CGI – ex Logica – ex Unilog
De la petite Start Up dynamique française au lourd Mastodonte canadien (publié fév. 2016)
Unilog, une petite Start Up française créée en 1968 dans le secteur de l’informatique se développera pendant une trentaine d’années en totale indépendance.
En 2004, un groupe anglo-néerlandais Logica fera une offre publique d’achat si alléchante pour les actionnaires que ceux-ci s’empresseront de l’accepter. La nouvelle vie d’Unilog, alors dénommée Logica France sera courte (2004/2012) et manquera singulièrement de transparence, mais les conditions de sa revente en 2012 à un mastodonte de l’informatique, le groupe canadien CGI Inc, indiquent que l’entreprise était restée attractive.
En 2014, l’activité de CGI France semble stagner et les résultats, bien que largement positifs (déficit 2012 très exceptionnel) ne paraissent pas répondre aux exigences des actionnaires, qui prendront, alors, des mesures d’économies sur le personnel.
Mais CGI Inc est un groupe mondialisé et les données financières d’une seule entreprise sont rarement fidèles à la réalité.
Le volume important de transactions, vente et achat, effectué par CGI France avec des filiales étrangères du Groupe pourrait bien servir à un transfert de chiffre d’affaires et de marge de la France vers des pays à fiscalité plus avantageuse, par le biais d’une politique habile de prix intragroupe.
L’amélioration du taux de marge du Groupe, atteignant 10% des ventes en 2015, révèle la bonne santé du Groupe, la destruction volontaire de 216 millions € (rachat d’actions pour annulation) révèle la priorité donnée à l’actionnaire sur l’intérêt général du Groupe.
Le Crédit Impôt Compétitivité Emploi est, en 2014, d’un montant de 10 millions €, comparable au coût du programme de réduction des effectifs (11 millions €). De là à dire que le CICE permet de financer les départs des salariés ….
Toutes les données sont exprimées en euros, après conversion des dollars canadiens
Lire l'article complet1968/2004 : Naissance et vie d’Unilog
1968 : Création de la société Informatique et Entreprise par 4 associés pour des prestations en informatique et les métiers de la technologie de l’information.
1968-1982 : Développement par acquisition d’entreprises et changement de dénomination, Unilog devient la nouvelle entité regroupant l’ensemble des filiales.
1999 : Cotation en Bourse.
2004 : Une taille, une rentabilité et une clientèle très attractive.
Un montant des ventes de 657 millions €, dont 80% réalisé en France avec une clientèle de grands comptes: EDF, GDF, Renault, France Télécom ou Total.
Un résultat net de 34 millions € pour un capital de 25 millions €, ce qui représente une rentabilité de 136%!!!
Un effectif de 7 438 salariés essentiellement cadres et ingénieurs.
2004-2005 : Intégration d’Unilog au groupe Logica.
Pour acquérir Unilog et pénétrer le marché français, le groupe anglo-néerlandais Logica proposera un montant de 938 millions €, soit l’équivalent d’un an et demi du chiffre d’affaires 2004 et de trente années du résultat 2004.
L’offre est très alléchante pour les actionnaires et la transaction s’effectuera en offre publique d’achat (OPA) amicale.
Au moment du rachat, le groupe Logica avait un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros, dégageait un bénéfice de 100 millions d’euros, employait 21.000 salariés, dont 1600 en France, dans l’activité de prestations informatiques.
Cependant comme tout groupe, Logica se devait de rentabiliser sa mise de fonds de 938 millions €.
Rappelons que lors du rachat d’une entreprise par une autre, le montant est versé aux actionnaires précédents et non dans l’entreprise, ce qui signifie que l’entreprise achetée doit rentabiliser un capital ( la plus value) qu’elle n’a pas reçu !!
2005-2012 : La courte et peu lisible vie de Logica IT France
La valse des dénominations, Logica CMG, Logica IT, la non publication des comptes à partir de 2010, l’absence d’archives accessibles rendent difficiles l’analyse financière sur cette période, soumise à des réorganisations permanentes et à des rumeurs alarmistes.
Seule analyse possible : dernier rapport d’activité de 2009.
Un chiffre d’affaires de 738 millions €, un résultat net comptable de 29 millions € des dividendes versés de 25 millions €, des effectifs de 7 158 salariés.
Comparé aux données financières d’Unilog en 2004, de curieuses similitudes.
Si le montant des ventes est supérieur de 12%, cela ne représente qu’une augmentation moyenne annuelle de 2,3%, le résultat est plus faible, 29 millions € et le nombre de salariés est inférieur : en 2004, la nouvelle entité Logica France comptait 9000 salariés, 7 438 d’Unilog et 1600 de Logica France.
Pour les actionnaires du Groupe, la rentabilité apparente de Logica France semble insuffisante, mais l’est-elle vraiment ?
Logica France fait partie d’un groupe mondial avec des filiales dans le monde entier et une maison mère en Grande Bretagne, et sa marge a pu être délocalisée par le biais de facturations en tout genre.
En 2012, le groupe Logica reste attractif, puisque sa vente s’effectuera dans de bonnes conditions.
20 aout 2012 : Intégration de Logica dans CGI Inc
Le groupe canadien CGI mettra 2,1 milliards € pour racheter le groupe Logica, prendra en charge sa dette d’un montant de 581 millions €.
En outre, afin de formater Logica aux normes CGI, le groupe investira une somme de 370 millions €.
Avec l’acquisition de Logica, ce groupe canadien devient la 11ème Société mondiale de service informatique avec plus de 65 000 salariés dans le monde
Données financières CGI France en 2014
Avec un chiffre d’affaires de 780 millions €, l’activité de CGI France se situe au même niveau que celles de Logica France 2009 et d’Unilog 2004.
Avec un résultat de 45 millions €, la rentabilité est plus élevée que celles de Logica France 2009 et d’Unilog 2004.
Mais, pour le Groupe CGI INC, le coût du rachat de Logica doit être rentabilisé à un niveau bien supérieur. (voir notre rappel définition ci-dessus)
Programme de réduction des frais de personnel
Dans le rapport annuel 2014, il est indiqué que l’intégration de Logica France au groupe canadien a entrainé
« des redondances sur certains postes et en conséquence des départs de salariés »,
soit un coût de 22 millions € pour le seul exercice 2013/2014.
De nouveaux départs de salariés sont « annoncés » pour l’exercice 2014/2015 et la somme provisionnée pour les financer est de 11 millions €.
Ironie des chiffres, le crédit impôt compétitivité emploi (CICE) a été de 10 millions € en 2014 : rappelons que ce crédit a été institué par le gouvernement français en 2013 pour permettre aux entreprises de recruter, chez CGI France, il « sert » au financement des départs de salariés !!!
D’autres économies sont réalisées sur le personnel : sur les sites syndicaux, CFE CGC et CGT, sont dénoncées les nouvelles règles de remboursement de frais de déplacement plus défavorables aux salariés.
Mais la France n’est pas la seule concernée, les autres filiales sont soumises au même régime, comme indiqué dans le rapport annuel 2015 du Groupe.
« la Société a annoncé qu’elle assumera une charge avant impôts d’environ 60,0 millions $ au cours du quatrième trimestre de 2015 et du premier trimestre de 2016, afin de favoriser la réalisation des avantages tirés des mesures d’amélioration de la productivité et autres mesures de réduction des coûts.»
La « réduction des coûts » dans une activité de service informatique concerne essentiellement le personnel.
Cependant, avant toute conclusion, il faut se poser la question de la fiabilité des données financières d’une entreprise intégrée à un groupe mondialisé : les transactions entre filiales, à prix de transfert, peuvent modifier, de manière significative,les données d’une seule entreprise.
Et il semble bien que GCI INC n’échappe pas à la règle commune.
Un transfert de marge de la France vers d’autres pays : 4 bonnes raisons de le supposer.
Première raison : Le positionnement de CGI France dans le Groupe
Au dessus de CGI France : 4 maisons mères !!! En Grande Bretagne et au Canada
En dessous de CGI France : 4 filiales au Liban, en Allemagne et en Suisse
Deuxième raison : Le niveau élevé des transactions avec les filiales étrangères
CGI France vend ses prestations à plus d’une vingtaine de filiales étrangères situées au Canada, Luxembourg, Suisse, Australie, Philippines…. .Si l’information donnée est très incomplète (volontairement ?) et ne permet pas de déterminer avec certitude la part exacte du chiffre d’affaires réalisé en intragroupe, on peut cependant l’estimer à 30% du total des ventes.
De même CGI France achète des prestations de paie, administratives et autres …à une vingtaine d’autres filiales étrangères, situées au Maroc, Danemark, Portugal, Belgique …
Si l’information donnée est, là aussi, très incomplète et ne permet pas de déterminer avec certitude la part exacte des achats effectués en intragroupe, on peut cependant l’estimer à 65% du total des achats.
Ces échanges sont effectués selon des prix intragroupe pouvant être utilisés pour transférer chiffre d’affaires et marge vers d’autres pays à fiscalité plus avantageuse.
Troisième Raison : la bonne santé du Groupe
Pour 2015, le chiffre d’affaires du Groupe est de 7,3 milliards €, certes en léger recul (- 2%) par rapport à l’exercice précédent, mais une baisse considérée comme justifiée :
« La variation des revenus s’explique par l’expiration de certains contrats dans les services d’infrastructure, particulièrement au Canada … » (rapport annuel Groupe CGI INC 2015)
Le bénéfice net du Groupe , après impôts, est de 713 millions d’euros, représentant 10 % du chiffre d’affaires (bonne performance), le bénéfice net précédent était de 610 millions € représentant 8,2% du chiffre d’affaires.
Et cette amélioration du résultat a été totalement « gaspillée » : CGI Inc a racheté ses propres actions pour un montant de 216 millions d’euros, POUR LES DETRUIRE, à seule fin de faire monter le cours de Bourse et le bénéfice par action !!!
Quatrième raison : la poursuite de l’optimisation fiscale
En 2015, le taux moyen d’imposition de 26% (33% en France) est présenté comme un indicateur à suivre pour le Groupe.
En outre, l’information suivante est, plusieurs fois, répétée dans le rapport de référence : à quelles fins ?
« Le 8 juillet 2015, la loi du Royaume-Uni sur la finance 2015-16 a été publiée et a été quasi adoptée le 26 octobre 2015. Cette loi prévoit une baisse du taux d’imposition des sociétés au Royaume-Uni, qui passera de 20 % à 19 % à partir du 1er avril 2017, et de 19 % à 18 % à partir du 1er avril 2020 ».
En conclusion, CGI France (ex Logica France, ex Unilog) est une entreprise toujours très largement bénéficiaire. Mais face aux deux rachats et plus values conséquentes versées aux actionnaires précédents, l’entreprise ne peut plus répondre aux nouvelles exigences de rentabilité. Alors pour mieux faire avaliser les mesures d’austérité par le personnel, les transferts entre filiales peuvent servir d’outils pour masquer la véritable richesse créée.
Sources
Comptes annuels CGI France 2014
Comptes financiers CGI France 2012 à 2014
Comptes annuels Groupe CGI INC 2014 et 2015
Comptes annuels Logica 2009
Sites internet CGI CFE CGC, CGI CGT
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