POCHECO et l’écolonomie
Derrière une belle vitrine ....De gros secrets bien gardés (publié juin 2016)
Avec le film « Demain » sorti en décembre 2015, la notoriété de l’entreprise Pocheco a gravi un échelon supplémentaire.
Déjà adulée par de nombreux médias, cette entreprise de 114 salariés, installée dans le Nord de la France, fabrique des enveloppes professionnelles dans des conditions particulièrement originales.
Pocheco doit, en effet, sa réputation au comportement écologique et social, qualifié d’exemplaire, de son dirigeant.
Le modèle écologique est réel, car aisément vérifiable : le dirigeant, E Druon, est un créateur remarquable de solutions écologiques pour produire proprement sans détruire la planète Terre.
Mais pour le modèle social, la réponse est moins évidente. Le management de Pocheco s’inspire de celui des «entreprises libérées», un mouvement qui fait l’objet de nombreuses controverses, quant à la réalité du «bonheur» des salariés (voir La Favi)
Dans le cas de Pocheco , la vérification est impossible. En effet, les documents financiers ne sont pas déposés et le dirigeant peut ainsi continuer à affirmer son éthique sociale, sans risque de contestation : toute forme de représentation du personnel a disparu de l’entreprise, et toute demande, même de simple consultation, des comptes est refusée.
Or dans le contexte juridique et financier de Pocheco, cette culture du secret pose question.
E Druon est l’actionnaire unique, donc seul propriétaire du patrimoine professionnel
E Druon a créé en 2008 une société holding Canopee Finance, société écran
E Druon a créé en 2011, la SCI Nevache, domiciliée à la même adresse que Pocheco.
E Druon a probablement eu recours à des subventions pour ses investissements écologiques
E Druon, de nationalité française réside en Belgique.
La longue histoire d’une petite entreprise familiale nonagénaire
Les principales étapes de son développement
1928 : Création de l’entreprise « Les Papeteries Générales du Nord » (PGN) par Paul Descat, à Roubaix : fabrication de fournitures de bureau et d’enveloppes.
1957 : Nouvelle dénomination, PGN devient « Pocheco », sous la direction de Bernard Descat ( fils de Paul).
1975 : Installation à Forest sur Marque, dans les locaux d’une ancienne usine textile.
1976 : Changement d’actionnaire et de famille avec la cession à Daniel Druon.
1997 : Nomination d’Emmanuel Druon (fils de Daniel) comme Directeur Général.
2007 : Changement d’actionnaire avec le rachat par Emmanuel Druon de la totalité des parts à sa famille.
2008 : Création par E. Druon d’une holding Canopee Finance qui devient l’actionnaire unique de Pocheco, E Druon étant actionnaire unique de Canopee Finance.
2009 : Création de Pocheco Canopee reforestation, association pour le reboisement du Nord Pas de Calais.
2011 : Création de la SCI Nevache avec pour actionnaire majoritaire E Druon, pour activité l’acquisition et la gestion de terrains bâtis ou non bâtis, pour domiciliation l’adresse de Pocheco.
2012 : Création d’un bureau d’études avec Pocheco Canopee Conseil, pour le conseil en « écolonomie »
Caractéristiques de Pocheco en 2015
Avec 114 salariés, produisant 2 milliards d’unité d’enveloppes de gestion et réalisant un chiffre d’affaires de 22 millions €, Pocheco possède 70% des parts de marché en France. Ses principaux clients, se trouvent dans le secteur bancaire et de l’assurance, les opérateurs téléphoniques, les producteurs et distributeurs d’énergie.
Aucune autre donnée financière n’est disponible.
Le modèle écologique et social de POCHECO
Modèle écologique
Depuis qu’il en est le dirigeant, E Druon a appliqué des solutions écologiques dans ses processus industriels, pour la plus grande protection de l’environnement. Ce fait là est indéniable : il suffit pour s’en convaincre de lire les nombreux articles ou de regarder les émissions ainsi que le film « Demain » qui lui ont été consacrés.
Modèle social
Le concept d’entreprises libérées
C’est un nouveau mode de management des salariés très médiatisé par des articles de presse, des émissions de télévision : par exemple le documentaire de la chaîne Arte, « Au Bonheur des salariés » listait des entreprises qui libéraient les salariés des contraintes de hiérarchie, d’organisation, de contrôle …
De nombreuses voix discordantes se font, cependant, entendre, dénonçant une nouvelle forme d’asservissement dans ce management « libérateur ». Et curieusement, les critiques viennent de bords différents, syndicats de salariés comme responsables de ressources humaines; ainsi François Geuze expert en management des ressources humaines parle d’asservissement des salariés.
Notre analyse sur la FAVI a montré que la productivité y était beaucoup plus élevée, au détriment du bien être des salariés et pour le plus grand profit des actionnaires.
Le modèle Pocheco présenté par son dirigeant
« Il existe des liens humains forts au service d’un professionnalisme et d’un projet qu’on construit ensemble. Nous n’avons ni hiérarchie énorme, ni titres à rallonge, ni système de contrôle permanent. Les gens acceptent des salaires avec un écart de 1 à 4. Nous sommes dans la coopération plutôt que la compétition. Je suis venu dans le Nord parce que c’est une terre de solidarité. Il faut renoncer à l’accumulation par quelques-uns du produit du travail de la majorité pour une destruction soi-disant créatrice. Entreprendre sans détruire, c’est aussi sans détruire la société en tant que rapports entre êtres humains. » (interview de E Druon- Croix du Nord, 11 février 2016)
Une grande culture du secret
Une vérification impossible
Comme pour la FAVI, nous avons voulu vérifier l’adéquation de la réalité au discours
Mais très vite, nous avons dû constater l’impossibilité de mener l’analyse dans les conditions habituelles, du fait de la non publication des comptes de Pocheco et de Canopee Finance.
Par chance, un débat était organisé dans notre région avec un représentant de l’entreprise Pocheco, nous y avons participé et fait part de nos interrogations.
Un débat, des questions et des réponses surprenantes
Notre première question portait sur le non dépôt des comptes. Il nous fut répondu que des concurrents pourraient porter préjudice à Pocheco en utilisant certaines informations.
Rappelons que le dépôt des comptes est obligatoire et qu’en cas de non respect de la réglementation, c’est une amende de …1500€, bien peu dissuasive. Cependant, la très grande majorité des entreprises publient leurs comptes, tout en étant confrontées, elles aussi, à la concurrence.
Notre deuxième question portait sur l’actionnariat, la pérennité de l’entreprise et le modèle social. En effet , le principe de l’associé unique peut créer de graves difficultés au moment de son départ, alors que la participation des salariés à l’actionnariat garantirait la continuité et serait en cohérence avec le modèle social.
Il nous fut répondu que la proposition avait été faite aux salariés, mais que ceux-ci refusaient d’être associés, par crainte des responsabilités.
Ces réponses nous ont laissés très perplexes.
Un engagement non tenu
Mais, en public, il nous avait été aussi assuré que nous pourrions, sous certaines conditions, accéder aux comptes, il suffisait d’en faire la demande.
Nous avons sollicité, à trois reprises, par mail et téléphone le représentant de Pocheco, allant jusqu’à lui proposer de nous déplacer (soit 1000 km aller retour) pour consulter sur place, et sans rien emporter, les documents financiers publics des deux sociétés.
Aucune réponse ne nous a été adressée et il semblerait bien aussi qu’aucun journaliste n’ait eu accès aux comptes de Pocheco et Canopee Finance.
Des questions
Première série de questions sur le financement des investissements
Selon l’article de la Croix du Nord du 11 février 2016, le coût des investissements depuis 10 ans serait de 10 millions €, les économies réalisées de 15 millions €.
Les investissements écologiques sont éligibles aux subventions de différentes institutions, notamment de l’Europe (voir petite entreprise d’environnement).
Première question : Sur les 10 millions €, quelle est la part des subventions perçues ?
Deuxième question : Qui a bénéficié des 15 millions € d’économie ? Le patrimoine de Pocheco, de Canopee Finance … ?
Deuxième série de questions sur la pérennité de l’entreprise, de son modèle social et le transfert du patrimoine professionnel
E Druon est actionnaire unique, et seul propriétaire des patrimoines de Pocheco et Canopee Finance, financés certainement en grande partie par des subventions et les bénéfices dégagés.
Première question : Comment sera transmis ce patrimoine et comment sera assurée la continuité de l’entreprise sous la même éthique, le départ de l’actionnaire unique pouvant intervenir de manière inattendue ?
Deuxième question : Pour quoi ne pas avoir dés 2007, créé une Scop, rendant les salariés associés de l’entreprise, copropriétaires du patrimoine et permettant d’ assurer la pérennité du modèle social ? Ou pourquoi ne pas le faire maintenant ?
Troisième série de questions sur l’existence de la holding
Il est affirmé à de nombreuses reprises, que Pocheco ne verse aucun dividende à l’actionnaire, que la hiérarchie des salaires est de 1 à 4.
Canope Finance pourrait ne pas être liée par cette éthique et ainsi facturer des prestations de service à Pocheco, verser des salaires plus élevés et distribuer des dividendes à son actionnaire unique.
Première question : Quelles sont les relations financières entre Pocheco et Canopee Finance ?
Deuxième question : Canopee Finance a-t-elle des salariés ?
Troisième question : Canopee Finance fait-elle des bénéfices et si oui, comment sont-ils répartis ? Dividendes, Patrimoine ?
Quatrième série de questions sur l’existence de la SCI Nevache
D’après les statuts, cette SCI a été créée en 2011 pour l’acquisition et la gestion de terrains bâtis ou non bâtis. Deux associés participent au capital dont E Druon avec 51% des parts, l’adresse du siège social est la même que celle de Pocheco.
Unique question : la SCI Nevache est-elle propriétaire de terrains et constructions utilisés par Pocheco ? Si oui, dans quelles conditions sont effectuées les transactions ? Si non, pourquoi l’avoir domicilié au siège social de Pocheco ?
Pour finir, une observation sur le choix d’habiter en Belgique . En tant que frontalier, E Druon doit, en principe, régler ses impôts dans le pays de résidence, la Belgique. Or les taux d’imposition des revenus du travail sont beaucoup plus élevés en Belgique qu’en France, par contre ceux du capital et des droits de succession le sont beaucoup moins. On ignore si le choix de résider en Belgique est dû à des considérations personnelles ou fiscales. La question mériterait d’être posée.
Sources
Articles de presse : Croix du Nord de février 2016, les Echos du 8 octobre 2014
Sites internet de Pocheco et de Pocheco Canopee Conseil
Site www.e-rh.org : article de François Geuze
Site trophees.chefdentreprise.com
Statuts SCI Nevache
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