Thermador
Transparence, Citoyenneté et Compétitivité. Mais des interrogations…..(publié déc. 2015)
Thermador est un groupe presque cinquantenaire, côté en Bourse malgré sa taille réduite, exerçant une activité de distribution d’accessoires de chauffage, et développant une stratégie originale.
Les fondateurs du Groupe ont fait le choix de séparer les activités en autant de filiales différentes mais toutes localisées en France, dans la région lyonnaise, acceptant ainsi de supporter « le poids des impôts » et le « coût du travail ». Et ce, d’autant plus, que les conditions d’emploi et de rémunération des salariés sont particulièrement avantageuses.
Cependant, la compétitivité du Groupe ne souffre pas de ces « charges sociales et fiscales », au contraire, elle en bénéficie : c’est le cercle vertueux de la progression des ventes, des résultats, des investissements.
Quant aux actionnaires, ils profitent d’une hausse régulière du cours de l’action et de distribution systématique de dividendes.
Actuellement, la composition des actionnaires ne permet à aucun d’entre eux d’imposer une stratégie de court terme, les particuliers sont nombreux et représentent 38% des parts. Aucun institutionnel ne possède plus de 5% des parts.
Mais le groupe avait-il besoin de recourir à des actionnaires par le biais de la Bourse ? Au vu des données des 10 dernières années, cela pourrait paraître inutile, coûteux et risqué.
Des fonds d’investissement ne pourraient-ils pas fondre comme des rapaces sur ce bijou de rentabilité, le dépecer pour en soutirer le maximum ?
Et dans une telle hypothèse, la division du groupe en petites filiales en dessous des seuils sociaux pourrait, alors poser des problèmes au personnel.
1968 : Création de Thermador
En 1968, 5 personnes décidèrent de s’associer pour créer Thermador une société, chargée de la vente d’accessoires de chauffage pour une clientèle française de professionnels du BTP.
Au démarrage de l’ activité, il fallait acquérir des terrains suffisamment grands pour l’ implantation des bâtiments de stockage et sélectionner des fournisseurs fiables, garants de la qualité de produits.
Le terrain fut trouvé dans la région lyonnaise et les fournisseurs chez les industriels italiens réputés pour leur savoir-faire dans ce domaine. Le financement fut assuré par les associés avec un apport de capital de 300 000 F.
1968 – 2014 : La stratégie de développement
Trois axes privilégiés
– Elargissement de la gamme de produits pour s’adapter à l’évolution des technologies : chauffage par le sol, automatismes de vannes, matériel de ventilation …
– Recherche de nouveaux fournisseurs en particulier en Chine et Taiwan
– Diversification de la clientèle pour limiter la dépendance au secteur français du bâtiment : ventes aux particuliers par l’intermédiaire des grandes surfaces de bricolage, et ventes à l’export dans plusieurs pays européens.
Selon un cadre social et juridique original
Pour chaque nouvelle série de produits ou de clientèle, une société était créée et dotée d’un bâtiment de stockage, et d’une équipe de dirigeants et de salariés : la première à voir le jour fut la société Jetly en 1977 pour la distribution de pompes domestiques.
Ensuite, vinrent sept autres filiales : Steraco (1978), Dipra (1986), PbTub (1989), Sectoriel (1989), Isocel (1992), Thermador International (2006) et Axelair (2013).
Durant cette même période, deux autres filiales supports apparurent, en 1973 une société civile immobilière Thely, chargée des acquisitions de terrains et en 2002, Opaline chargée de la communication.
Et enfin pour coordonner ces filiales, fut créée en 1986 la Holding Thermador Groupe.
Les 12 entreprises du Groupe sont toutes situées à la même adresse.
Et des modalités de financement particulières
Le choix des dirigeants fut d’ouvrir le capital au grand public par l’introduction du Groupe en Bourse en 1987.
La situation en 2014
Des évolutions financières du Groupe particulièrement atypiques et…citoyennes
Entre 2005 et 2014, le chiffre d’affaires a progressé de 65%, les effectifs de 55%, la masse salariale de 70%, l’impôt sur le bénéfice de 71% et les dividendes de 63%.
Le choix de rester sur un même territoire, de ne créer aucune filiale à l’étranger pour « baisser le coût du travail » et « faire de l’optimisation fiscale » ressort clairement de ces données. De même qu’il apparait que ce choix est payant, la distribution de dividendes aux actionnaires n’est pas lésée par l’augmentation des effectifs, de la masse salariale et des impôts.
En outre rappelons que ces données s’inscrivent dans un contexte économique atone, tout particulièrement pour le secteur du BTP.
Origine de la réussite
Une réponse adaptée aux besoins des clients avec la qualité et l’étendue de la gamme des produits.
Des délais de livraison très courts et garantis : le zéro stock des clients impose de livrer en 24h/48h en France et en 6 jours maxi en Europe.
Des investissements permanents en terrain, locaux, assurant capacité de stockage, matériel.
Principal facteur de réussite : la motivation très forte des 279 personnes, salariées du Groupe en 2014
La motivation du personnel
Partage des responsabilités
« Nous sommes parfois questionnés sur la pertinence de notre organigramme qui montre que nous avons autant d’équipes de direction que de filiales. N’est-ce pas trop coûteux ? Nous pensons au contraire que l’efficacité démontrée de petites équipes spécialisées et très motivées est source de productivité » (rapport annuel 2014)
48% des effectifs sont actionnaires, ne représentant, cependant, que 4% des droits de vote
Transparence des informations fournies
Le rapport annuel est un modèle de transparence et donnent des informations très précises et détaillées sur chacune des filiales, ses ventes, ses charges et ses résultats
Au niveau des rémunérations, le rituel de l’affichage des feuilles de paie de tous les salariés est symbolique mais révélateur.
Importance des avantages sociaux
Un haut niveau de qualification : 41% cadres.
Un statut unique : exclusivement des CDI, aucun CDD et un recours à l’intérim utilisé seulement pour compenser les absences.
Une attractivité de la rémunération
– Une part fixe avec des salaires relativement élevés et des écarts relativement faibles: une moyenne annuelle de 55 000 € en 2014 , un minimum de 24 000 € et un maximum de 269 000 € (salaires annuels pour 12 mois de présence)
– Une part flexible, liée au partage des bénéfices par le biais de l’intéressement et de la participation : une moyenne de 20% du salaire brut en 2014 , avec des variations de 6% à 25%, selon les filiales.
Structure de l’actionnariat et pouvoir de décision
Dés la création de Thermador, le besoin de financement s’est révélé crucial du fait de l’importance des investissements à réaliser en terrain, en locaux, et en constitution de stock. La mise de départ dut se révéler insuffisante et les dirigeants augmentèrent le capital (apport de nouveaux actionnaires et/ou intégration des bénéfices) : entre 1968 et 1986, le capital du Groupe était passé de 0,3 million F à 66 millions F (soit 10 millions €)
Pour disposer de nouveaux capitaux, les dirigeants décidèrent d’introduire le Groupe en Bourse : entre 1987 et 2014, le capital est passé de 10 millions € à 38,6 millions €.
Or pour attirer les actionnaires, 2 méthodes sont généralement utilisées progression du cours de l’action ou distribution de dividendes, la combinaison des deux est plutôt difficile à réaliser et pourtant Thermador réussit cet exploit.
Depuis 2005, le cours de l’action a été multiplié par deux et le montant des dividendes n’a cessé de progresser pour atteindre 13 millions € en 2011, 2012, 2013 et 2014, représentant une rémunération annuelle de 33% du capital.
Dans le journal » Investir-journal des finances » du 21 novembre 2015, on peut lire ce conseil :
« Acheter : la gestion sérieuse, la bonne gouvernance et les perspectives souriantes font de Thermador une de nos valeurs favorites »
La structure actuelle de l’actionnariat semble limiter considérablement leur pouvoir de décision, car les individuels sont au nombre de 6 336 et représentent 38% du capital.
Les dirigeants actuels de Thermador possèdent 16,6% et les salariés 4,5%. Les investisseurs institutionnels se partagent les 40% restants, aucun ne dépassant 5%.
Des interrogations critiques
Ne disposant d’informations financières que sur les 10 dernières années, nous nous limiterons à de simples questions sur la stratégie du groupe.
Un recours aux actionnaires extérieurs inutile, coûteux et risqué ?
Inutile ?
Les résultats dégagés les 10 dernières années sont, en cumul, de 188 millions € soit une moyenne annuelle de 18,8 millions € .
Le capital versé par les actionnaires est de 39 millions €
Il aurait donc suffi de « capitaliser » 2 années de résultats pour se passer des actionnaires extérieurs.
Coûteux ?
Toujours pendant ces 10 dernières années, les dividendes distribués aux actionnaires sont en cumul de 114 millions €, représentant 3 fois leur apport en capital.
Risqué ?
Le versement de 60% du résultat aux actionnaires a réduit la marge de manœuvre financière du Groupe.
Un fonds d’investissement « requin » pourrait racheter une majorité d’actions en proposant aux actionnaires un prix attractif. Et le Groupe pourrait, alors se voir imposer une stratégie peu conforme à ses intérêts.
Des conséquences sociales de la division en 12 filiales ?
Le dialogue social
Les instances représentatives du personnel sont quasi inexistantes, 6 délégués du personnel et apparemment pas de comité d’entreprise alors que le Groupe atteint un effectif de 279 personnes et qu’une filiale, Jetly, dépasse le seuil des 50 salariés.
Les réunions directes avec les salariés constituent le mode privilégié du dialogue, ce qui pourrait peser, un jour, sur les conditions de négociation.
Selon la législation un comité d’entreprise aurait pu être institué non seulement pour Jetly mais aussi pour l’ensemble du Groupe, avec la reconnaissance d’une unité économique et sociale.
Le versement de la participation sur les résultats
Seuls les 53 salariés de Jetly perçoivent une participation sur les bénéfices (un montant moyen de 9000€ en 2014).Dans les autres filiales, malgré des résultats élevés, aucune participation n’est versée, l’effectif étant sous le seuil de 50 salariés et même parfois juste en dessous comme Sferaco (49 salariés).
Un accord de participation au niveau du Groupe pourrait en faire bénéficier l’ensemble des salariés.
Ces quelques questions ne doivent pas faire oublier que le Groupe Thermador fait la démonstration qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre compétitivité, rémunération du travail et contribution aux charges de la collectivité, bien au contraire!!
Sources
Rapport annuel d’activité 2014
Article : Investir-journal des finances » du 21 novembre 2015
Comptes financiers des filiales
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