Défaillances d’entreprise

Reprise en SCOP ou course au repreneur/investisseur/spéculateur ? (publié septembre 2018)

Chaque année, des entreprises sont confrontées à un dilemme, trouver un repreneur ou disparaitre, suite à un dépôt de bilan, à une difficulté de transmission, ou encore à une délocalisation décidée par les actionnaires. Et la fermeture définitive entraine des pertes d’emplois, et son cortège de chômeurs.

Lorsque la course au repreneur est fructueuse, les différents intervenants, tribunaux de commerce, salariés, élus locaux ne sont pas toujours attentifs à la fiabilité du candidat retenu. En effet de nombreux chasseurs de prime ont compris  l’intérêt de se positionner en sauveurs d’entreprise, pour percevoir les subventions publiques. Et ces personnages sans scrupules n’hésitent pas à fermer quelque temps plus tard l’entreprise, sans encourir la moindre sanction.

Quand  le repreneur est un grand groupe ou un fonds d’investissement, il a, alors, pour objectif de récupérer une marque, une clientèle, ou tout simplement  de réaliser rapidement des gains substantiels, au détriment parfois de la survie de la société.

Pourtant il existe une alternative beaucoup plus intéressante pour l’entreprise et les salariés, la SCOP, la société coopérative et participative. En effet, les statuts encadrant la répartition du résultat et assurant l’implication des salariés, constituent des éléments  favorables à la pérennité de l’entreprise.

Mais l’idéologie dominante manipule les esprits, y compris les plus rebelles, pour les convaincre de l’efficacité de la seule gouvernance capitaliste et de l’incompétence des salariés en matière de gestion. Les exemples  de réussites d’entreprises gérées par les salariés ne sont que rarement médiatisés.

Alors il faut casser cette contrevérité et inciter les salariés à proposer systématiquement un projet de reprise en SCOP avec le renfort  des soutiens logistiques et financiers existants.

A la fête de l’HUMA 2018, un bel exemple d’entraide entre SCOP, les Fralib vendaient leurs produits (thé, tisanes …) mais aussi les glaces la Belle Aude de la Fabrique du Sud. La solidarité plus forte que la course au pognon dingue!!!

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Les enjeux pour l’économie et les emplois

Un constat alarmant

Chaque année, plus de 100 000 entreprises et 700 000 emplois sont menacés de disparition, pour cause de défaillances, pour la moitié d’entre elles, ou pour difficultés de transmission suite au départ  du fondateur.
Il faut y rajouter les fermetures d’entreprises parfaitement rentables, victimes de délocalisation suite à une décision de leurs actionnaires.

Une idéologie dominante écrasante

La recherche d’un « repreneur » est souvent considérée comme la seule solution, alors que l’actualité regorge de leurs méfaits : ces « industriels/investisseurs » se révèlent souvent être des chasseurs de subventions et des fossoyeurs d’entreprises.

Mais l’idéologie dominante réussit à  masquer ces faits pour imposer son postulat :  la gestion serait une affaire de spécialiste, de la seule compétence de la gouvernance capitaliste.

Ainsi, l’alternative d’une  SCOP est  rarement envisagée.
Il est vrai que les exemples réussis de reprise en SCOP font rarement la une des médias, alors que les échecs, eux, le font.

Un parcours semé d’embûches, mais aussi de soutiens

Il aura fallu 1336 jours aux salariés de l’usine Gemenos d’Unilever pour gagner le statut SCOP !!

Les obstacles sont multiples : refus de l’actionnaire de céder l’entreprise aux salariés, partialité des tribunaux de commerce privilégiant une reprise capitaliste , réticence de la clientèle , insuffisance des ressources financières…etc
Mais il existe aussi des soutiens, assistance la confédération des SCOP, prêt de  la BPI, subventions de collectivités territoriales, participation de la population locale.

Un handicap de départ dans la tête des salariés

Citons cet extrait de France 3 Haut de France, du 10 juin 2018, à propos de la reprise d’ArjoWigging :

« Les ouvriers d’Arjo ont refusé la SCOP, ce n’est pas leur boulot. Ils veulent des industriels qui investissent. »

Cette difficulté des salariés à se considérer aptes à « prendre en main le destin de leur entreprise », est profondément ancrée dans les têtes.
Aussi, selon certains analystes, il est indispensable de :

« réaliser un véritable travail de déconstruction des croyances en  délégitimant  la gouvernance privée, et en combattant l’idée du caractère naturel et de la supériorité de la gouvernance privée » et ensuite « de procéder à un travail de reconstruction en défendant  une forme de gouvernance alternative et démocratique. » (source XERFI Canal)

Des repreneurs douteux et non contrôlés

De belles promesses sans fondement

Le nombre d’emplois conservés, le  montant des investissements, la diversification de l’activité… sont parfois volontairement surestimés, sans qu’ aucune sanction ne soit prévue en cas de non respect des engagements pris.
La fiabilité du projet, le passé du futur repreneur ne font guère souvent l’objet d’une étude sérieuse.

Et quand il s’agit d’un grand groupe, celui-ci  cherche, le plus souvent,  à s’accaparer une marque, à éliminer un concurrent ou à réaliser  des gains rapides ou encore à bénéficier de la manne publique, sans la moindre préoccupation pour la survie de l’entreprise.

Des subventions publiques bien réelles

Les collectivités territoriales, l’Etat contribuent financièrement à la reprise et ces fonds publics sont parfois dépensés à perte

Des exemples

Lire nos articles sur GM&S et G COLLA, sur SOMFY/SPIREL et P. CHAPPEL, sur RICCOBONO ;

Lire aussi les histoire de la Compagnie Alpine d’aluminium, de La Fabrique du Sud, et les différentes phases  de leur dépeçage par des grands groupes et fonds d’investissement.

On peut aussi rappeler le cas emblématique d’un site industriel d’Amiens datant de 1910, racheté en 1989 par Whirlpool et délocalisé en Pologne en 2018.

On peut citer encore l’exemple actuel  de l’usine papetière du Groupe ArjoWiggins : la décision en 2014, de cession ou de fermeture de cette entreprise de 320 salariés s’est heurtée à la résistance des salariés qui ont maintenu pendant 3 ans l’outil de production mais refusé d’envisager une SCOP.
La course au repreneur a fini par déboucher sur un « industriel » : Henri Bréban et sa société Express Packaging qui a obtenu un  financement de 16 millions €, emprunt auprès de Banques et subventions publiques (3,2 millions €).

H Bréban est dirigeant de 6 sociétés, (3 sites industriels, 1 holding et 2 sociétés immobilières) situées dans le Pas de Calais et dans le Var, et dont aucune ne dépose les comptes depuis 2011, ce qui laisse planer un doute sur sa fiabilité, le dépôt des comptes étant obligatoire.

La reprise en SCOP

Les atouts des statuts

L’obligation de réinvestir une part importante du résultat

Dans une entreprise classique, les actionnaires peuvent prélever chaque année 95% du résultat, voire même 100% pour verser des dividendes. Et s’ils ne prennent rien pendant quelques années, rien ne les empêche de prélever toutes les réserves d’un seul coup , privant l’entreprise de ses ressources financières.

Dans une SCOP, les associés (au moins pour moitié des salariés)  peuvent prélever au maximum 33% du résultat en dividendes et  doivent en laisser au moins 16% dans l’entreprise, la part revenant aux salariés, associés ou non, est d’un minimum de 25% et d’un maximum de 85%.
Les associés ne peuvent pas prélever les réserves, elles sont définitivement réinvesties dans l’entreprise.

Ainsi, grâce aux investissements et à leurs réserves, des SCOP peuvent traverser les périodes de crise, contrairement à nombre d’entreprises classiques, c’est l’histoire de la cigale et la fourmi.

« L’actionnaire/cigale ayant prélevé toutes ses ressources, l’entreprise se trouva fort dépourvue quand la crise fut venue ».

Une participation majoritaire des salariés

Dans les entreprises classiques, les décisions sont prises par les actionnaires,  au prorata du nombre d’actions détenues, et leur seul but est la maximisation de leur profit et non la pérennité de l’entreprise.

Dans les SCOP, les salariés possèdent au moins 51% des parts, et les décisions sont prises selon le principe : 1 homme , 1 voix, et les dirigeants sont élus par l’assemblée des associés.

Les salariés associés font le choix de pérenniser leur entreprise et d’impliquer l’ensemble des salariés comme en témoignent  les statistiques suivantes :

Loin de prendre 33% les salariés associés ne prennent en moyenne que 13% de dividendes préférant privilégier l’investissement dans l’entreprise en y consacrant 44% du résultat et la rémunération des salariés avec 43% du résultat (moyennes pour l’ensemble des SCOP en France, selon le site internet de la Confédération Générale des Scop)

Et c’est ainsi que les SCOP sont des entreprises plus pérennes , leur taux de survie est supérieure à celui des entreprises capitalistes.

Mais la SCOP n’est pas un long fleuve tranquille

Origine de la création

65% des Sociétés coopératives nouvelles en 2017, ont été une création directe. Les fondateurs sont donc particulièrement motivés par les valeurs de la SCOP, car ils privilégient le rapport humain à  l’enrichissement personnel.

18% proviennent de transmission d’entreprises saines.
Des chefs d’entreprise partant à la retraite peuvent décider de transmettre leur entreprise à leurs salariés . La transition peut s’effectuer dans une durée de 7 ans avec la SCOP d’amorçage.

10% sont issues de transformation d’associations ou autres types de coopératives.

Les derniers 7% sont les reprises d’entreprises en difficulté et dans ce cadre le parcours est semé d’embûches.

Le parcours d’obstacles pour la reprise d’entreprise en difficulté

Les réticences, voire même l’opposition  des salariés

Il faut alors l’implication forte d’un noyau dur de salariés, convaincus et convaincants, pour  persuader les autres salariés de leur capacité à gouverner une entreprise et pour démystifier la gouvernance capitaliste.

Le veto des actionnaires

L’éventuel  refus opposé par  les actionnaires à la cession de l’entreprise, lorsque la fermeture est motivée par une délocalisation.
Cette étape peut être dépassée par des batailles juridiques, la mobilisation des élus locaux et  de la population … comme en témoigne le cas emblématique des Fralib.

L’éventuelle  perte de  confiance de la clientèle,

Il s’agit alors de gagner ou de regagner la confiance de la clientèle et d’obtenir des engagements de sa part, afin d’établir des prévisions fiables sur le montant des ventes.

La mobilisation des partenaires extérieurs

Le soutien de la population et des élus locaux peut constituer un atout rassurant pour les salariés pour les financeurs et les clients.

Un niveau suffisant de ressources financières

Obtenir les fonds nécessaires au redémarrage de l’entreprise constitue une étape clé du processus.

L’apport des salariés associés est le plus souvent  insuffisant et le recours aux aides publiques, aux emprunts s’avère indispensable et s’effectue avec l’assistance des conseillers de l’URSCOP, fins connaisseurs de tous ces rouages financiers.

Le fonctionnement de la SCOP et les exigences de démocratie

La démocratie est un exercice difficile qui doit trouver un équilibre entre  efficacité de la prise de  décisions et expression de tous.

Et il sera nécessaire de mettre en place une nouvelle organisation du travail et des formations pour tous les salariés et d’instituer des supports de communication assurant la transparence …

Et il faut être très vigilant pour éviter des prises de pouvoir par quelques uns, source de déception des salariés et leur découragement.

Actualité des SCOP

Selon le site de la confédération générale des SCOP, ce sont aujourd’hui 3 177 sociétés coopératives, 57 700 emplois (dont 4000 créés pour la seule année 2017, en hausse de 7,6% par rapport à 2016).

« Les coopératives enregistrent un taux de pérennité à 5 ans de 67 %, un résultat supérieur à la moyenne nationale qui est de 60 %. Ainsi, plus des 2/3 des Sociétés coopératives créées entre 2012 et 2017 étaient encore actives fin 2017. »

La société ACOME, la plus ancienne et la plus importante des SCOP en France a été créée en 1932 suite à un dépôt de bilan. Elle est aujourd’hui N°1 de la fibre optique en France.
D’autres, comme les Chèques Déjeuner, font aussi la preuve que les principes de la SCOP assurent une meilleure pérennité de l’entreprise, et une plus grande compétitivité du fait du faible coût du capital et de la forte motivation des salariés.

Sources

Site officiel de la Confédération des SCOP
Rapport sur « la gouvernance des SCOP »
Chaire d’Altergouvernance, Région Rhône Alpes, URSCOP Auvergne
Vidéo You Tube XERFI Canal
France 3 Hauts de France (10 juin 2018)
Monde diplomatique (décembre 2017)
Nos articles sur les SCOP
Nos articles sur les Ex GMS, sur Somfy
Nos vidéos « Mémé l’indignée » sur l’ogre Colla et sur Somfy

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Commentaires

Dominique Charlotte dit :

Super! Merci beaucoup 🙂

Jean-Christophe LÉONARD dit :

Bonjour,

Je découvre votre article très complet.
Je voudrais ajouter 2 points.
Il existe un autre type de coopératives les SCIC qui me semble plus pertinent pour pérenniser une organisation sur le long terme et permettre une croissance organique.
C’est dans ce contexte que les organisations opales (auto gouvernées) prennent leur sens. Il n’y a pas ici de pseudo libération comme vous l’écrivez ailleurs mais la volonté de co-construire.
J’aimerais beaucoup échanger avec vous.