CARREFOUR 2015

Envol des rémunérations des dirigeants et recul des salaires des employés (publié juillet 2016)

Carrefour_02Depuis sa désignation comme PDG du Groupe en avril 2012,  G. PLASSAT a bénéficié de grandes largesses : sa rémunération a doublé, passant de 3,4 millions € (en année pleine 2012)  à 7,1 millions € en 2015. (voir notre vidéo)
Dans  la Holding, la rémunération moyenne des six autres cadres est de 2,3 millions € en 2015, en hausse d’environ 20% par rapport à 2012.
Les actionnaires ont été aussi bien servis avec une augmentation de 26% du montant des dividendes distribués entre  2012 et 2015, malgré la baisse du résultat en 2015.
Les membres du Conseil d’administration n’ont pas été oubliés, le montant total des jetons de présence est en progression de 14% sur les 4 dernières années, avec un minima de 35 000 € en 2015, versé même en cas de non participation aux réunions.

A l’inverse, pour les 375 529 salariés (89% employés),  la rémunération moyenne n’évolue que de 2,3% sur 4 ans, ce qui représente, en fait, un recul de 1% hors inflation.

Devant de tels écarts potentiellement générateurs de mouvements sociaux, les dirigeants s’emploient à  masquer la véritable origine des résultats pour convaincre les salariés de l’insuffisance de leur rentabilité.
Il ne faut pas être grand magicien pour opérer cet enfumage, mais savoir tout simplement pratiquer à grande échelle le transfert de marge.

Par exemple, en France, la société « Carrefour Hypermarché », avec ses 61 613 salariés, présente un déficit d’exploitation, alors que d’autres filiales lui facturant, certainement à prix élevés, des prestations de service (locations de terrain, redevance d’utilisation de la marque Carrefour, services administratifs, de management …) sont  largement bénéficiaires.

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Deuxième distributeur mondial et premier en Europe, Carrefour  a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires de 77 milliards d’euros dans ses 12 300 magasins répartis dans 10 pays accueillant 13 millions de clients par an (pour plus de détails, se reporter à notre article 2014).

Stagnation  des ventes, hausse de la rentabilité d’exploitation

Définitions

La rentabilité d’exploitation est le résultat dégagé directement par l’activité de distribution, après déduction des achats de marchandises, des frais de personnel,  des prestations de services, (location, publicité, honoraires .. ) et des amortissements « usure  comptable » des bâtiments et matériel.

La rentabilité nette globale est obtenue après déduction de charges non courantes ( ?) de charges financières (intérêts des emprunts) de charges exceptionnelles et de l’impôt sur le bénéfice.

Pour l’ensemble du Groupe

En 2015, le chiffre d’affaires est  de 77 milliards € , stable (+1,7%)  par rapport à 2012, le résultat opérationnel courant est de 2,4 milliards €, en  progression  de 15,1%, et le résultat net est de 1,1 milliard € , en  baisse de 16,3%.

Comme pour la France

Sur la période 2012/2015, la hausse du chiffre d’affaires est de 2,6%, celle du résultat opérationnel courant (rentabilité d’exploitation)  de 29,2%, aucune indication pour le résultat net dégagé en France.
L’explication donnée dans le document de référence 2015 sur cette très bonne performance de la rentabilité d’exploitation en France est la suivante :

●une amélioration de la marge commerciale sous l’effet du rééquilibrage prix de fond de rayon, promotions, fidélité et des gains logistiques ;
●une bonne maîtrise des coûts d’exploitation.

Les « coûts d’exploitation » désignent, en fait, la rémunération du travail et  la « bonne maitrise » l’efficacité de la pression sur les salaires

Grâce à une forte pression sur les frais de personnel

Entre 2012 et 2015, l’évolution de la moyenne des salaires est  de 2,3%  pour l’ensemble du groupe (seule information disponible), ce qui représente, hors inflation, un recul de 1% : aucun doute sur l’efficacité de la politique salariale du groupe.

Malgré les beaux discours

Sur les recrutements citoyens

« Carrefour en France a été récompensé pour ses « recrutements citoyens » par les Trophées de l’emploi en région Rhône-Alpes. Ce trophée reconnaît la politique de recrutement et le partenariat historique avec Pôle Emploi » (document référence 2015)

Et  sur les actions de mécénat

« Créée en 2000, la Fondation d’entreprise Carrefour conduit des programmes de mécénat en lien avec le métier de distributeur, dans les pays où Carrefour est implanté. Elle est dotée d’un budget de 7,75 millions d’euros en 2015, ce qui lui a permis de financer 71 programmes dans 15 pays d’intervention …» (document référence 2015)

Permettant l’envol des rémunérations des dirigeants

A commencer par celle du PDG

Pour son « excellente performance », les revenus de G PLASSAT ont été multipliés par deux, en 4 ans
2,6 millions € sur 9 mois en 2012 (soit 3,4 millions €, annuel)
3,8 millions € en 2013 et 2014
7,1 millions € en 2015

Une rémunération de mandataire social

Une partie fixe : 1,5 million € (identique à 2014)
Une partie variable liée à l’atteinte des objectifs : 2,25 millions € (identique à 2014)
Nouveauté de 2015 : Mise en œuvre d’un plan de rémunération à long terme pour un montant de 3,252 millions €

« Lors de sa séance du 9 mars 2016, le Conseil d’administration, sur proposition du Comité des Rémunérations, a constaté que les conditions du plan de rémunération à long terme ont été remplies au titre des exercices 2014/2015 et a ainsi fixé à 3 252 000 euros bruts le montant dû à ce titre qui sera versé en 2017 »

En page 110 du document de référence 2015, la somme de 3 252 000 € est bien comptabilisée dans le montant de la rémunération due au titre de l’année 2015.

Des jetons de présence

Pour participation au Conseil d’Administration : 51 666,66 € en 2015

Des avantages en nature

Véhicule de fonction avec chauffeur : valeur annuelle estimée à 3 976 € !

L’institution d’une indemnité de départ conséquente

Un motif bien vague

« …………  cette indemnité de départ est justifié(e) au regard des performances exceptionnelles réalisées par le Président-Directeur Général »

Un montant  élevé  fixé à  une année de salaire fixe et variable (soit environ 3,8 millions €)

Des conditions d’attribution contestables

Le Conseil d’Administration a décidé que  l’indemnité serait due au dirigeant lors de son départ de Carrefour, quel qu’en soit le motif, à la seule exception de la révocation pour faute grave.

Non conformes aux recommandations du code AFEP- MEDEF

«  Le versement d’indemnités de départ à un dirigeant mandataire social doit être exclu s’il quitte à son initiative la société pour exercer de nouvelles fonctions, ou change de fonctions à l’intérieur d’un groupe, ou encore s’il a la possibilité de faire valoir à brève échéance ses droits à la retraite» (code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées -AFEP-MEDEF)

Or, à l’expiration de son mandat en 2017, à 68 ans, le départ de G PLASSAT pourrait bien être celui de la retraite, ce qui, selon le code, ne devrait pas donner lieu  au  versement d’indemnité de départ.

Des justifications peu convaincantes

Pour tenter d’expliquer cette décision, le conseil d’administration indique que cette indemnité est liée non pas au départ lui-même mais à l’engagement de non concurrence pendant 18 mois. A la retraite, cette obligation ne devrait pas être trop contraignante !!!

Puis celles des cadres de la holding Carrefour

Pour les six autres cadres  de la holding Carrefour, la moyenne des rémunérations brutes en 2015 est de 2,3 millions €, en progression d’environ 20% sur 4 ans.

Ensuite les dividendes des actionnaires

Le montant des dividendes prélevés sur le bénéfice 2015 est de 519 millions €, en hausse de 26% depuis 2012 alors que le résultat net a diminué de 16%

Et enfin les jetons de présence pour les membres du Conseil d’administration

Un montant en progression régulière

Le montant  des jetons de présence versés aux administrateurs est en 2015 de 844 000 € en hausse de 14% par rapport à 2012.
Et  pour 2016, le montant total des jetons devrait augmenter de 34%  pour atteindre 1 135000 € .

Versés  aux administrateurs présents ou absents aux séances du Conseil d’Administration

Seize administrateurs perçoivent des jetons de présence et parmi eux, Thierry Breton, Bernard Arnault …,pour des sommes variant entre 37 222 € et 104 000 €, avec comme principe de base :

« les 45 000 euros liés à l’appartenance au Conseil d’administration seront composés d’une part fixe de 35 000 euros et d’une part variable de 10 000 euros, fonction de l’assiduité du membre du Conseil d’administration aux séances de celui-ci. » (document de référence 2015)

On peut donc en déduire que la part fixe de 35 000 € est perçue par tous les administrateurs participant ou non aux séances du Conseil d’Administration.
Un administrateur peut , sans jamais consacrer une heure de présence, percevoir 2 fois la paye d’une employée qui travaille 1 600 h, le dimanche, le soir, les jours fériés.
Ainsi Bernard ARNAULT,  a perçu des jetons de présence pour un montant de 37 222 € , ce qui semble indiquer une très faible participation aux conseils d’administrations mais qui lui a permis de financer  « le don » à Serge et Jocelyne KLUR de « Merci patron » !!!!

Et pour les employés, faiblesse et stagnation

La rémunération moyenne des 375 529 salariés est de 21 860 € en 2015, soit une hausse de 2,3% par rapport à 2012 , et compte tenu du taux d’inflation de 3,4% cumulé pour la période, il s’agit d’une baisse de 1% e la moyenne des salaires.
Voila ce qui est dénommé « performance exceptionnelle » de G PLASSAT, une baisse de 1% des salaires des employés qui justifie son augmentation de 200% et l’institution d’une prime de départ à la retraite.

De profondes inégalités noyées dans une organisation opaque

Dans notre article 2014, nous avons longuement détaillé le montage réalisé pour masquer les bénéfices aux yeux des employés.
Le principe est le suivant : une multitude de filiales satellites, avec ou sans salariés, facture des prestations de services en tout genre (locations de terrain, redevance d’utilisation de la marque Carrefour, services administratifs, de management …)  aux filiales qui assurent la grande distribution..

Par exemple, en France, la société « Carrefour Hypermarché »,  avec ses 61 613 salariés, présente un déficit d’exploitation de 4,3 millions € en 2014, alors que la société  « Carrefour Property », avec zéro salarié dégage un bénéfice d’exploitation de 69 millions €, en facturant la redevance d’usage de la marque Carrefour.

Avec cette pratique décomplexée du transfert de marge, le discours idéologique fonctionne à plein régime : pas d’augmentation de salaire dans une entreprise déficitaire !

Sources

Comptes financiers des filiales de Carrefour
Documents de référence 2012 à 2015
Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées -AFEP-MEDEF

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