sont déterminées par le niveau des salaires, par la proportion d’actifs dans la population, par le nombre de chômeurs indemnisés. Il est donc fort à parier que l’évolution économique et démographique pèseront lourdement sur les recettes et donc sur les revenus des retraités.

Cette réforme nous est présentée comme la seule solution possible pour maintenir le système des retraites par répartition. Or il est profondément malhonnête d’occulter l’immense réservoir de richesse accaparé par une poignée de grands fortunés.

Les alternatives et les réservoirs de richesse

De nombreuses sources de financement des retraites existent, il suffit pour s’en convaincre de prendre 4 exemples.

La hausse record des dividendes

« le Revenu » , le site Conseil Bourse et Placement a publié l’article suivant le 15 mars 2019

Selon des calculs de Factset recoupés par Le Revenu, les grandes sociétés de la cote française s’apprêtent à distribuer cette année plus de 50 milliards d’euros à leurs actionnaires, un record ! Découvrez en fin d’article notre tableau exclusif avec le montant des dividendes et les dates de paiement pour la (quasi)totalité des entreprises du CAC 40.

C’est un record histori­que pour le CAC 40.

La barre des 50 milliards d’euros de dividendes versés par les ténors de la cote à leurs actionnaires devrait être franchie cette année, selon les calculs de Factset et du Revenu. C’est un chiffre – estimé à 51 milliards d’euros – en augmentation de 9,7% environ par rapport à 2018. La tendance est à la hausse depuis plusieurs exercices.

Un niveau scandaleux de la fortune des 10 familles les plus riches

Le journal Le Point a publié le 3/7/2019 l’article suivant

Le pactole des dix plus grandes fortunes de France
Le magazine « Challenges » a publié son classement des 500 plus grandes fortunes françaises. Le top 10 concentre près de 350 milliards d’euros.
À elles seules, elles sont l’équivalent de près de 15 % du PIB de la France, en 2018. Les dix plus grandes fortunes de France concentrent en effet quelque 347,8 milliards de dollars en 2019, selon les chiffres dévoilés par le magazine Challenges dans le cadre de son classement des 500 plus

Il faut préciser que les dépenses de retraites constituent aussi 15% du PIB

10 familles possèdent une fortune équivalente au total des  revenus perçus par 14 millions de retraités

L’évasion fiscale en toute impunité

Chaque année, selon de nombreuses sources, l’évasion fiscale représente un coût d’environ 80  milliards €, soit un quart des dépenses de retraites!!!

Un autre partage des richesses

Depuis 1982, la part de la rémunération du  travail a perdu 9 points de PIB, ce qui se traduit par une masse de 211 milliards euros  transférée du travail au capital, soit prés de la moitié des dépenses de retraite.

On pourrait citer encore le CICE, de 20 milliards € par an (40 milliards en 2019), versé aux entreprises sans la moindre contrepartie en terme de création d’emplois…etc …

Soit on finit en prison comme au Japon ou au travail à vie comme en Allemagne, soit on refuse cette réforme !!!

Twitter Facebook PDF Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Commentaires

Dodos Gilles dit :

Bonjour,
Bien sûr que l’on refuse. Mais comment faire levier sur les décideurs, lorsque ceux-ci envoient la police à leurs bottes, pour réprimer les manifestants? Seule une Révolution sans concession pourra y parvenir. Mais ça n’est pas demain la veille que la majorité des Citoyens prendra le risque de se sortir de la léthargie ambiante et de taper dur sur le pouvoir. Trop de confort et de craintes sont les freins à cette rébellion. Trop de divergences entre les syndicats et les Citoyens de « base », comme les gilets jaunes par exemple, que les syndicats ont laissé se débrouiller, sous des excuses de soit disant pilotage par le FN. Trop de divisions de l’extrême gauche, qui a fait plus de 27% en ordre dispersé aux dernières présidentielles. Plus que chacun des autres candidats… Trop de narcissisme et d’égos dans la représentation de l’extrême gauche française.
Gilles Dodos.

Marie dit :

Grand merci pour mettre en face à face ces situations et leurs proportions chiffrées. nous avons besoin de réveiller les cerveaux endormis par nos médias principaux…aux mains des mêmes qui tiennent avec leurs fortunes, tous les rênes de nos vies…enfin, pas tout à fait: il y a des lanceurs d’alerte, des analystes, qui nous donnent les informations qui devraient nous donner l’énergie nécessaire à nous « indigner » et à nous « engager » (Stéphane Hessel), pour ne pas nous laisser nous engluer.
Cette semaine, une enfant de 5 ans demandait pourquoi on avait écrit sur le beau mur blanc d’une riche maison « ANTICAPITALISME ». Sa maman lui répond « par jalousie ». Je rectifie « par justice »…