Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) 2015

Un bel exemple de détournement de fonds publics par le patronat (publié oct 2016, modifié janv.2017)

Principales caractéristiques du dispositif

Derrière des objectifs  « ambitieux »

Ce crédit accordé aux entreprises devait encourager la création d’emplois, améliorer la compétitivité  et soutenir l’investissement et l’exportation. Il ne devait pas servir à augmenter les dividendes des actionnaires, ni à verser des suppléments de rémunérations aux dirigeants.
Et P Gattaz, le patron du MEDEF, arborant fièrement un pin’s, avait promis un million d’emplois en contrepartie de cette aide publique. (voir extrait Emission Spécial Investigation et notre vidéo sur la chaine mémé l’indignée)

Des critères d’attribution non sélectifs

Cet allègement de charges, mis en œuvre à partir de 2013, s’adressait aux entreprises dont les salariés (en totalité ou en partie) étaient rémunérés en dessous de 2,5 fois le SMIC.
Ainsi la majeure partie des entreprises a pu en bénéficier, qu’elles soient riches ou pauvres, qu’elles recrutent ou licencient, qu’elles soient exposées ou non  à la concurrence internationale. 

Un financement assuré, en partie, par les ménages les plus modestes

Une partie du financement a été assurée par le relèvement, au 1er janvier 2014, de deux  taux de TVA, celui de 7% (taux intermédiaire) est passé à 10% et celui de 19,6% (taux normal) est passé à 20%. Ces hausses de TVA pèsent d’autant plus lourds sur le budget des ménages que la part du revenu consacrée à la consommation est importante, ce qui est le cas des catégories les plus modestes de la population.

Une utilisation non contrôlée

Le gouvernement s’était engagé à n’effectuer aucun contrôle sur l’utilisation de ces fonds publics. Est-ce une confiance aveugle dans la parole patronale ou une complicité de « l’entre-soi » ?
Pour plus de détails, se reporter à notre article 2014

Et donc un transfert de ressources des Pauvres vers les Riches, c’est le Robin des Beaux Quartiers !!

L’absence de contraintes a permis à un patronat sans scrupule de détourner une grande part de cette aide publique à son seul profit, alors que le financement a été assuré par une hausse de la TVA, et donc par des ménages aux revenus modestes.

Et des résultats sans appel !!

Les premières analyses officielles

Dans son rapport publié le 29 septembre 2016, le comité de suivi du  (www.strategie.gouv.fr.) présente pour la première fois une analyse à partir de données réelles. Les conclusions sont sans appel et à l’opposé de celles présentées dans le précédent rapport  du même comité. (voir notre article CICE 2014)

« Conclusions préliminaires
• Le comité note que le CICE a conduit à une amélioration sensible des marges des entreprises.
• Le comité tient pour robuste les résultats des équipes de recherche qui concluent à l’absence d’impact de court terme du CICE sur l’investissement, la recherche-développement et les exportations. Cette absence d’effet est conforme à ce que laissaient attendre les délais d’action usuels des mesures d’offre. Elle n’a pas de signification quant aux impacts qui peuvent être attendus pour les années à venir.
• Le comité souligne les incertitudes qui entourent l’évaluation des effets du CICE sur l’emploi mais estime probable un effet direct de l’ordre de 50.000 à 100.000 emplois créés ou sauvegardés sur la période 2013-2014 »

Et une reconnaissance implicite du  détournement

Trois points de cette analyse sont particulièrement éloquents :
– Il s’agit d’une « amélioration sensible » et non pas d’une restauration des marges, la nuance est importante, car elle sous entend clairement que les marges étaient déjà positives et que leur progression est significative.
– Il est clairement affirmé que ce surplus de marge n’a servi ni à l’investissement, ni à l’exportation, ni même à la recherche.
– Quant à l’emploi, la mesure est présentée comme incertaine et le nombre d’emplois créés ou simplement préservés reste très modeste, eu égard au million promis.

A LA SUITE DE CE RAPPORT, NON SEULEMENT LE CICE N’A PAS ETE REMIS EN CAUSE,  AU CONTRAIRE IL A ETE RENFORCE, LE TAUX d’ABATTEMENT SUR LES SALAIRES EST PASSE DE 6% A 7%, M SAPIN SE FELICITANT DE L’EFFICACITE DU DISPOSITIF!!!

Par Qui et Pour Qui ?

Si les bénéficiaires de cette manne publique ne sont pas expressément désignés dans ce rapport officiel,  il suffit de se reporter aux analyses de notre site et de certains médias pour en connaître l’identité.
L’exemple vient de haut, le patron du MEDEF, P Gattaz, a été le premier à détourner le CICE de son objectif initial pour le verser en dividendes à ses actionnaires (famille Gattaz).

Des exemples bien révélateurs

Précisons déjà que certaines entreprises ne déclarent pas dans leurs comptes le montant du CICE, c’est le cas des groupes Hermés, Vallourec, Eiffage, Carrefour …

LE GROUPE RADIALL (Famille GATTAZ) : Un bel exemple de cynisme

Le comportement de P GATTAZ, président du MEDEF est édifiant,  sa gestion du CICE a été en totale contradiction avec ses engagements. Il suffit de comparer le montant du CICE avec la hausse des dividendes.

Montant  du CICE : 0,8 million € en 2013,  1,5 million € en 2014 et 2015
Montant de la hausse des dividendes par rapport à 2012 : + 0,6 million en 2013 et + 1,8 million en 2014 et 2015.
Le montant cumulé   du  CICE sur 3 ans (3,8 millions €)  a été utilisé intégralement en progression  (+4,2 millions €) des dividendes versés à la famille GATTAZ.

La hausse des effectifs de 4% entre 2012 et 2015,  est liée à celle du chiffre d’affaires (+14%)
Toutes ces informations ont été publiées dans l’hebdomadaire POLITIS (22 septembre 2016)  sous le titre : CICE, le casse du siècle et sous la plume de Erwan Manac’h.

Jusqu’où ira le cynisme du patron du MEDEF qui ose réclamer de nouveaux allégements en promettant 2 millions d’emplois ? Et l’inconscience ou la duplicité des dirigeants qui s’empressent de lui donner satisfaction.

Le GROUPE SOMFY : la noyade du CICE dans les rémunérations des actionnaires

L’avidité des actionnaires ne connait plus de limites ne faisant qu’une bouchée du CICE et battant tous les records avec dividendes exceptionnels et destruction d’actions.

Montant du CICE : 1,2 million en 2013 et 2 millions € en 2014 et 2015, soit un total cumulé de 5,2 millions €
Montant de la hausse des dividendes « ordinaires »  par rapport  2012 : +2 millions en 2013 et 2014 et + 4 millions en 2015, soit une hausse cumulée de 8 millions €.

Montant des dividendes exceptionnels  distribués en 2014 : 381 millions €
Valeur des actions détruites  en 2015 : 88 millions €.
Rappelons que les achats et destructions d’action  sont un mode de rémunération des actionnaires (voir notre article).

Et sur la même période, les effectifs n’ont connu aucune progression et les dirigeants de Somfy nient toute responsabilité sociale  dans la casse de l’ex filiale Spirel en refusant d’accorder une quelconque compensation financière aux salariées mises à la rue.

Le groupe HERMES, grande discrétion sur le CICE et belle progression des dividendes

Chez Hermès, le recours aux subventions de l’Etat est un sport pratiqué régulièrement mais non affiché. Aucune information n’est fournie sur le CICE perçu.
Le montant des salaires dans les entreprises de production, étant en dessous de 2,5 fois le SMIC, Hermés perçoit selon toute évidence du CICE.
Mais la plus grande certitude est l’ampleur de la hausse des dividendes !!!

Par rapport à 2012, les dividendes ont progressé de 21 millions € en 2013, de 576 millions € en 2014 et de 92 millions en 2015, soit une hausse cumulée de 689 millions €.
Sans connaître le montant du CICE, il est fort à parier qu’il  est noyé dans la hausse massive des dividendes.
Et la progression des effectifs de 21% entre 2012 et 2015 est intégralement due à celle du chiffre d’affaires (+38%)

Le groupe CARREFOUR et les deux bénéficiaires du CICE : les actionnaires et le dirigeant.

Carrefour, grâce à ses bas salaires, est très  bien doté en CICE : 84 millions  € en 2013, 110 millions  € en 2014 (non connu pour 2015)
Une grande partie a été versée aux actionnaires avec une hausse des dividendes de 38 millions € en 2013 et de 51 millions en 2014.
Et le dirigeant en a été récompensé, sa rémunération annuelle est passée de 3,4 millions € en 2012 à 7,1 millions € en 2015.
Quant aux  effectifs, c’est peau de chagrin, ils  n’ont pas progressé !

On pourrait aussi citer La Générale de Santé, Somfy, ACCOR …pour l’utilisation du CICE en  augmentation de dividendes (se reporter à nos analyses)

La POSTE, grand bénéficiaire du CICE et  champion des réductions d’effectifs

(article Politis cité plus haut )

Le montant du CICE a été de 297 millions € en 2013, de 350 millions € en 2014 et de 344 millions € en 2015.
Et durant cette période, 19 000 emplois ont été détruits, alors que le chiffre d’affaires augmentait de 6,4%.
Et les dividendes sont restés stables à 160 millions €.
Nous pourrions aussi évoquer Eiffage et Vallourec  et bien d’autres qui réduisent drastiquement leurs effectifs tout en percevant le CICE.

Le CICE : une aide utile aux PME et TPE

La BPI (Banque Publique d’investissement) a assuré le préfinancement (une avance) du CICE, apportant ainsi une trésorerie indispensable à certaines PME et TPE

Selon l’article de Politis (cité plus haut) « 12000 entreprises, PME ou TPE pour les trois quarts ont pu bénéficier  d’une aide rapide pour un montant de 1,7 milliard € en 2015. l’accès à ce surplus de trésorerie a permis à des entreprises de lancer des investissements qu’elles envisageaient pour plus tard ».

Du fait de son caractère universel, le CICE est avant tout un énorme cadeau aux grands groupes et à leurs actionnaires.
Une sélectivité très stricte et contrôlée dans l’attribution du CICE aurait permis de soutenir l’emploi, les investissements dans les petites entreprises. Celles-ci sont souvent très dépendantes de la politique des grands groupes par le biais de la sous-traitance ou de la baisse du pouvoir d’achat des salariés.

Lors du passage aux 35heures, les aides de l’Etat étaient conditionnées à la création ou à la préservation de l’emploi. Selon un rapport  de l’IGAS, ce dispositif aurait permis de créer 350 000 emplois entre 1998 et 2002. Mais ce rapport a été censuré, il contrevenait aux grands principes du néolibéralisme et de la pensée unique.

Sources :

Rapports du Comité de suivi du CICE de 2013 à 2015.
Hebdomadaire Politis (22 au 28 septembre 2016) : CICE , le casse du siècle Erwan Manac’h
Emission « Spécial Investigation » Canal Plus du 21 mars 2016 avec Jérôme Sesquin
Articles du site « cuisine des patrons »

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Commentaires

Curis Martine dit :

Est ce que cette analyse est réservée aux lecteurs du site? Est-ce qu’elle atteint les chefs d’entreprise concernés? Est-ce qu’elle atteint les politiques concernés? Est-ce la presse (laquelle?) est réceptive? Est-ce qu’il y a des réactions?

gras dit :

À diffuser massivement…..honteux