Somfy 2017
La lutte sans relâche de 110 ouvrières contre une violente injustice (publié mars 2019)
Avec la création de Damart à la fin du XIXème siècle, la famille Despature, originaire de Roubaix, engrangera tellement d’argent qu’en 1984, elle décidera de s’offrir le leader mondial de la domotique, l’entreprise Somfy spécialisée dans l’automatisation des ouvertures de la maison, des bâtiments et des systèmes d’alarmes.
Ce groupe originaire de Haute Savoie est devenu aujourd’hui une multinationale implantée sur tous les continents et très lucrative pour ses actionnaires.
A partir de 2008, la contagion de l’optimisation fiscale et sociale atteindra les dirigeants de Somfy. Un contrôle fiscal diligenté sur les années 2009,2010 et 2011, fera apparaître une pratique massive de prix de transfert.
La course à l’optimisation sociale se traduira par des délocalisations effectuées au détriment de la production française. Ce sera le cas de Spirel, la filiale produisant les stators du Groupe. Après l’avoir rachetée en 1992, Somfy s’en débarrassera en 2009 et transférera la production en Tunisie.
Pour ne pas ternir sa notoriété et économiser le coût des licenciements, Somfy se déchargera de la responsabilité de la fermeture sur un petit patron local peu scrupuleux, en le rémunérant grassement, pour qu’il effectue la basse besogne et fasse porter le coût des licenciements à la collectivité.
Et grâce à toutes ses manoeuvres, au cours des 8 dernières années, la fortune du patriarche Paul Georges Despature, exilé fiscal en Suisse, sera multipliée par 20, avec une progression de 2,4 milliards €, alors que les 110 ex salariées de Spirel se battent en justice pour faire reconnaître la violente injustice subie.
Une dynamique roulante de volets
De sous traitante dans le décolletage à une position de leader mondial de l’automatisation
Créée en 1960 dans la vallée de l’Arve à Cluses par la société Carpano et Pons, Somfy (Société d’outillage et mécanique du Faucigny) ne sera, alors, qu’une filiale sous-traitante pour sa maison mère, spécialisée dans la mécanique et le décolletage de précision
La crise de 1966 va contraindre Somfy à chercher d’autres débouchés et à répondre à la demande d’un fabricant de stores en créant un prototype de moteurs pour volets roulants. Dès 1968, ceux-ci seront vendus sur le marché français.
En 1984, le Groupe Damart dirigé par la famille Despature prend le contrôle de Somfy.
A partir des années 90, la mondialisation s’effectuera par la création de filiales et l’acquisition d’entreprises, Simu en 1990, Spirel en 1992, Zurflüh-Feller et SIrem en 2008 … des prises de participation dans CIAT en 2008.
Des cessions d’entreprises auront lieu, comme Spirel en 2010, et les participations de CIAT en 2015 …
Les évolutions technologiques, à la fin des années 90, constitueront un tremplin pour la diversification, avec la domotique pour la maison, les façades bioclimatiques pour les bâtiments, les systèmes de gestion pour les parkings et les accès urbains.
Et un petit tour au Luxembourg
En 2008, la création de la branche Participations (Somfy participation) distincte de branche activités (Somfy activité), est justifiée par Wilfrid le NAOUR , membre du Directoire, dans une vidéo postée sur le site internet du Groupe :
« Somfy dégage des excédents financiers importants. Que faut il en faire ? Nos actionnaires nous ont dit, faites en quelque chose mais on garde l’argent dans Somfy » (voir plus loin les difficultés financières invoquées à la même époque pour se débarrasser d’une filiale française)
Puis en 2014, le patrimoine de Somfy participations sera transmis à une société anonyme de droit luxembourgeois Edify créée pour les besoins de l’opération . La valeur d’Edify à l’issue de l’apport ressort à 253 M€.
Une dynamique sonnante de rentabilité et de dividendes
Au cours des 10 dernières années, le chiffre d’affaires ne cessera de progresser pour atteindre 1,2 milliard en 2017 , dégageant une marge de 13%, taux représentant une très bonne performance dans le secteur industriel.
Le montant annuel des dividendes versés aux actionnaires varie entre 40 à 50 millions € , pour un capital investi dans le groupe de 9,2 millions €, soit un taux de rémunération annuelle de 500 % du capital investi!.
Et 2014, s’ajoute un dividende exceptionnel de 392 millions € pour « fêter » la naissance d’Edify au Luxembourg, au moment où le licenciement des 110 ouvrières de sa filiale Spirel est payé par la collectivité.
Enfin, en 2015, pour faire grimper la valeur de l’action en Bourse, et réaliser de belles plus values, le groupe Somfy rachètera ses propres actions pour les détruire, une perte sèche de 88 millions € ne bénéficiant qu’aux actionnaires, la famille Despature pour 75%. Une opération légale depuis 1998.(voir notre article : Rachats d’actions https://www.cuisinedespatrons.com/rachat-dactions/)
Mais le « toujours plus » prend des allures de provocation : en 2017, dans son document financier, Somfy se targue d’avoir obtenu un dégrèvement d’impôt de 22 millions €
« Faisant suite à l’évolution réglementaire en France, Somfy SA a déposé des demandes de dégrèvements fiscaux ………………..
Les comptes au 31 décembre 2017 intègrent des produits d’impôt pour un montant total de 22,3 M€, dont 17,7 M€ au titre de la contribution de 3 % sur les dividendes et 4,4 M€ au titre de la quote-part de frais et charges (relative aux dividendes et plus-values à long terme sur cession de titres de participation). »
Le patriarche de la famille Despature, Paul Georges a pu devenir milliardaire, pour être classé 7ème fortune française de …. Suisse. Paul Georges a fait fortune sur le dos des salariés et des contribuables français mais refuse de payer ses impôts en France, il est exilé fiscal en Suisse, d’autres membres de sa famille ont fait le choix de la Belgique pour réduire leurs impôts.
Selon le magazine Challenges, au cours des 8 dernières années (2010/2018) la fortune de PG Despature a connu une augmentation de 2,4 milliards €, soit une multiplication par 20!!!
Et la course permanente aux subventions publiques
Comme tous les groupes, Somfy est bénéficiaire d’aides publiques : ainsi, en 2017, le Crédit Impot Compétitivité Emploi (CICE) est de 2,6 millions €, et le Crédit Impôt Recherche de 5,7 millions €, deux subventions dont on connait la parfaite inutilité, le CICE n’a pas créé d’emploi et le CIR est souvent transféré dans les paradis fiscaux (voir nos articles sur le CICE et sur le CIR )
Une dynamique trébuchante …
…Dans le fiscal
Somfy dans son rapport financier 2014 déclare accepter une partie du redressement fiscal de 8,4 millions € pour les années 2009 et 2010 et de 3,1 millions € pour les années 2010, 2011, reconnaissant une pratique illicite de prix de transfert.
L’implantation d’Edify héritant de Somfy Participations est dans un paradis fiscal, le Luxembourg.
…Dans le social, le cas de Spirel
SPIREL, créée dans la vallée de la Maurienne en 1970 pour produire des pièces de moteur pour volet roulant, fut rachetée en 1992 par SOMFY. Spécialisée à outrance, SPIREL fut rendue totalement dépendante du Groupe, qui décidait des prix de ventes, des quantités à produire et bien entendu de l’affectation des bénéfices en dividendes.
Mais atteinte du syndrome du « toujours plus » la famille Despatures décidera de délocaliser la production de Spirel en Tunisie et de supprimer 220 emplois.
Le motif invoqué était la préservation de la compétitivité du Groupe, et ceci en dépit des bénéfices de Spirel, et de ceux du groupe Somfy et en contradiction avec les déclarations de Wilfrid Le NAOUR en 2008 sur l’existence d’excédents financiers importants (voir ci-dessus).
Mais pour ne pas se salir les mains, ne pas ternir leur image sociale, les dirigeants adopteront une stratégie particulièrement pernicieuse.
Dans un premier temps, ils tenteront de faire partir « volontairement » les salariés en proposant une prime alléchante de 30 000 €, ce qui réduira de moitié l’effectif.
Mais pour virer les 110 salariés restant, cela va s’avérer plus compliqué du fait de la très forte combativité des ouvrières qui mobiliseront tous les moyens pour se faire entendre et préserver leur emploi…
Alors les dirigeants de Somfy se débarrasseront de cette entreprise décidément bien encombrante en la cédant à un petit patron peu scrupuleux : B Chappel.
Ce dernier sera largement rétribué pour effectuer la sale besogne et fermer l’entreprise. Pour l’euro symbolique, Somfy mettra à disposition du groupe CHAPPEL, terrain, construction, machine, trésorerie de 2 millions € et une garantie de commande et de marge pendant 4 ans, contre quelques vagues promesses du repreneur.
Somfy restera de 2010 à 2014, le seul et unique client de Spirel.
Et le sieur CHAPPEL ne respectera aucun des engagements pris, au contraire, il conduira l’entreprise au dépôt de bilan : entre 2011 et 2014, il prélèvera sans scrupule, sans vergogne et en toute impunité, 2,5 millions € de dividendes, plus 1,5 million € sous différents formes, une sacrée rémunération de son euro symbolique !
Et en 2014 et les indemnités bien maigres des salariés seront prises en charge par la collectivité, par l’intermédiaire du FNGS, alors que, rappelons le , 2014 est l’année des superdividendes de 392 millions € pour les actionnaires de Somfy.
Mais les salariés de Spirel ne baisseront pas les bras et entameront des procédures judiciaires pour que Somfy assume enfin sa responsabilité sociale dans ce désastre. Les dirigeants de Somfy restent sourds et aveugles aux demandes des salariés :
« Somfy SA conteste les arguments avancés par les conseils des salariés de Spirel, estime avoir respecté ses obligations et reste confiante dans ses chances d’obtenir une décision favorable. En conséquence, le Groupe a qualifié le risque de passif éventuel et n’a donc pas provisionné ce litige »
Au tribunal d’Albertville, malheureusement sous influence (j’ai eu l’occasion de le vérifier professionnellement avec la Compagnie Des Alpes), les salariés seront déboutés sous prétexte que Somfy n’était pas l’employeur direct.
En cour d’ appel, le 4 mars 2019 à Chambéry, l’avocat des salariés, Fiodor Rilov, a plaidé la cession frauduleuse : en effet les dirigeants de Somfy ont cédé Spirel sans prendre la moindre garantie sur la fiabilité du projet du repreneur Chappel, celui-ci a été grassement rémunéré pour fermer l’entreprise et faire payer par la collectivité le coût des licenciements.
L’avocat de Somfy a persisté, lui, dans son double argumentaire mensonger.
La délocalisation de la production de Spirel était nécessitée par des raisons de compétitivité, ce qui est absolument faux au vu des bénéfices dégagés en 2008, par Spirel et dans l’ensemble du groupe.
Somfy n’était pas l’employeur de Spirel, ce qui est absolument faux, puisque de 1992 à 2014, Somfy, client unique de cette filiale, décidait des quantités produites et des prix de vente, des recrutements, des investissements , soit un employeur de fait.
La décision de la cour d’appel de Chambéry sera rendue le 21 mai prochain
Pour finir, écoutez cette vidéo effectuée au moment de l’annonce de la liquidation judiciaires la détresse des ouvrières et le commentaire de l’administrateur judiciaire sur « le dumping social, plaie de nos économies occidentales » : https://video-streaming.orange.fr/actu-politique/spirel-l-entreprise-placee-en-liquidation-judiciaire-VID0000001FcKO.html
Sources
Site internet Somfy
Rapports financiers Somfy 2003 à 2017
Comptes Spirel 2003 à 2011
Nos articles sur le site :https://www.cuisinedespatrons.com/somfy-2015/
Notre vidéo : https://www.cuisinedespatrons.com/somfy-des-volets-roulants-et-des-salaries-roules/
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