YVES ROCHER

Derrière l’apparence de la beauté, une violation de droits syndicaux en Turquie et des milliards d’euros en France pour la famille Rocher (publié juin 2018)

C’est l’ histoire de trois générations d’une même famille, Yves, Jacques et Bris, fiers de contribuer à la beauté des femmes, dans le respect de l’environnement écologique, social et citoyen.(voir notre vidéo)

La plupart des sites industriels sont restés en France, les plantes médicinales sont cultivées en agriculture biologique, les végétaux rares préservés dans un jardin botanique et une fondation participe à la lutte contre la déforestation par des plantations d’arbres.

Cependant la réalité sociale est bien loin des déclarations d’intention, la tendance à la précarisation du travail se manifeste sous différentes formes : le choix du partenariat, de la sous traitance ou de la franchise limite les effectifs permanents, le mode de calcul de certaines rémunérations flexibilise des salaires et la part importante de recrutements en CDD en 2015 précarise l’emploi .

De plus, la répression patronale dans une filiale spécialisée dans le maquillage, l’usine Flormar en Turquie, dévoile des pratiques sociales d’un autre âge. Pour s’être syndiquées, 120 ouvrières , sur un effectif de 400 personnes, ont été immédiatement licenciées. Et par son silence, Bris Rocher, bien que président de cette entreprise, se rend complice de cette violation de la liberté syndicale, une liberté pourtant bien inscrite dans la législation turque..

Mais le sort des ouvrières turques ne pèse pas bien lourd à coté de la masse des bénéfices engrangés, inépuisable source d’enrichissement pour le clan Rocher. Au palmarès des 500 plus grandes fortunes de France, la famille figure à la 38ème place, avec un patrimoine de 2,7 milliards €, en augmentation de 100 millions € sur l’année 2017.

Concluons sur ce magnifique slogan des ouvrières turques

“Ce n’est pas le maquillage, mais la résistance qui embellit !”

 

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De la petite entreprise au groupe mondialisé

Principales étapes historiques

Tout débuta dans un  grenier en Bretagne en 1959, quand Yves Rocher inventa ses premières crèmes de soins à partir de plantes médicinales.
Dans les années 70/80, la demande de produits de beauté ne cessera de croître nécessitant la création de nouveaux sites industriels  en Bretagne. Puis, le développement se poursuivra avec l’acquisition des marques Daniel Jouvance et Dr Pierre Rigaud.

A la fin des années 80, le groupe Rocher s’adonnera, comme tant d’autres, au monopoly des entreprises, rachat des sociétés, Petit Bateau spécialisé dans l’habillement, Stanhome dans les produits d’entretien de la maison, Kiotis dans l’aromatologie.

A partir des années 2000, une nouvelle étape sera franchie avec la mondialisation  du  groupe via des créations de filiales en Europe et en Amérique, des rachats d’entreprise, comme en Turquie et en Israël et des accords de partenariats, comme en Chine, au Nigéria…

En 2018, la famille Rocher reste l’actionnaire quasi unique avec 95% des parts et les générations se succèdent à la direction du Groupe, après Yves, ce fut son fils Jacques, puis son petit fils Bris.

Président depuis 2010, Bris  poursuit une stratégie, d’apparence familiale, écologique et citoyenne mais dans les faits, la course au profit et à l’enrichissement personnel sera son seul et unique moteur, sans respect pour les droits sociaux à l’étranger.

Caractéristiques du Groupe en 2017

La  holding de tête, Rocher participation, regroupant toute la famille Rocher détient la société historique « Les laboratoires de Biologie Végétale » (LBV) et ses  3 237 salariés.

LBV , laboratoire de recherche est  la sous holding possédant  25 filiales en France et 69 filiales à l’étranger implantées sur les 5 continents.
Parmi ces entreprises 9 sont des sites de production , 4 en France, 1 en Irlande, 1 au Vénézuela, 2 au Maroc et 1 en Turquie.

Les effectifs du groupe au 31 décembre 2015 (dernières données publiées) sont de 15 906 salariés, dont 6 767 en France.
Du fait de la multiplicité des accords de partenariat, de franchise, de sous traitance, les emplois indirects représenteraient 220 000 salariés.

Derrière une belle apparence

Depuis son origine, le groupe a tenu à conserver la maitrise de toutes les étapes du cycle de production : botaniste, récoltant , fabricant, distributeur, comme l’indique son slogan « De la plante à la peau ».

Écologique : Culture des plantes et jardin botanique

A La Gacilly, village natal du fondateur situé dans le Morbihan, les cultures de plantes médicinales s’étendent  sur 55 ha de champs en agriculture biologique.
Dans ce même village, le groupe a également conçu un jardin botanique comprenant 1 100 espèces de végétaux, dont une collection rare d’armoises.

Citoyenne : Fondation pour la protection de la nature

En 1991, Jacques Rocher,  fils d’Yves, a créé une fondation avec pour but affiché, la protection de la nature et pour activité; des plantations d’arbres dans le monde entier.

Une belle réalisation certes, mais  dont le coût est en grande partie supporté par la collectivité par le biais de la réduction d’impôt attribuée à ces activités « philanthropiques »

Sociale : De louables déclarations d’intention

Selon les comptes consolidés 2015

A propos des relations sociales

« Le groupe Rocher a toujours considéré que la performance économique, indispensable au développement de ses marques et donc de leur pérennité, doit intégrer les aspirations humaines de qualité de travail et de bonnes relations professionnelles ».

A propos du contrôle des fournisseurs et sous traitants

« (les critères d’audit) prennent notamment en compte la liberté d’association et du droit de négociation collective, l’élimination des discriminations en matière d’emploi et de profession, et l’élimination effective du travail des enfants »

A propos des libertés syndicales

« le Groupe Rocher est toujours attentif à une bonne qualité de dialogue social au sein des différentes sociétés dans le monde. Ainsi, le Groupe Rocher s’attache à respecter les droits syndicaux fixés par les différentes législations sociales »

Une réalité bien différente

Notre analyse est effectuée à partir des données 2015, car dans le groupe Rocher le dépôt des comptes s’effectue avec plus d’une année de retard pour l’ensemble des filiales comme pour les comptes consolidés.

Une tendance à la précarisation du travail

Liée aux statuts d’entreprise

A coté des filiales, contrôlées à plus de 50% par le Groupe Yves Rocher, existe une myriade d’entreprises, liées par  des contrats de partenariats, de franchises ou de sous traitance. Ainsi,  plus de 200 000 salariés dans le monde , sont dépendants de la stratégie du groupe, et peuvent  du jour au lendemain, perdre leur emploi, mais  sans que la responsabilité juridique et financière du groupe ne soit mise en cause.

Liée à certains modes de rémunération

L’exemple de la filiale Stanhome, spécialisée dans les produits d’entretien en est un symbole.
La distribution des produits Stanhome s’effectue sur le modèle bien connu du « Tupperware » : des réunions organisées à domicile, et le salarié est payé en fonction des ventes.
Cette flexibilité, le grand rêve des patrons, concerne une partie  des 1 577 salariés (temps partiel et temps complet) de Stanhome et a pour conséquence un très bas niveau salaire moyen brut mensuel, 898 € en 2015.

Liée aux évolutions des effectifs

Une forte proportion de CDD dans les recrutements 2015

« Le Groupe Rocher a embauché 5 533 collaborateurs, dont 2 537 en contrats à durée indéterminée et 2 996 en contrats à durée déterminée, ce essentiellement du fait du développement constant du réseau de magasins dans un grand nombre de pays » (Comptes consolidés 2015)

Une baisse des effectifs France et une hausse à l’étranger

En 2015, la diminution des effectifs en France est de 184 salariés (-217 CDI, + 33 CDD) , alors qu’à l’étranger les effectifs progressent de 126 salariés.

Traduite par un turn over  élevé

En 2015, sur un total de 15 906 salariés, le nombre de départs a été de 4 961, soit prés d’un tiers de l’effectif, dont 914 licenciements et 4047 démissions, fin de CDD, retraites, décès.

Flormar et la répression syndicale

En 2012, le Groupe Rocher a racheté la majorité des parts de l’entreprise turque Flormar, spécialisée dans les produits de maquillage,  employant 400 salariés.
Depuis son intégration au Groupe,  les ventes ont doublé tant sur le marché intérieur qu’à l’étranger.
Mais les conditions de travail et de rémunération  des ouvrières ont stagné et se sont même dégradées.

En mars 2018, face au diktat de la Direction et  afin de peser dans la négociation, des travailleuses se sont syndiquées.
La répression a été immédiate : licenciement des salariées syndiquées sous un prétexte fallacieux « insuffisance de performance ».

Face à cette violence patronale, les réactions de solidarité des ouvrières se sont multipliées, entraînant de nouveaux licenciements.
Ainsi, en juin 2018,  124 ouvrières ont été licenciées, mais la résistance s’installe avec  des manifestations quotidiennes devant l’usine pour exiger le respect du droit syndical et de meilleures conditions de travail.

Jusqu’à présent, la Direction française du Groupe n’a pas daigné intervenir dans ce conflit , alors que cette entreprise, filiale du groupe, a pour président  Bris Rocher, qui, rappelons le, affirme dans les documents publics que le Groupe « s’attache à respecter les droits syndicaux fixés par les différentes législations sociales ».

La course au profit, comme principal moteur

Une rentabilité hors du commun

Dans l’ensemble du Groupe

Les derniers résultats connus, 2014 et 2015,  sont  de 75 millions €. Mis en rapport avec le capital réellement investi dans le Groupe, un montant  de 11 millions €, cela représente un taux de rentabilité de 750% par an !!!!

Dans toutes les entreprises françaises

A titre d’exemples :

Dans le Laboratoire de biologie médicale à La Gacilly en Bretagne, le bénéfice 2015 est de 57 millions € pour un capital investi de 10 millions € ( taux de rentabilité de 570%).

Dans le Laboratoire de Dermocosmétique Rigaud à Paris, le bénéfice 2015 est de 2 millions € pour un capital investi de 135 000 €  (taux de rentabilité de 1 481%).

Dans la société Petit Bateau à Troyes, le bénéfice est de 7 millions € pour un capital de 13,5 millions € (taux de rentabilité : 52%).

Dans la société Stanhome, produits d’entretien, le bénéfice est de  672 338 € pour un capital de 150 000 € (rentabilité de 450%).

Un petit couac à signaler : l’entreprise du Vénézuela refuse de verser sa part de dividendes et de redevance de marques.

Un enrichissement de la famille Rocher

Dans le classement Challenges 2017 des 500 plus grandes fortunes de France, Bris Rocher et sa famille figurent à la 38ème place avec un patrimoine de 2,4 milliards €.
Sur la seule année 2017, l’augmentation de leur patrimoine a été de 100 millions €.

Mais pas question de satisfaire les revendications des salariés de Flormar, le cynisme ne connaît plus de limites, ni de frontières.

Sources

Comptes consolidés 2015 du Groupe
Comptes des entreprises françaises
Article Wikipédia
Magazine Challenges
Vidéo sur Flormar https://www.facebook.com/RevolutionPermanente.fr/videos/1739042022844245/

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Commentaires

Marie dit :

Quoi d’étonnant ? (j’allais écrire « détonnant »)c’est dans la logique du capitalisme mondialisé. C’est un bel exemple. Le plus, c’est la déclaration écolo-sociale du groupe. Mais, bon, il y a toujours dans ces groupes, (ou des entreprises plus petites), des formules qui servent à cacher, mieux, à blanchir leurs exactions.
Je voudrais bien savoir le pourquoi de la réaction au Venezuela. A mettre en relation avec la ligne gouvernementale ?

arlette dit :

Les infos publiées dans les comptes consolidés du groupe ne font que mentionner cette défaillance sans en donner la raison et sans même avoir l’air d’envisager des mesures de rétorsion. Toutes les hypothèses sont permises!