Les réfugiés et le détournement massif de ressources
(publié Juillet/Août 2020)
Pourquoi des femmes, des hommes, des enfants quittent leur pays, en parfaite connaissance des périls encourus lors du voyage traversée de désert, prisons libyennes et naufrages en Méditerranée … ?
Sans prétendre à une analyse exhaustive de cette question particulièrement grave et épineuse, nous avons listé quelques unes des causes fondamentales (voir la vidéo).
La guerre, la répression et nos armes
Un exemple parmi tant d’autres : en 2015, au Congo, l’armée française a coopéré activement à une répression sanglante menée par le dictateur de ce pays contre des manifestants pacifiques (Billets d’Afrique- Association Survie).
Les ventes françaises d’armement : Combien et à quels pays ?
« Le bilan 2018 des prises de commande s’élève à près de 9,1 Md€ en augmentation de 30 % par rapport à 2017….
Ces excellents résultats, qui consolident la place de la France dans le top 5 des exportateurs mondiaux, traduisent aussi l’orientation européenne prise par notre politique d’exportation : la part représentée par l’Europe dépasse pour la première fois, les 25%. » (Rapport au Parlement 2019 sur les exportations d’armement de la France – Ministère des armées)
Florence PARLY, ministre de la Défense n’a donc aucun scrupule à se réjouir de l’augmentation de vente d’engins de mort. C’est glaçant !
Toujours dans ce même rapport sont listées par pays, les ventes d’armes (en millions €) sur les dix dernières années.
Dans cet inventaire, figurent des pays peu respectueux des droits de l’homme.
A titre d’exemple, (données en cumul sur 10 ans)
Maroc : 1 212 millions € , Azerbaïdjan 148 millions €, Kazakhstan 99 millions €, Ouzbékistan 248 millions €, Turkménistan (pays considéré comme le plus répressif au monde) : 42 millions €, Arabie Saoudite : 7 770 millions € (une guerre féroce au Yémen) et dans les pays d’Afrique subsaharienne : 724 millions €
L’accaparement par les multinationales des ressources naturelles
« Une rentabilité comprise entre 20 et 30 %, bien supérieure à celle observée en Amérique du Nord, note Ferid El Ketroussi. Cela indique clairement le pari positif que font les investisseurs sur l’économie africaine. »(Le Monde 8 juillet 2015 – Gains records pour les investisseurs en Afrique)
Des profits juteux grâce aux richesses naturelles, et au « très faible coût » de la main d’œuvre et à des comportements délictueux : 5 exemples.
Exemple 1 : Le pétrole du Nigéria
Depuis 60 ans, ce sont des compagnies pétrolières étrangères qui exploitent le pétrole, mais en contrepartie, elles doivent verser à l’Etat nigérian des taxes sur les revenus dégagés, alors pour gagner plus, elles trichent :
« Parmi elles, on trouve le français Total, l’italien ENI, l’américain CHEVRON, le brésilien PETROBAS et aujourd’hui, c’est l’anglo-hollandais Shell qui est entendu pour une audience à Lagos, la plus grande ville du pays …
Ces compagnies sont accusées d’avoir exporté illégalement pour plus de 17 milliards de dollars de pétrole nigérian, ce qui leur a permis de réduire les taxes qu’elles doivent à l’Etat. Le contentieux s’élève à 12.7 milliards de dollars, qui seraient bienvenus dans un budget dont le déficit est estimé à 17% du PIB selon Standard and Poors.Cette sous déclaration n’est pas une vue de l’esprit, c’est un phénomène connu, documenté même. Chaque année la CNUCED publie un rapport sur le développement et le commerce, et dans le rapport qu’elle a publié l’été dernier, le cas du pétrole nigérian est cité comme un cas d’école.
Selon l’organisme onusien, entre 1996 et 2014, il y a un décalage de 70 milliards de dollars entre les données d’exportation de pétrole nigérian, et les importations américaines. Autant d’argent qui ne vient pas alimenter les caisses de l’Etat fédéral alors que les deux tiers des 180 millions de Nigérians vivent avec moins d’un dollar par jours. La famine sur un terrain d’abondance… « (France Culture – Le billet économique- 20 octobre 2016 – Le Nigéria à la chasse au milliard du pétrole)
Exemple 2 – L’Ethiopie, des roses, de la bière et l’assèchement d’un lac
Deux grands groupes ont installé leurs usines prés du lac Abijata en Ethiopie. Le français Castel est producteur de bière et de boissons gazeuses, le néerlandais AfrifloraSher cultive des fleurs, dans la plus grande ferme de roses du monde.
Ces deux producteurs puisent gratuitement l’eau dans la rivière Bulbula qui se jette dans le lac Abijata. Celui-ci a perdu en 5 ans plus d’un kilomètre de large et son assèchement progressif menace l’agriculture locale, privant les populations de leurs moyens de survie.
« Les grands perdants : les populations rurales et l’environnement » (Le Monde Diplomatique -Avril 2019 – Un parc national ravagé au nom du développement. La rose assèche les lacs d’Ethiopie)
Exemple 3: Le groupe des vins français, un fléau pour l’Afrique
« Excès d’alcool et de sucre, multiplication des bouteilles en plastique. Ces fléaux se répandent à grande vitesse en Afrique, pour le plus grand profit de quelques acteurs-clés du marché. Grâce à ses juteuses affaires sur le continent noir, la très discrète famille Castel a pu devenir le numéro un du vin français. Cette réussite repose sur l’obsession du secret, une parfaite maîtrise des réseaux de la « Françafrique » et une fine connaissance de la géographie des paradis fiscaux » (Monde Diplomatique – Octobre 2018 – Castel, l’empire qui fait trinquer l’Afrique)
Exemple 4 : Bolloré et les paysans cambodgiens
Pour développer une plantation d’hévéas, le Groupe français Bolloré a spolié une communauté villageoise de sa terre, les paysans, expulsés sans ménagement et avec un très faible dédommagement n’avaient plus de moyens de subsistance. Pour survivre, ils ont dû accepter de travailler, dans des conditions indignes, voire proches de l’esclavage, dans la plantation d’hévéas.
Mais cette communauté a réagi courageusement :
« Des paysans cambodgiens assignent en justice en France le groupe Bolloré » (Titre de l’article paru dans Le Monde du 24 juillet 2015)
Exemple 5 – La pêche africaine menacée par les pratiques illégales
Des navires étrangers entrent illégalement dans les eaux territoriales africaines et puisent dans la mer un tel tonnage de poissons, que la vie de dizaines de milliers de pêcheurs locaux est menacée.
« L’Afrique perd des milliards à cause de pratiques illégales et obscures dans le domaine de la pêche …..
Des dizaines de milliers de pêcheurs artisanaux en Afrique ont maintenant le sentiment que leur gagne-pain est menacé. «Les familles vivent du poisson depuis des générations … nous pouvions épargner un peu pour l’éducation de nos enfants ou pour réparer nos bateaux, mais il est maintenant plus difficile de joindre les deux bouts», déclare Issa Fall, membre du Fisherman Comité au Sénégal.
Alors que les eaux de l’océan Atlantique autour de l’Afrique de l’Ouest sont l’une des zones de pêche les plus riches du monde, les revenus diminuent. Cela est dû à l’augmentation de la pêche illégale et non réglementée par les flottes commerciales d’autres pays. » (The Guardian du 8 mai 2014)
Pour la Somalie, c’est un désastre :
Selon les experts, les Somaliens pêchent 63 000 tonnes de poisson par an. Les bateaux étrangers en prennent plus de 100 000. La pêche illégale a été l’un des éléments déclencheurs de la piraterie. AFP/Mohamed Abdiwahab
Entre janvier 2019 et 24 avril 2020, ce sont 200 navires pêchant au large de la Somalie en toute illégalité. » (RFI 3 juillet 2020)
Les dérives des actions d’aide au développement
L’aide publique au développement (APD) et les entreprises françaises
Le montant de l’aide publique de la France est de 11,7 milliards € :
- Pour 35% de ce montant, ce ne sont pas des dons, mais des prêts à rembourser aggravant encore la situation d’endettement de ces pays.
- Cette aide semble bénéficier pour plus des 2/3 aux entreprises françaises, gagnantes des appels d’offre :
« Si l’objectif de l’APD doit être d’aider les pays à se développer, cette dépense conséquente représente également des opportunités pour les entreprises françaises ….L’APD s’efforce d’assurer un cadre normatif et concurrentiel permettant aux entreprises françaises d’être compétitive » (rapport parlementaire 2017, cité dans l’ouvrage « Les réfugiés sont notre avenir »)
L’aide au développement développe surtout les entreprises françaises
La NASAN, un risque accru pour l’Afrique
Créée en 2012, à l’initiative du G8, La Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition (NASAN) s’est fixée des objectifs ambitieux pour le continent africain : sortir 50 millions de personnes de la pauvreté et 22 millions de l’insécurité alimentaire.
Un rapport d’Oxfam « La Faim, Un Business comme un autre » pointe les dangers de la mise en œuvre de ce programme.
Un programme de financement des infrastructures routières très contestable
- 13% destinés à la réfection de pistes rurales, ralliant les petits producteurs aux marchés et consommateurs locaux,
- 87% destinés à la constitution d’un réseau autoroutier reliant les grandes villes au port d’Abidjan, bénéficiant donc aux grands exportateurs en réduisant leur coût de transport.
Des risques accrus d’accaparement de terre par des entreprises multinationales
Les dispositions prises dans le cadre de la NASAN incitent les entreprises multinationales à investir dans le foncier afin de développer des cultures d’exportation, au détriment des petits producteurs locaux.
La privatisation des semences , une menace pour l’avenir des agricultures familiales et paysannes
Les ressources génétiques issues de milliers d’années de pratiques de sélection paysanne sont bradées aux entreprises multinationales mettant ainsi les petits producteurs locaux sous la dépendance et la domination de ces groupes étrangers.
Les traités de libre échange
Sous le titre évocateur « Le baiser de la mort de l’Europe à l’Afrique », un article du Monde diplomatique de septembre 2014 dénonce les graves conséquences de cette ouverture des marchés pour l’Afrique, du fait des profondes inégalités de développement économique.
Il aura fallu, d’ailleurs, plus de 10 ans à l’Union Européenne pour convaincre ou contraindre un certain nombre de pays d’Afrique à signer ces conventions
Conclusion
Les ventes massives d’armement par l’Europe et les USA, l’accaparement des richesses par les multinationales privent les peuples du continent africain et asiatique du minimum de sécurité matérielle et de leurs moyens de subsistance. La fuite vers d’autres pays n’est plus que la seule issue possible pour assurer leur survie.
Laisser un commentaire