La Compagnie Des Alpes (CDA) 2015
Délégation de service public, privatisation des bénéfices et avenir prometteur pour les actionnaires (modifié déc. 2016)
Premiers résultats 2015/2016
Sous le titre « Des efforts de gestion récompensés », le journal « Investir » du 17 décembre 2016, conseille l’achat des actions de la CDA.
Activité et rentabilité en hausse malgré le manque d’enneigement
« Dans les domaines skiables, les facturations ont grimpé de 3,9% et le taux d’excédent brut opérationnel (EBO) s’est établi à 35,8%, dépassant avec un an d’avance le cap des 35% anticipé par la Direction. » (Investir 17 décembre 2016)
En langage décodé, cela signifie que la pression exercée sur les salaires a été plus forte que prévue.
Un partenariat avec FOSUN, source potentielle d’augmentation de dividendes
« Enfin Dominique Marcel, le PDG a confirmé que des discussions étaient en cours avec le Chinois Fosun pour un partenariat»(Investir 17 décembre 2016)
En conclusion
« ACHETER Nous étions restés dubitatifs sur les capacités du Groupe à relever la rentabilité. Les progrés réalisés nous incitent à repasser à l’achat même si, à 0,40 €, le dividende est resté stable d’une année sur l’autre, alors qu’il aurait pu progresser. Le futur partenariat qui semble se dessiner avec Fosun serait aussi favorable » (Investir 17 décembre 2016)
En langage décodé, cela signifie que FOSUN exigera des dividendes plus élevés, ce qui bénéficiera à l’ensemble des actionnaires. Même Hervé Gaymard le reconnaît :
« ……L’exploitation des domaines skiables n’est pas une activité comme les autres, il s’agit de délégation de service public. On a fait une bêtise en laissant la CDA se coter en Bourse. Si demain, les Chinois entrent dans le capital, leurs exigences en dividendes va induire un sous investissement dans nos stations.. » (Interview d’Hervé Gaymard dans le Dauphiné Libéré du 20/6/2016)
Si l’avenir parait prometteur pour les actionnaires, il le sera moins beaucoup moins pour les communes et les salariés !!!
Notre Synthèse publiée avril 2016
La CDA a été créée en 1989 par des capitaux publics, pour assurer l’exploitation de remontées mécaniques, sous délégation de service public.
Cependant, dés son origine, la CDA privilégiera la recherche du profit à celle du service public : choix de stations à forte rentabilité, introduction en Bourse en 1994 et diversification dans les parcs de loisirs à partir de 2002.
Avec la privatisation en 2004, la poursuite de la diversification s’effectuera en deux étapes.
De 2005 à 2010, l’objectif de la CDA sera de devenir un acteur incontournable des parcs de loisirs en Europe, et les acquisitions de parcs se succéderont les unes derrière les autres. Mais les résultats se feront attendre et l’endettement, atteindra un niveau élevé.
A partir de 2011, un virage sera pris avec le désengagement de l’activité parcs de loisirs et le lancement d’une nouvelle stratégie de développement à l’international en Russie, en Chine, en Corée….. Mais à nouveau, les résultats ne sont guère encourageants.
L’activité d’exploitation des remontées mécaniques progressera durant toute la décennie avec des investissements matériels et l’acquisition de deux stations. Les résultats seront, pour l’ensemble des 11 stations toujours très largement positifs. Si une part de ces bénéfices est réinvestie dans les stations, une autre part, la plus importante, servira à compenser les déficits des autres activités et à verser des dividendes aux actionnaires.
Les retombées économiques et sociales au niveau local de ces délégations de service public paraissent donc bien insuffisantes eu égard aux résultats dégagés.
En ces temps de diminution des budgets des collectivités, ces bénéfices pourraient bien être affectés à l’activité économique et sociale des communes. Est-ce prévu dans la refonte de la loi Montagne ?
L’avènement du tourisme de montagne
L’exode rural et les stations de ski
Dans les années 50, l’accélération de l’exode rural dans les montagnes conduira l’État à prendre des mesures pour enrayer ce phénomène : ce sera l’aménagement de stations de ski, avec Courchevel, puis Chamrousse, Tignes, la Plagne …avec une gestion le plus souvent déléguée à des opérateurs privés.
A la fin des années 70, la question environnementale ainsi que celle des retombées économiques incitera l’État à encadrer plus strictement l’activité de loisirs en montagne.
Un cadre juridique : la loi montagne 1985
La loi montagne en 1985 élargira les compétences des communes en matière de développement touristique (articles 42 et 46 et 47)
« Le service des remontées mécaniques est organisé par les communes sur le territoire desquels elles sont situées ….L’exécution du service est assuré soit en Régie directe, soit en régie par une personne publique sous forme de service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l’autorité compétente »
La création de la Compagnie des Alpes
En 1989, la Caisse des Dépôts, groupe financier public, décidera de s’investir dans l’exploitation des remontées mécaniques et créera une filiale spécialisée : la Compagnie Des Alpes.
Mais, bien que publique, cette filiale n’aura pour seul objectif, que la rentabilité financière :
– Choix des site les plus rentables , en haute altitude, disposant de vastes domaines skiables.
– Introduction en Bourse, en 1994 , ouvrant le capital au privé.
– Diversification en 2002 dans les parcs de loisirs, bien éloignée de l’objectif initial.
Ainsi la Compagnie des Alpes sera « mûre » quand déferlera la vague des privatisations dans les années 2000.
La privatisation de la Compagnie des Alpes
En 2004, la Caisse des Dépôts cédera une partie de ses actions à 3 banques : le Crédit Agricole des Savoie, les Caisses d’épargne et la Banque populaire, et ne détiendra plus que 39,61%, conservant, cependant la minorité de blocage (33,33%).
2005/2010 : de nombreuses acquisitions de Parcs et un endettement préoccupant
L’importance des investissements dans les domaines skiables aura une double finalité, la poursuite de la rentabilité financière et le maintien de la gestion en DSP, les communes étant mises dans l’incapacité de financer la reprise des équipements et de revenir ainsi à une gestion directe.
Les acquisitions de parcs de loisirs en France et en Europe se multiplieront avec pour seul fondement la diversification de l’activité du fait de leur saisonnalité .
Cependant cette stratégie aura comme conséquence un endettement , aggravé, de surcroit par des résultats très mitigés des parcs de loisirs .
2011/2015 : Nouvelles orientations et développement international
Une activité » Parcs de loisirs » rentabilisée et relookée
Les mesures prises
– Cession de 11 parcs en 2011 et 2015 et acquisition du Futuroscope en 2011.
– Nouvelle gouvernance dans les parcs conservés :
Amélioration des recettes à partir d’objectifs liés au concept « très grande satisfaction pour le client »
Baisse des dépenses avec la « politique de maitrise des coûts d’exploitation », concernant « achats et charges externes, des impôts et taxes et des frais de personnel »
– Nouvel organigramme : « Destinations loisirs » sera centrée sur les parcs de plein air et le musée Grévin de Paris.
Première conséquence sur la rentabilité
Pour l’ensemble de l’activité : les résultats, très déficitaires en 2012/2013, deviendront bénéficiaires en 2014/2015.
Avec un chiffre d’affaires de 295 millions €, un effectif de 2447 salariés (équivalent temps plein), le résultat net sera de 17 millions € (après refacturation de prestations par la holding et les sociétés supports).
Ces évolutions proviennent de la sortie des parcs déficitaires mais aussi d’une amélioration spectaculaire des résultats des parcs restants.
Deuxième Conséquence sur le désendettement du groupe
Les recettes issues des cessions de parcs, additionnées à une augmentation du capital et à une restructuration de la dette sortiront le Groupe de la situation préoccupante de l’endettement.
Une activité « Domaines skiables » soutenue et très lucrative
Investissement dans l’hébergement de station
L’offre de location saisonnière est une condition essentielle de la fréquentation des stations.
Pour améliorer cette offre , la « Foncière rénovation montagne », sera créée en 2013 avec pour « vocation de rénover en trois ans 500 hébergements (≈ 2 500 lits) et de les commercialiser auprès des skieurs ».
Des stations de renommée mondiale gérées en DSP
En 2015, la CDA gère 11 des 13 stations de ski les plus importantes en France par l’intermédiaire d’une maison mère dédiée : CDA Domaine skiable.
Val d’Isère, Tignes, Serre Chevalier, Flaine, les 2 Alpes, Méribel, Les Menuires, Samoéns (Morillon et Sixt), la Plagne, les Arcs et Peisey Vallandry.
En outre, la CDA possède des participations dans 4 autres sites en France : Chamonix, Avoriaz, La Rosière, Valmorel
Les données financières sur 10 ans : une forte rentabilité
L’analyse porte sur les 11 stations actuelles, même si certaines (2Alpes, Serre Chevallier) n’ont pas appartenu à la CDA durant toute la période.
Montant des résultats
Les résultats cumulés des 11 stations sur 10 ans sont de 325 millions € rentabilisant un capital de 322 millions € (capital versé dans la CDA DS)
Affectation de ces résultats
100 millions € réinvestis dans les stations
225 millions € versés à la CDA DS, qui les reverse, à son tour, à la holding CDA, elle-même distribuant 145 millions € aux actionnaires
Ce cumul des résultats masquent des écarts importants : Val d’Isère, les Menuires, les Arcs sont largement bénéficiaires, alors que Serre Chevallier l’est plus faiblement.
Prévisions pour l’avenir
La Compagnie des Alpes est classée N°1 mondial pour les domaines skiables.
Les caractéristiques des stations, haute altitude et enneigement assuré, dimension des domaines et nombre important de pistes, attirent une clientèle, fortunée et internationale.
Malgré les aléas climatiques, l’avenir peut être envisagé avec beaucoup de sérénité …pour les actionnaires mais un peu moins pour le personnel !!!
Sur les deux derniers exercices, le chiffre d’affaire Domaines Skiables a augmenté de 2,2 millions € et dans le même temps les effectifs ont légèrement diminué. La maitrise des coûts d’exploitation est aussi passée par là, malgré les très bons résultats.
Plus de la moitié du personnel est saisonnier, et soumis à une certaine précarité et flexibilité. Au moment des vacances d’hiver, des mouvements sociaux (grèves) ou des évènements dramatiques rappellent leurs conditions difficiles.
Cependant par rapport aux saisonniers des parcs de loisirs leur statut est meilleur, du fait d’une convention collective plus avantageuse, obtenue grâce à de solides organisations syndicales
De nouvelles aides publiques non sélectives
La loi de finances 2016 prévoit une double défiscalisation au profit des Sociétés de remontées mécaniques
– Réduction du taux de la taxe d’électricité
– Déductions fiscales supplémentaires sur l’investissement permettant de réduire l’impôt sur le bénéfice,
Ces aides bénéficieraient d’abord aux stations les plus rentables et s’additionneront au CICE.
Une refonte inquiétante de la loi montagne
Selon les initiateurs de cette réforme, Il conviendrait « de dépoussiérer, d’adapter, de moderniser » cette loi ; ces termes sont souvent utilisés pour masquer un retour au néolibéralisme, la loi de la jungle.
Un nouvel axe stratégique d’activité : le développement international
Pour accroitre chiffre d’affaires et bénéfice, la Compagnie des alpes a décidé de se développer dans les pays émergents à fort potentiel.
Les deux axes de l’activité
– Ouverture de musées Grévin à Montréal (2013) Prague (2014), à Séoul (2015) et en Suisse
– Prestations d’assistance et de pilotage pour des stations de ski en Russie, en Chine, et pour des parcs de loisirs au Japon et au Maroc.
« En Russie, la Compagnie des alpes a réalisé les master plans de 3 stations de ski et celui d’un parc de loisirs à Moscou. En Chine, le groupe assiste les autorités chinoises pour la première saison de thaiwoo. Enfin, au Japon, il poursuit son partenariat stratégique avec le groupe Mac Earth» (document de référence 2015)
Des résultats déficitaires et préoccupants
Sur les 3 dernières années, la montée en puissance de cette activité se traduit par une augmentation de 19,5% du chiffre d’affaires qui atteint 6,3 millions € en 2015.
Mais dans le même temps les déficits s’aggravent et passent de 4,2 millions € à 7,7 millions €.
Quelles seront les conséquences d’une stratégie aussi hasardeuse ?
Les domaines skiables français, en délégation de service public, ont-ils pour vocation de financer des activités à risque à l’international et de distribuer des dividendes aussi importants ?
En ces temps de disette pour les communes, la question mérite d’être posée.
Récapitulatif des données financières du Groupe en 2015
– Chiffre d’affaires : 696 millions €
Domaines Skiables : 394 millions €, Destinations loisirs : 295 millions €, Développement international : 6 millions €,
– Résultat net : 35 millions € ( dont part du groupe :30,1 millions €
– Dividendes : 9 millions €
– Personnel : 4 705 salariés en équivalent temps plein (ETP)
Domaines skiables : 2027 salariés (ETP), Destinations loisirs : 1703 salariés (ETP) en France, 741 salariés (ETP) à l’étranger, Développement international : 37 salariés (ETP) en France, 46 salariés (ETP) à l’étranger, Holding : 151 salariés (ETP)
Sources
Documents de référence 2013 à 2015
Comptes financiers des sociétés françaises
Revue « Montagne leader » 2 octobre 2015
Journal « Dauphiné » du 18 décembre 2015
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