Revenu Universel, Salaire à vie, Garantie d’emploi

Quels enjeux de sociétés ? (publié Fev. 2017)

Depuis 40 ans, les politiques d’austérité, inspirées du libéralisme, se sont traduites par un chômage massif, générateur de misère économique et  sociale et de menaces pour la démocratie.

Au cœur des enjeux de la campagne présidentielle 2017, différentes propositions de sortie de crise  se sont imposées dans les débats, sur des lignes divergentes. Les solutions avancées clivent  sur la place du travail salarié dans notre société et les marges de manœuvre existant à l’intérieur même du  système capitaliste.

Pour les tenants du revenu universel, le retour au plein emploi est  rendu impossible par les évolutions technologiques actuelles. Il faut donc assurer à tous un revenu de base, sans condition de ressources ni contrepartie, tout en maintenant le niveau actuel de protection sociale. Le coût est élevé et de nouvelles recettes devront être dégagées par la fiscalité. Cependant cette instauration du revenu universel est aussi préconisée dans les politiques libérales,  avec pour seul but, celui de supprimer toutes les solidarités, en affectant les dépenses actuelles de protection sociale au financement de ce revenu universel.

La proposition du salaire à vie repose sur des bases très différentes Le système capitaliste et ses rapports d’exploitation doivent être abolis et la notion de travail déconnectée de l’emploi: toute activité humaine doit être considérée comme un travail méritant un salaire.

Enfin la troisième série de propositions replace l’emploi salarié au centre de la société et prône l’intervention de l’Etat comme, régulateur dans les entreprises privées, créateur d’emploi dans les services publics et  incitateur dans la création d’entreprises de l’économie sociale et solidaire.

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Le contexte actuel

Une société malade  du libéralisme

Depuis 40 ans, les politiques d’austérité se sont succédées, les inégalités se sont accrues, le chômage est massif générant une misère sociale et une grande pauvreté.
Les médias, pour une grande part détenues par  les dominants ne cessent de stigmatiser le coût du travail, l’assistanat et l’immigration.
Et l’accentuation des recettes libérales, flexibilité et précarisation des emplois, ne fait qu’aggraver, chaque jour, la situation.

Et comment en sortir

Revenu Universel (ou de Base, ou inconditionnel) – Salaire à Vie – Garantie d’emploi
Ces  solutions divergent sur les points suivants :
– Incidence des évolutions technologiques sur l’emploi,
– Rôle du  travail salarié dans la vie des individus et dans la construction du  lien social,
– Marges de manœuvres  à l’intérieur du système capitaliste.

Le revenu universel

Cette proposition n’est pas récente et a été développée, dans le passé, par des économistes ultralibéraux comme Milton Friedman.
De fait actuellement, il existe deux types de présentation de cette théorie, une version libérale et une version sociale.

Le revenu universel, version libérale

L’objectif premier est  de détruire toutes les solidarités sociales.

Certains l’avouent sans détour

«  Les dépenses de protection sociale pèsent en France plus de 650 milliards d’€. Avec la même somme, on pourrait distribuer un revenu de 10 000 euros à chaque français tous les ans. Libre à chacun ensuite de l’utiliser comme bon lui semble. » Expérimenter le revenu universel en France Yannick L’Horty, professeur Université Paris Est.

D’autres tentent de le masquer

Marc de Basquiat et Gaspard Koenig développent le concept de LIBER : un revenu universel, d’un montant équivalent aux actuels minima sociaux, serait distribué à tous et financé par un impôt proportionnel au revenu (de l’ordre de 25%) dénommé le libertaxe.

Dans son analyse « les dangers du Liber »,  l’économiste Denis Clerc démontre, chiffres à l’appui, que, loin d’éradiquer la pauvreté et la précarité, ce dispositif ne ferait qu’accroitre les inégalités, favorisant les classes les plus aisées au détriment des plus démunis.

L’expérimentation en Finlande au 1er janvier 2017, menée par un gouvernement de droite, engagé dans une politique d’austérité  semble bien s’inscrire dans cette logique libérale. Selon le bimensuel suisse «Bilan», le but de ce test est de réaliser des économies sur l’aide sociale et d’inciter les chômeurs à accepter des emplois sous qualifiés ou à temps partiel.

Le revenu universel dans la version sociale

Cette proposition est portée par une association, MFRB (mouvement français du revenu de base) et par Baptiste Mylondo, professeur à l’IEP de Lyon.

Un postulat

L’évolution technologique actuelle rend impossible tout  retour au plein emploi.

Un principe

Le versement d’un revenu universel, sans condition de ressources, ni contrepartie, se cumulerait avec la protection sociale actuelle, les services publics et les salaires. La seule allocation supprimée serait le RSA..

Des modalités de financement

Un coût d’environ 600 milliards € pour un revenu de 1000 € par personne  de plus de 18 ans.
Une réforme de la fiscalité avec une plus grande progressivité de l’impôt sur le revenu et des créations de nouvelles taxes, sur les robots, sur les transactions financières, sur le patrimoine, écotaxe, lutte contre l’évasion fiscale …

Les atouts

Le caractère inconditionnel de ce revenu assurerait  à tous des conditions dignes et décentes de vie et.pourrait mettre fin à la stigmatisation des allocataires du RSA.

La déconnexion de l’emploi et du revenu pourrait limiter les moyens de pression du patronat et notamment,son chantage à l’emploi et ainsi créer un nouveau  rapport de force dans l’entreprise générant des améliorations de conditions de travail et de rémunération.

Le développement du temps libre pourrait faire émerger de nouveaux modes de production et de consommation, plus respectueux de la planète Terre.

Les limites

Le système capitaliste n’est  pas remis en cause, et sa capacité de nuisance reste intacte, l’association MFRB se dit transpartisane et flirte parfois avec les idées libérales.

Le revenu universel peut être détourné de son objectif et servir à l’accroissement des  profits par la  pression sur les salaires des moins qualifiés et le développement de  l’emploi précaire , aggravant les inégalités au lieu de les réduire.

Son coût élevé et son impact sur les finances publiques pourrait servir de prétexte à une baisse des services publics et des prestations sociales.

Quant aux femmes, elles risquent bien d’être tentées ou incitées à se consacrer aux seules tâches domestiques, réduisant à néant tous les progrès réalisés vers l’égalité homme femme.

Le salaire à vie

Une théorie complexe, élaborée par Bernard Friot, ancien professeur à l’université Paris Ouest Nanterre, soutenue par le mouvement « réseau salariat » et très éloignée de la proposition précédente.

Un double objectif

Sortir du système capitaliste en abolissant la propriété « lucrative », source de  rente prélevée sur le travail.
Reconnaître la production de valeur par  chaque individu, quel que soit son statut social, en lui versant un «salaire à vie».

Principales modalités

Instauration de nouveaux rapports de production

La propriété : les salariés seraient copropriétaires  des moyens de production et détiendraient le pouvoir de décision.

La répartition de  la richesse créée : une part serait versée à une caisse nationale des salaires, une autre à une caisse nationale des investissements et enfin la dernière servirait à l’autofinancement de l’entreprise.

La caisse nationale des salaires comme celle des investissements seraient  indépendantes des entreprises et gérées par les salariés.

Versement d’un salaire à vie

Chaque individu, travaillant ou non dans une entreprise, recevra un salaire toute sa vie, versé par la caisse des salaires.
Le montant du salaire ne sera pas uniforme et pourrait varier entre 1500 € et 6000 €. La détermination du montant et de son évolution sera effectuée pour chaque individu, en fonction de critères établis par un comité de qualification.

Suppression de toute rémunération du capital

La propriété d’usage met fin aux dividendes versés aux actionnaires, la caisse des investissements se substitue au recours au crédit et élimine les intérêts versés aux prêteurs.

Les atouts

La disparition des rapports de production capitaliste, la fin de l’exploitation des salariés par les détenteurs du capital.
La suppression du capital, du poids de sa rémunération, de sa capacité de nuisance.
La liberté pour chacun de choisir son activité, économique, sociale culturelle, sans crainte du lendemain, assurant l’épanouissement personnel.
La réduction considérable des écarts de salaires  de 1 à 6 au lieu de 1 à 1000, voir à l’infini.

Les limites

Cette théorie repose sur un préalable, l’expropriation massive des actionnaires, mais les moyens d’y parvenir ne sont nullement explicités.

Le principe du versement du salaire quelle que soit l’activité pose question : rester chez soi ou aller en production ne modifiera en rien la somme perçue. Qui, dans ces conditions choisira de se soumettre à une discipline collective, pour produire ?

Quant au comité de qualification, chargé de définir les critères de différenciation de salaires, l’information reste succincte.  Qui y siègera, quels seront les critères : diplôme, pénibilité.. ? Comment éviter les dérives relationnelles et autre ?

Garantir un emploi et un revenu pour tous

Deux postulats

Les nouvelles technologies ne sont pas responsables du chômage, elles restructurent différemment l’emploi mais ne le réduisent pas, le retour au plein emploi est donc possible.
Le travail salarié est source d’épanouissement pour les individus, en satisfaisant leur besoin  d’utilité, de valorisation sociale et d’appartenance à un groupe.

Un principe : une intervention massive de l’Etat

Par un renforcement de la législation  sur le travail

L’Etat pourrait imposer aux entreprises privées la baisse du temps de travail , l’augmentation des salaires des moins qualifiés avec une réaffectation sélectives des aides (CICE) accordées aux entreprises. Les fermetures d’entreprise ou les licenciements économiques dans les Groupes (maison mère et ses filiales) bénéficiaires pourraient aussi faire l’objet d’une réglementation contraignante.

Par  la création directe d’emploi

Le développement des services publics peut générer de nombreux emplois utiles et nécessaires à la population  : santé, éducation, aide à la personne, transition énergétique, environnement, avec des salaires décents pour tous.

Par des incitations fortes à la création d’entreprises d’économie sociale

Des formations, des financements sous forme de prêts sans intérêt,  des priorités données à l’accès aux marchés publics permettraient de soutenir la création et le développement de SCOP et les emplois induits.

Le financement

Des recettes supplémentaires avec une refonte de la fiscalité : plus progressive, plus efficace,  et plus ferme vis-à-vis des fraudeurs, avec la  lutte contre l’évasion fiscale et les pratiques d’’optimisation fiscale des multinationales.
L’augmentation automatique des recettes fiscales liée à celle des revenus.
Des  économies réalisées sur les allocations RSA et indemnités chômage.

Les atouts

La garantie d’un emploi utile  et d’un revenu décent restaure la dignité pour tous et réduit la pression du chantage à l’emploi.
Le développement de nouveaux services publics améliore le confort de l’ensemble de la population.
La croissance de l’économie solidaire permettra de « marginaliser » le poids de l’économie capitaliste et de limiter le diktat des actionnaires.

Les limites

Le système capitaliste est maintenu avec son pouvoir de nuisance et sa capacité de détourner toutes les innovations et les aspirations à son seul profit.
Le mouvement des entreprises libérées est un bon exemple de l’exploitation de l’aspiration du bonheur au travail par les actionnaires.
De même, le développement des plates formes collaboratives (UBER, BnB..), l’auto entrepreneuriat sont de nouvelles formes d’asservissement au capitalisme, sous couvert de liberté et d’autonomie.
Quant au système coopératif, il peut connaître les mêmes dérives que par le passé en s’alignant sur le mode de gestion des entreprises capitalistes.

Mais pour finir sur une note optimiste, citons en conclusion cette phrase d’Ernst Jünger, écrivain allemand du XXème siècle.

« Pendant la mue le serpent est aveugle »

Sources

Médiapart : « La fausse bonne idée du revenu universel » Martine ORANGE ,  12 JANVIER 2017
Site de l’OFCE
– « Expérimenter le revenu universel en France » Yannick L’Horty Université Paris‐Est Marne la Vallée, ERUDITE et TEPP‐CNRS
– « Le revenu de base comme revenu primaire » Jean-Marie Monnier et Carlo Vercellone Centre d’économie de la Sorbonne, CNRS
– « Revenu d’existence, salaire à vie:de la complémentarité des approches ». Jean-Claude Loewenstein
– « Conditionnalité et inconditionnalité : deux mythes sur l’emploi et la solidarité » Journée du 13 octobre 2016 OFCE Anne Eydoux, Cnam (CEET et Lise)
Site revue-ballast.fr  salaire-a-vie-et-revenu-de-base : débat B Friot et Baptiste Mylondo 23 juillet 2016
« Finlande : une expérience pour les chomeurs » Revue Suisse Bilan janvier 2017
« Le revenu de base, une fausse bonne idée pour lutter contre la grande pauvreté et l’exclusion » Mission d’information sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base – Par Le groupe CRC  / 18 octobre 2016 Contribution du groupe Communiste républicain et citoyen.

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Commentaires

L'ours des P.o. dit :

Bonjour !

Bon résumé, bien qu’incomplet.
Avec vous vu ça:
http://www.economiedistributive.fr/spip.php?page=recherche&recherche=revenu+garanti
http://www.economiedistributive.fr/spip.php?page=recherche&recherche=revenu+universel
http://www.economiedistributive.fr/spip.php?page=recherche&recherche=salaire+%C3%A0+vie

« Le travail salarié est source d’épanouissement pour les individus, en satisfaisant leur besoin d’utilité, de valorisation sociale et d’appartenance à un groupe. » Là, je ne ‘ai pas pu ’empêcher de rire!

Cordialement